Vademecum autour de l'entretien d'accueil infirmier

Vade-mecum autour de l’entretien d’accueil infirmier…

Il existe plusieurs modes de rencontre avec la psychiatrie et le secteur psychiatrique.

Stéphanie, quittée par son boy-friend, qui lui a préféré Julie, avale les benzodiazépines de sa mère. Elle rencontre la psychiatrie via les Urgences et l’infirmière de psychiatrie de liaison.

Georges, convoqué par le médecin du travail après être arrivé ivre sur son lieu de travail, se résout à suivre une cure en alcoologie. Afin de ne pas perdre son travail, et se rendant compte qu’il ne maîtrise plus sa consommation d’alcool, il rencontre la psychiatrie via l’équipe d’alcoologie de liaison qui l’aide à élaborer une demande de soin.

Nathalie a perdu son père après l’avoir accompagné tout au long d’un cancer des poumons qui lui sera fatal. Le décès remonte à trois ans. Depuis elle n’a plus de goût à rien. Elle pleure dès quelle pense à son père. Elle dort mal. Elle n’arrive pas à « faire » son deuil, ni à réinvestir sa vie familiale et professionnelle. Sur les conseils d’une amie, elle franchit la porte du CMP.

Kevin, a pris des ecstasy lors d’une rave partie. Depuis, il est convaincu d’être l’élu de Dieu. Il prêche par l’exemple. C’est ainsi qu’il s’est rendu dans l’église  de son village lors de la messe dominicale pour inviter les paroissiens à se repentir de leurs péchés. Devant l’incohérence de ses propos et surtout face à son agitation, les pompiers, appelés, l’ont amené aux Urgences où sa mère a signé une A.S.P.D.T (Hospitalisation sur Demande d’un Tiers). Il vient d’arriver dans l’unité accompagné par sa mère.

Arlette et Lucien vivent une scène de ménage permanente. Depuis le départ en retraite de Lucien, la situation s’est encore aggravée. Lucien s’est mis à boire et frappe une Arlette qui le poursuit constamment de ses récriminations. L’équipe mobile d’intervention et de crise a été appelée par un voisinage inquiet qui ne supporte plus ni leurs cris, ni leurs imprécations.

Julien dort mal depuis quatre jours. Bipolaire très informé de ses troubles, il sait qu’il risque de décompenser un état maniaque. Son psychiatre souhaite réajuster son traitement, une hospitalisation brève va lui permettre de le faire.

Max ne supporte plus son incarcération. Il s’est scarifié le poignet en hurlant que sa peine n’en finira jamais, qu’il va laisser sa peau dans cette taule de merde. Ange, l’infirmier de l’UCSA le reçoit.

Stéphanie, Georges, Nathalie, Kevin, Arlette et Lucien, Julien, Max, sept contextes, sept modes de rencontres avec la psychiatrie.

Supposons que les infirmiers qui vont les rencontrer se limitent à leur rôle prescrit.

Stéphanie sort accompagnée par une mère qui minimise son acte avant que le psychiatre appelé puisse la voir. Elle récidive deux jours plus tard en triplant la dose.

La cure de Georges dure une semaine. Dès que l’occasion se présente,  il fugue et entre dans le premier café qu’il rencontre. Il perd son travail et se noie dans l’alcool.

Nathalie a rendez-vous trois mois plus tard avec un psychiatre. Elle ne viendra pas, elle est hospitalisée pour T.S. grave. Son mari a quitté le domicile conjugal la laissant seule avec ses deux enfants.

Kevin, s’agite après avoir vu le psychiatre de garde. Un traitement injectable lui est imposé. Il se débat et blesse une infirmière. Cela fait quatre jours qu’il est en chambre d’isolement.

Arlette a donné un coup de couteau à Lucien, pour se défendre. Heureusement aucun organe vital n’est atteint.

Julien a décompensé son état maniaque.

Max a été transféré. Il s’en est pris physiquement à un caïd qui l’a fait proprement démolir.

Un entretien infirmier proposé au bon moment a probablement évité que ces situations de crise ne mûrissent et ne se transforment pour certaines en urgence, psychiatrique ou vitale.

