Leyreloup A.M., Digonnet E., Pratique de l'entretien infirmier
Pratique de l’entretien infirmier
Anne-Marie Leyreloup, Emmanuel Digonnet
Le premier ouvrage dédié à l’entretien infirmier écrit par deux infirmiers. S’y associent à la fois un travail de recherche et une réflexion collective éclairée par des entretiens infirmiers dépliés par les soignants qui les proposèrent.
« L’homme malade, ce n’est pas un pied cassé, une appendicite ou une schizophrénie. C’est un technicien chauffagiste, père de deux enfants, habitant un pavillon près d’une agglomération. Il souffre d’une crise de coliques néphrétiques, et ne pourra donc pas jouer avec son club de rugby samedi ni accompagner sa fille Marjorie à la fête de l’école. L’homme malade, c’est une femme de 35 ans, agrégée de lettres, vivant seule dans le studio acheté par ses parents, souffrant d’hallucinations auditives, en invalidité de l’Education Nationale, et qui désespère de jamais retrouver de poste. »
Les auteurs
Co-fondatrice de l’association serpsy dont elle fut présidente pendant 20 ans, Anne-Marie Leyreloup, née en 1957, a été infirmière de secteur psychiatrique au C.H. Esquirol (94), puis cadre de santé. Temps-plein hospitalier, hôpital de jour dans le XIIème arrondissement de Paris, coordinatrice du groupe de recherche en soins du 14ème secteur de Paris puis et en même temps cadre de santé dans un service d’H.A.D, créé par le Dr Piel, formatrice, elle a régulièrement pratiqué l’entretien infirmier qu’elle a choisi comme thème de son mémoire de maîtrise en santé mentale.
Co-fondateur de l’association serpsy dont il a été le trésorier, Emmanuel Digonnet a été infirmier de secteur psychiatrique au C.H. Esquirol (94), dans le Temps-plein hospitalier puis dans un Centre d’Accueil et de Thérapies Brèves (CATHEB), militant syndical, détaché auprès du groupe de recherche, chargé de mission en Palestine, dans l’humanitaire, formateur, restaurateur, puis éditeur. Il a, lui aussi, une grande expérience de l’entretien infirmier.
Tous deux ont créé et animé le site serpsy, pensé comme un lieu de débat autour de la relation soignant-soigné. Ils ont été également directeurs de la collection Souffrance psychique & soins, d’abord aux Editions Hospitalières puis chez Masson.
« La promenade est ainsi une des occasions fréquentes de nouer un entretien. Cette situation où chacun marche à côté illustre bien le cheminement et figure tout à fait l’entretien. Deux personnes, allant dans la même direction, progressant ensemble. Inutile d’aller trop vite, si l’un reste en chemin, il faut l’attendre, parfois revenir en arrière, pour refaire les mêmes pas, mais plus lentement. Le regard peut aller dans la même direction, les corps et les paroles aussi. L’itinéraire, fixé en commun, peut être modifié au gré d’un des promeneurs, mais ce sont les deux qui bifurquent, sinon il n’y a plus de promenade, d’entretiens. »
L’ouvrage
Dans son travail de fin de maîtrise en recherche clinique[1], Anne-Marie Leyreloup se demandait si l’entretien infirmier, dans ces années 90, n’était pas qu’un mythe, qu’une oriflamme qu’on agite et qui ne correspond à aucune réalité vivante. Elle a mené une enquête auprès de trois établissements (C.H. Gérard Marchant -31-, Laragne -05-, Esquirol -94-). Elle a obtenu 272 réponses au questionnaire envoyé. S’en dégageait une grande diversité et une grande richesse des pratiques mais aussi un grand flou en ce qui concerne ce soin.
Anne-Marie et Emmanuel ont donc écrit un ouvrage pour mener une première réflexion théorique et pratique sur l’entretien infirmier : le définir et décrire comment et où il se pratique. Il s’agissait pour eux de permettre au lecteur de se demander « Qu’est-ce que je fais là, « face à face » avec un patient ?
L’ouvrage est donc composé de six parties :
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Du soin infirmier à l’entretien infirmier
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Définition de l’entretien infirmier
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L’entretien infirmier : de la théorie à la pratique
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Les différents entretiens pratiqués
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Situations particulières d’entretien
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Entretien dans le soin
Afin de se décentrer de leurs propres représentations de l’entretien, ils se sont assurés le concours de collègues travaillant dans les différents établissements qui ont accepté de déplier des entretiens qu’ils avaient proposé à des patients et d’écrire leur pratique au plus près. Claudine Subra, Marie Rajablat, Dominique Friard, Isabelle Aubart, Jean Argenty, Alain Acquart, Isabelle Thirot, Annick Leboudec et Jean-Paul Carasco ont présenté des situations d’entretien ce qui permet à l’ouvrage d’aborder une grande diversité d’entretiens et de manières de les concevoir.
L’entretien est défini étymologiquement à partir de la mise en œuvre de liens : « liens entre deux personnes, liens dans le discours, liens qui se feront dans l’histoire du patient. » Les auteurs vont préciser encore cette définition : « L’entretien suppose la rencontre (c’est-à-dire une série d’interactions) de deux personnes, un infirmier et une personne souffrante en demande d’aide (que cette demande soit formulée ou implicite), dans un contexte particulier, avec un objectif, un échange et un jeu de relations affectives et émotives. » Ils précisent ensuite le cadre de l’entretien : lieu, occupation de l’espace, durée et rythme, personnes en présence et nature de la demande, objectifs et déroulement de la séquence de soin.
Ils décrivent ensuite différents types d’entretien : consultation infirmière, entretien d’accueil, entretien téléphonique, entretien de crise, entretien de suivi, entretien à visée psychothérapique, entretien avec la famille, entretien à médiation, entretien de relation d’aide, entretien mère-enfant, entretien par le cadre-infirmier. Sont présentées également quelques situations particulières d’entretien : au cours d’une agitation, avec un patient délirant, pour parler du diagnostic, dans la rue (« la maraude »), à domicile dans le cadre d’une visite à domicile.
Du côté de la pratique
L’ouvrage est résolument pratique. Chaque infirmier y retrouvera des situations connues. Il y trouvera matière à penser, se questionner voire infléchir tel ou tel point de sa pratique.
Apport de cette lecture aux soignant(e)s
La formation initiale est parfois un tel désastre, selon les lieux et les priorités des enseignants de l’IFSI qu’un tel ouvrage reste salutaire, vingt ans après sa publication. Il y a des IFSI où les étudiant(e)s n’auront que deux heures de cours en trois ans consacrés aux entretiens. En grand groupe c’est-à-dire en cours magistral. Et l’on s’étonne que le nombre de patients isolés soit en constante augmentation, que le recours à la contention se banalise. Dans nombre d’unités de soins, les infirmier (ières) n’ont même pas de bureau où accueillir les patients. Cet ouvrage est un véritable vade-mecum où le jeune (et moins jeune) infirmier puisera les éléments de cadre et de réflexion qui lui manquent.
Dominique Friard
[1] LEYRELOUP (A-M), A la recherche de l’entretien infirmier, Mémoire de maîtrise de recherche clinique, Ecole Supérieure Montsouris, Université Paris XII, 19971998.
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