UCSA, CMP, Equipe Mobile d’Intervention et de Crise, Psychiatrie de liaison et Urgences de l’hôpital général, Alcoologie, Centre Hospitalier Spécialisé, les lieux de soins en psychiatrie sont variés.

Les soins proposés ont tous en commun de proposer des réponses à des situations cliniques complexes que l’on pourrait aussi appeler des situations de crise. La première rencontre est souvent l’occasion d’entretiens infirmiers qui ne peuvent répondre eu égard à la diversité des situations, des lieux de rencontre et des enjeux psychiques au même modèle. Il existe donc « des » entretiens infirmiers. Certains d’entre eux correspondent aux nécessités de l’accueil, voire de ce que nous nommons les « situations de crise », d’autres non.

 

Escargot

GENERALITES

La crise n’est pas l’urgence.

L’urgence

On envisage habituellement l’urgence comme « Toute situation d’apparition brutale et inattendue, prenant des formes très variables suivant les circonstances, mais risquant toujours à court ou à moyen terme d’engager le pronostic vital pour le patient. » (T. Lang)

Dans ce sens, il est permis de considérer la tentative de suicide de Stéphanie comme relevant de l’urgence.

Dupré nomme psychiatrie d’urgence, l’ensemble des pathologies psychiatriques « dont la soudaineté, l’évolution aiguë et la gravité particulière imposent au praticien l’obligation et la responsabilité d’un diagnostic hâtif, d’une intervention thérapeutique immédiate et d’une décision médico-légale rapide. » L’urgence implique une intervention en trois temps quasi-simultanés : diagnostic, thérapeutique et orientation vers un lieu adapté.

La décompensation de Kevin s’inscrit bien dans le cadre des urgences psychiatriques ainsi définies.

« C’est l’acuité du moment pathologique qui provoque la situation d’urgence, c’est son état d’émergence, d’explosivité » précise Samuelian.

On a longtemps considéré que tout moment aigu d’une pathologie psychiatrique relevait de l’urgence.

Nous savons aujourd’hui que tout cela est beaucoup plus complexe.

Le travail de psychiatrie de liaison a permis de mettre en avant la notion « d’urgence ressentie » qui ne décrit pas réellement une urgence vitale mais la perception d’une situation qui presse, qui pousse, qui du point de vue de la personne ne peut pas attendre. Les voisins d’Arlette et Lucien considèrent que l’aggravation de l’interminable scène de ménage qui les oppose depuis vingt ans relève de l’urgence.

Si dans l’absolu, ce type d‘urgence n’implique pas une prise en charge rapide, de fait la personne apparaît comme tellement désemparée qu’elle risque de poser des actes qui obligeront les soignants à faire attendre ce qui ne pouvait pas attendre, les urgences vraies. Max, dont la situation, n‘apparaît pas prioritaire à Ange risque d’aller de plus en plus loin afin d’obtenir satisfaction.

La crise

Le concept de « crise » est introduit en médecine par Hippocrate. Il s’agit d’une phase d’exacerbation des symptômes décrite comme décisive. Elle désigne aujourd’hui, en médecine, l’acmé d’un processus pathologique (crise d’appendicite par exemple).

Si, en médecine, la crise peut se confondre avec l’urgence et implique de traiter rapidement le symptôme, il n’en va pas de même en psychiatrie. En psychiatrie, le symptôme a une fonction. Il dit quelque chose qu’il nous faut essayer d’entendre. On pourrait ainsi considérer qu’une fois, la situation de péril somatique traitée, rien ne s’oppose à la sortie de Stéphanie. De la même façon, un traitement suffisamment sédatif devrait ramener rapidement Kevin à la réalité. L’expérience vécue par Kevin est de celles qui laissent des traces. Un doute s’est insinué en lui. Son rapport à la réalité est radicalement modifié. 

La crise dans le langage courant traduit essentiellement un débordement, débordement de la personne qui semble ne plus pouvoir se contrôler, et débordement des aidants qui se sentent dépassés. Les soignants eux-mêmes utilisent souvent le mot « crise » dans cette acception.  

On considère aujourd’hui que la crise résulte de l’interaction entre l’individu et son milieu. Chacun de nous passe par différentes étapes de vie qui doivent nous permettre d’accéder à une certaine sagesse. Ainsi traversons-nous différentes crises maturatives : enfance, adolescence, maturité et vieillesse. Les hasards de la  vie conduisent également à des crises accidentelles ou situationnelles. Ainsi la perte d’un être proche et l’état de deuil qui en résulte, un conflit conjugal, la naissance d’un enfant, un départ en retraite sont autant de situations qui mobilisent nos défenses et nous obligent à expérimenter d’autres façons de faire face aux événements. Devenir père nous oblige à jouer un autre rôle ; nous ne pourrons le faire que si nos propres parents (qui deviennent grands-parents) et notre épouse (qui est devenue mère) nous reconnaissent dans ce rôle. En ce sens, l’évolution d’une crise maturative est aussi dictée par l’entourage. Les crises de maturation potentialisent également la vulnérabilité des sujets qui les traversent. Ainsi certains individus fragiles décompenseront-ils une pathologie psychiatrique lors de ces crises. C’est souvent au moment de la crise d’adolescence que les personnes vulnérables entrent dans une schizophrénie. 

Stéphanie confrontée à une déception amoureuse, Nathalie qui pleure la mort d’un père qu’elle a accompagné jusqu’au bout, Kevin qui traverse une adolescence chaotique, Arlette et Lucien qui doivent affronter la retraite de Lucien et ses conséquences sur leur vie de couple, Julien qui doit intégrer une promotion professionnelle, Max qui a appris au parloir que son amie était nommée à cent kilomètres de la Maison d’arrêt jusqu’à Georges qui vient d’apprendre que sa femme le trompe depuis deux ans ; tous sont convoqués, indépendamment de leur structure de personnalité, par une crise existentielle. Chacun réagit à cette crise selon sa pente psychique naturelle et les capacités de son entourage à accompagner eux-mêmes ces changements.

La mère de Stéphanie s’est mariée par dépit avec le meilleur ami de l’homme qu’elle aimait. La mère de Nathalie est morte d’une rupture d’anévrisme alors que Nathalie était à l‘étranger. Elle n’a pas pu se rendre aux obsèques, ce que ses sœurs lui reprochent encore. Le père de Kevin a quitté femme et enfant pour filer le parfait amour avec l’homme de sa vie. Arlette n’a jamais pu donner d’enfant à Lucien qui n’a qu’une fille d’un premier mariage qui ne vient plus les voir. La mère de Julien lui a toujours préféré son frère. Malgré ses brillantes études Julien ne s’est jamais senti aimé par sa mère. Le frère de Max est mort d’une overdose. Sa mère inconsolable passe tous ses jours au cimetière. Quant à Georges, il est le petit dernier d’une fratrie de six sœurs qui se disputaient le petit frère. 

La crise est « un désordre passager, le plus souvent provoqué par la rencontre au même moment d’un certain nombre de facteurs, dont aucun à lui seul n’aurait produit un effet du même ordre. Cette conjonction rend pour un temps impossible le fonctionnement mental antérieur et suspend sa fonction régulatrice ». (Diatkine)

Soigner ces huit personnes ne saurait se limiter à une simple prescription de neuroleptique, d’antidépresseur ou d’anxiolytique. Quelle que soit la pathologie dont chacun relève, celle-ci n‘explique pas entièrement la situation dans laquelle chacun se trouve plongé. Quelle que soit la prégnance de leur histoire individuelle, celle-ci ne rend pas totalement compte des difficultés actuelles ni de leur retentissement sur leur équilibre de vie.   

Aborder la crise, c’est considérer celle-ci dans une perspective plus dynamique, davantage ouverte sur des réaménagements des défenses et la découverte d’un nouvel équilibre de vie dans son contexte quotidien.

Les phases du déroulement de la crise

Caplan décrit le déroulement de la crise en quatre phases :

  • Un accroissement de la tension intérieure, un stimulus extérieur provoque la mise en jeu des tentatives de résolution de problèmes habituelles ;

  • s’il y a échec, l’accroissement de la tension interne se poursuit, entraînant un sentiment d’impuissance et de détresse ;

  • au-delà, il y a dépassement d’un seuil, le malaise devient lui-même un moteur interne puissant, l’issue de la crise peut encore s’entrevoir avec une mobilisation ultime des ressources ;

  • si l’échec persiste, la tension atteint un point de rupture, la conséquence en est une désorganisation majeure du fonctionnement psychique.

Nous pouvons retrouver ces quatre phases chez chacun des protagonistes de ce vade-mecum. Stéphanie aussi s’est sentie tendue après la rupture. Elle s’est dit qu’elle trouverait un autre boy-friend, que le lycée était rempli de garçons plus attirants, plus intelligents que celui qui l’a plaqué. Mais la défense n’a pas fonctionné. Elle ne pense qu’à lui, qu’à sa trahison, qu’à l’autre, cette Julie trop jolie qu’elle ne peut même pas s’autoriser à agresser. Georges n’a pu trouver refuge que dans l’alcool. Il a bu, bu et rebu. Il ne songe même pas à tenter de reconquérir la traitresse. Il est vaincu d’avance. Nathalie se laisse aller. Elle est morte à l’intérieur. Le seuil est dépassé. Elle reste de plus en plus souvent couchée. Kevin a dépassé le point de rupture.

Des entretiens pour accueillir

Structures ambulatoires ou unité d’un centre hospitalier sont des lieux de soins, on ne peut envisager le soin qu’en avançant vers l’autre, qu’en faisant connaissance, qu’en essayant d’identifier avec lui ce qui produit les symptômes qu’il adresse. Les nécessités de la surveillance ne peuvent et ne doivent s’opposer à celles du soin.

3- L’entretien d’accueil (ou de première rencontre)

Définition

L’entretien d’accueil est une tentative d’instauration d’un dialogue entre une ou deux infirmières et le patient dans les heures qui suivent son admission à l’hôpital, ou dès la première rencontre dans une structure de soins ambulatoires.

Selon les situations,  on lui assigne quatre ou cinq objectifs :

  • entrer en relation avec le patient, soit poser les premiers jalons d’une alliance thérapeutique ;

  • répondre à ses questions de telle sorte qu’il puisse « apprivoiser » les soignants et se repérer dans le fonctionnement institutionnel,

  • recueillir des informations permettant à la fois de :

    • nourrir le diagnostic médical,

    • décrire le contexte  familial, social et culturel dans lequel il est pris,

    • repérer et analyser sa demande de soins ;

  • si cela s’avère possible agir sur sa problématique subjective en permettant dès ce premier entretien un réaménagement des défenses ;

  • et enfin, le plus souvent, débuter la prise en charge proprement dite en lui proposant les grandes étapes d’une démarche de soins.

 

Comme tous les entretiens, l’entretien d’accueil remplit trois fonctions :

  • recueillir des données,

  • soutenir et contenir psychiquement et émotionnellement le patient,

  • créer une relation suffisamment bonne pour initier le soin à proprement parler.

Le compte-rendu écrit d’entretien devra donc prendre en compte ces trois fonctions.

La présence de la famille permet :

  • d’enrichir le recueil de données,

  • de nouer une alliance thérapeutique avec le patient et sa famille,

  • de favoriser un travail sur la crise en rassurant les uns et les autres, et en permettant à l’information de circuler entre les différents membres de la famille.

Qui demande quoi et à qui ?

Peu importe la grille de données utilisée pour recueillir des données, elle doit faire apparaître les demandes apparentes et sous-jacentes. Une simple question permet de résumer le travail d’élucidation de la demande de soin :

- Qui demande ? Qui porte la demande de soin ? Le patient lui-même, le patient en tant que fils, qu’époux, sa mère, son conjoint, les voisins, le médecin généraliste, la justice (dans le cadre d’une obligation de soins), le préfet, etc. ?

- Demande quoi ? Quelle est la nature de la demande : obtenir des soins, une hospitalisation, une pension, être rassuré sur sa santé mentale, obtenir l’avis d’un expert, etc… ?

- A qui ? A qui s’adresse la demande ? Au soignant qui mène l’entretien, à une équipe soignante, à une institution, à la psychiatrie en tant que sciences, à un père, à un substitut maternel ?.

- Comment ? De quelle façon est soutenue la demande ? Tant sur la forme que sur le fond. La personne va-t-elle droit au but ? Se perd-elle dans les détails ? Fait-elle en sorte que ce soit l’autre, le soignant qui demande à sa place ? Quelle est la charge affective de l’entretien ? Utilise-t-elle un langage soutenu ? Essaie-t-elle d’amener le soignant sur le terrain d’une certaine familiarité ? Utilise-t-elle des néologismes ? On retrouve là la plupart des observations sémiologiques psychiatriques qui aideront au diagnostic médical.

- A quel moment ? Dans quel contexte surgit la demande ? Pourquoi ce qui était jusqu’ici supportable ne l’est-il plus ? Qu’est-ce qui a changé récemment ? Qu’est-ce qui s’est modifié dans le système du patient ?

- Pourquoi ? Quel est le but recherché ? Echapper à une peine de prison, chercher un hébergement, chercher une limite contre laquelle se fracasser pour se sentir exister, un endroit où régresser, etc… ?

Ainsi Georges dira-t-il à l’infirmière d’alcoologie, qu’il veut se sevrer afin de répondre à l’injonction du médecin du travail. Il ne souhaite pas réellement arrêter de boire, il voudrait pouvoir se comporter comme les autres, pouvoir s’interrompre avant d’être ivre-mort, ce qu’il savait bien faire avant d’apprendre que sa femme le trompe. Il sait que le centre d’alcoologie est un lieu spécialisé qui a une bonne réputation, qu’on lui donnera des médicaments pour l’aider à supporter le sevrage. Il ne sait pas vraiment en quoi consiste le traitement. On lui a parlé d’activités, mais il n’aime pas bien ça. Il ne se voit pas à son âge faire de la poterie. Ca lui rappelle le centre aéré où sa sœur aînée l’amenait quand il avait huit ans. La parole est rare. L’infirmière a l’impression de lui tirer les verres du nez. Ce n’est que lorsqu’elle lui a demandé de lui parler de son rapport avec l’alcool qu’il s’est animé. Il lui a longuement parlé de la période où il travaillait dans une cave. L’infirmière pense qu’il n’est pas prêt. Elle lui propose de le revoir quelques fois encore afin de l’aider à mûrir sa motivation.

Il ne sert à rien de fabriquer des grilles de recueils de données sophistiqués. En tant qu’infirmiers nous pouvons avancer à partir de cinq questions qui suffisent pour initier une démarche de soins.

  • Pouvez-vous nous raconter votre histoire ?

  • Actuellement, où en êtes-vous ? Cette question permet d’enchaîner éventuellement avec le « Qui demande quoi à qui » ?

  • Qu’est-ce qui vous pose problème aujourd’hui ?

  • Quel est le motif de votre hospitalisation (si le patient est hospitalisé) ?

  • En quoi pouvons-nous vous aider ?

Il faut une certaine souplesse pour reformuler ce qui nous semble devoir l’être. Ces questions constituent un cadre souple, en aucun cas, elles ne doivent devenir un carcan dans lequel le soignant s’enferme avec son patient.

Ainsi Julien commence-t-il son histoire par celle de son frère. Il raconte ses succès, son beau mariage, la fierté de ses parents. Il poursuit ensuite en expliquant qu’il a dû renoncer à ses études de médecine parce que ses parents ne pouvaient payer d’études qu’à son frère. Il est devenu visiteur médical et a grimpé les échelons un à un. Il a décompensé sur un mode maniaque autour de sa première vraie promotion. Il raconte ensuite l’histoire de sa maladie. Il a dû renoncer à la visite médicale et est devenu commercial dans une entreprise d’informatique. A chaque promotion, il connaît une alerte maniaque. Il a beaucoup travaillé avec le psychiatre qui le suit depuis le début de ses troubles. Il doit être nommé responsable régional et craint une rechute. Cela fait quelques jours qu’il dort mal. En accord avec son psychiatre, il est hospitalisé afin de rééquilibrer le traitement et de passer cette phase difficile. Ses troubles du sommeil l’inquiète évidemment. Il voudrait bien pouvoir sortir un peu de l’anonymat, que sa mère puisse être un peu fière de lui, même s’il a compris grâce au travail sur lui-même que ça n’était pas gagné. Il aimerait poursuivre les entretiens qu’il a commencés avec Jacques qui était son infirmier référent. Il trouve qu’ils lui avaient beaucoup apporté.  

Cinq stratégies peuvent être utilisées à l’issue de cet entretien d’accueil :

  • proposer au patient de faire une synthèse de l’entretien, quels points saillants il en retient ;

  • suggérer au patient d’accomplir un certain nombre d’activités à réaliser pour le prochain entretien, telles que :

    • expérimenter avec ses proches quelques aspects discutés au cours de l’entretien,

    • réfléchir sur un point particulier de la discussion,

    • être attentif à certains ressentis (par exemple repérer à quel moment de la journée il se sent triste) ;

  • résumer l’entretien et esquisser les pistes de soin ou présenter une démarche de  soins minimale ;

  • interrompre l’entretien et se donner une vingtaine de minutes pour faire le point avant de proposer au patient une orientation, une démarche de soins, cette stratégie est particulièrement pertinente quand l’entretien est mené par deux soignants ;

  • en entretien d’accueil dans les structures de soins ambulatoires, inviter le patient à rappeler quelques jours plus tard, cette façon de faire permet de travailler l’entretien et son contenu en réunion de régulation, mais elle retarde le début de la prise en charge.

A la fin de l’entretien d’accueil de Nathalie, Brigitte et Florence sont désemparées. L’histoire de Nathalie, telle qu’elle apparaît dans son récit n’est qu’une suite de catastrophes, la mort de son père n’étant que la face immergée de l’iceberg. Les deux infirmières littéralement mangées par la détresse de Nathalie lui proposent de résumer les points saillants de l’entretien. Celle-ci leur dit qu’après tout ça, elle se demande ce qui va bien pouvoir lui tomber dessus. Non, elle ne voit pas ce qu’elle pourrait retirer de cet entretien. Elles décident donc d’interrompre l’entretien une vingtaine de minutes avant de proposer une orientation à Nathalie. Si Nathalie leur apparaît dépressive, rien ne montre qu’elle pense à attenter à ses jours. Les épreuves s’abattent sur elles mais elle tient. Elle résiste à tout même si, depuis la mort de son père, cela apparaît de plus en plus difficile. Elles décident de valoriser ce point. Elles vont évidemment lui proposer de revenir. Le premier rendez-vous possible avec un psychiatre est dans deux mois. Elles ne conçoivent pas de la laisser seule, sans soins pendant tout ce temps. Elles lui proposent donc un rendez-vous une semaine plus tard en lui demandant de noter sur une feuille les moments où elle sent les larmes lui venir aux yeux. Qu’elle essaie de repérer les menus événements qui accompagnent ces larmes.   

Le cadre de l’entretien d’accueil

On peut retrouver ces éléments de cadre dans la plupart des entretiens, qu’ils soient d’accueil ou non. Avec Chalifour, nous reconnaissons sept variables à l’entretien :

  • le contexte de l’entretien, nous n’insisterons pas davantage sur cet aspect de l’entretien sinon pour rappeler une fois encore combien il est central pour décrire et comprendre ce qui se passe au cours de cette séquence de soin ;

  • les caractéristiques du patient, âge, sexe, profession, mode d’hospitalisation, références culturelles, goûts, ressources psychiques, état clinique, qualité de sa relation avec le ou les soignants, etc… ;

  • les caractéristiques de l’infirmière, âge, sexe, références culturelles, qualité de la relation établie avec le patient, disponibilité psychique de l’infirmière, qualité de sa relation avec sa collègue si deux infirmières l’animent, etc… ;

  • le but de l’entretien, l’entretien étant un soin, il est essentiel que l’entretien ait un but. Chacun des deux partenaires a des attentes différentes, il convient donc de s’entendre sur le but de l’entretien. Si deux soignants mènent l’entretien, il est évident qu’ils doivent être d’accord sur les buts de l’entretien ;

  • le contenu traité, l’échange porte sur des contenus conceptuels et affectifs. Ces contenus influent sur la rencontre. Il est des thèmes que l’infirmier peut ne pas souhaiter voir aborder : la mort, la sexualité, etc… Plutôt que de faire comme si certains mots n’avaient pas été prononcés, l’infirmier peut verbaliser sa difficulté à traiter ces problématiques en proposant au patient de les reprendre en entretien médical ou en psychothérapie. Le contenu de l’entretien s’élabore pour l’essentiel après l’entretien en en faisant un compte-rendu, en transmettant au médecin et à ses collègues au moment des régulations ;

  • la durée et la fréquence des entretiens, ils sont évidement très variables, de vingt minutes à une heure selon le contexte. Il est essentiel de ne pas « vider psychiquement » le patient. L’entretien aurait alors un effet négatif.

  • Le lieu de l’entretien, chaque endroit a des caractéristiques qui favorisent ou non l’entretien. Quel que soit ce lieu, l’infirmier doit faire en sorte d’optimiser les conditions d’échange et surtout de repérer comment les caractéristiques du lieu affectent le contenu de l’échange.

Ces sept éléments permettent de décrire l’entretien et son cadre. Ils constituent la base de la transmission infirmière.

Lorsque Pascale, l’infirmière de psychiatrie de liaison rencontre Stéphanie, elle est inquiète. Sa fille de 15 ans lui a dit qu’elle était amoureuse d’un grand de terminale. Elle se demande ce qu’un presqu’homme peut bien trouver à son bébé. Elle est si jeune encore. Il va se moquer d’elle et la jeter. Lorsqu’elle écoute le récit de Stéphanie, elle perçoit tout de suite, les similitudes. Elle doit faire un effort pour écouter Stéphanie et non pas ce qu’elle imagine qu’il pourrait arriver à sa fille. Stéphanie est surprise par la qualité de l’écoute de cette infirmière. Il lui semble qu’elle ne lui manifeste pas qu’un intérêt professionnel. Elle lui semble émue par son histoire. Elle a la sensation d’être réellement prise au sérieux, beaucoup plus que par sa mère qui lui a répondu : « Ce n’est rien.  Ca va passer. » Stéphanie se dit : « Ah si ma mère pouvait s’intéresser à moi comme ça. » Elle se sent en confiance et parle, parle, parle. Il lui semble qu’il ne lui est jamais arrivé de parler autant d’elle. Stéphanie comprend que ce n’est pas tant la rupture qui la fait souffrir mais l’idée qu’il l’ait trompée avec Julie. Elle réalise qu’elle ressent plus de la colère que de la peine. Colère contre le garçon, colère contre Julie qui se posait comme son amie, colère contre leurs mensonges. Comment exprimer sa colère ? Elle ne sait pas. Elle a l’impression qu’elle pourrait leur faire n’importe quoi. Elle explore quelques façons de manifester sa colère avec Pascale. Des biens sadiques, des franchement hilarantes. Elle se rend compte soudain qu’elle rit. Oui, elle en rit. Elle ne pense plus aux médicaments de sa mère. Elles concluent l’entretien là-dessus. Stéphanie demande à l’infirmière si elle pourrait la revoir. Pascale lui répond qu’elle travaille au CMPP et que si elle en sent le besoin, elle peut prendre rendez-vous. L’entretien a duré trois quarts d’heure. Pascale passera revoir Stéphanie en fin de matinée juste avant qu’elle ne quitte les Urgences avec sa mère. Elles ont convenu que Stéphanie passerait la voir la semaine prochaine au CMPP pour faire le point.   

4-L’entretien en situation de crise

Ce type d’entretien est particulièrement pertinent en CMP, en psychiatrie de liaison et pour les équipes mobiles et à l’hôpital selon la théorie de soin du secteur. L’entretien en situation de crise suppose de se référer à minima aux théories systémiques et aux thérapies brèves. Même si les outils proposés intègrent cette approche, il apparaît difficile de proposer des entretiens en situation de crise si la structure de soins, ambulatoire notamment, n’intègre pas ce système de référence.

Les étapes de l’interaction de crise

L’entretien en situation de crise s’inscrit au sein de « l’interaction de crise », concept développé par Andreoli.

Le modèle classique comprend quatre étapes :

  • évaluer le patient, son problème et le contexte dans lequel il évolue, repérer ce qui fait crise et l’événement qui la précipite ;

  • planifier l’intervention thérapeutique, consiste à faire l’inventaire des ressources mobilisables par le patient (ses propres ressources intérieures mais également les personnes de son entourage susceptibles de le soutenir et de quelle manière) ;

  • intervenir, selon quatre pistes privilégiées :

    • aider le patient à acquérir une compréhension intellectuelle de la crise qu’il traverse,

    • aider le patient à prendre conscience de ses sentiments et de ses émotions actuels, auxquels il n’a peut-être pas accès,

    • rechercher avec le patient des mécanismes de maîtrise,

    • faciliter la réouverture vers le monde social ;

  • enfin résoudre la crise, et extrapoler pour le futur.

Lorsqu’Eric et Manuelle, les deux infirmiers de l’équipe Mobile d’Intervention et de Crise arrivent au domicile d’Arlette et Lucien, les voisins sont sur le pas de leur porte. « C’est moi qui vous ai appelé, dit l’un. Je suis inquiet. Nous le sommes un peu tous. Ici, c’est un lotissement plutôt sympa. Tout le monde connaît tout le monde. Arlette et Lucien passent leur temps à s’engueuler, ça fait vingt ans que ça dure. Ils sont adorables. Toujours prêts à rendre service mais c’est plus fort qu’eux, ils sont comme chien et chat. Il faut qu’ils se crêpent le chignon. On n’y a jamais prêté attention sauf que depuis six mois, un an, depuis en fait que Lucien est en retraite leurs querelles sont passées à l’étape supérieure. Ils se battent. C’est pour ça qu’on vous a appelé. On leur a dit que vous alliez passer. Ils vous attendent. »

Eric et Manuelle prennent note de l’investissement du voisinage. Une telle sollicitude est plutôt rare.

Lucien leur ouvre. « Vous êtes bien jeunes, commence-t-il.

- Ils sont bien assez vieux pour ce qu’ils ont à faire, rétorque Arlette. Tu ne serais pas odieux avec moi, ils n’auraient même pas besoin d’être là. Si c’est pas malheureux d’en arriver là.

- A qui la faute ? Tu ne serais pas constamment derrière mon cul à épier ce que je fais …

- Euh, bonjour, commence Eric.

Ils ne l’entendent pas.

- Heureusement que je suis derrière toi. Tu oublies tout. Tu ne ranges rien. On voit bien que c’est pas toi qui te tapes le ménage.

Manuelle ressort et appuie de toutes ses forces sur le bouton de la sonnette. 

Ouf ! Ils s’interrompent un instant.

- Bonjour, reprend Manuelle, après s’être présentée et avoir présenté Eric. Vos voisins nous ont demandé de passer parce qu’il leur semble que vous avez tous les deux mal à votre couple.

- De quoi ils se mêlent ceux-là, grogne Lucien.

- Nous n’avons pas compris non plus pourquoi ils nous demandaient d’intervenir, enchaîne très vite Eric.

- Manifestement, vous tenez beaucoup l’un à l’autre, reprend Manuelle.

- C‘est sûr, poursuit Eric, vous n’arrêtez pas de vous envoyer des mots d’amour. Vous ne vous étiez même pas aperçu que nous étions là. C’était même un peu gênant pour nous.

- Vous savez qu’ils sont là à attendre que nous sortions. Il va falloir qu’on leur dise quelque chose. Et nous on n’a pas la moindre idée de ce qu’on va pouvoir leur dire pour leur expliquer que vous n’avez pas besoin de nous.  Tu as une idée, toi Eric ?

- Non. Peut-être pourriez-vous nous aider ? Vous êtes bien M. et Mme Bowen. On ne s’est pas trompé d’adresse, au moins.

- Non, non répond Arlette. Vous ne vous êtes pas trompé d’adresse. C’est vrai qu’on s’aime beaucoup mais on ne sait pas comment le montrer. On n’a jamais su. N’est-ce pas Lucien ?

- Ouais, c’est vrai.

L’intervention paradoxale permet à Eric et à Manuelle de recueillir les premières informations. Au fond, Arlette et Lucien ont tout pour être heureux. Ils possèdent leur pavillon qu’ils ont fini de payer. La retraite de Lucien sans être somptueuse leur permet de vivre tranquillement. Ils se sont toujours houspillés. Le jour même de leur rencontre, ils ont trouvé moyen de s’opposer. C’est leur façon d’être ensemble. Il est vrai que depuis la retraite de Lucien c’est plus compliqué. Ils en sont venus aux mains deux ou trois fois. Rien de bien grave mais tout de même. Arlette a giflé Lucien qui a répondu par un coup de poing. Arlette a du cacher son hématome derrière ses lunettes de soleil. Une autre fois Lucien a poussé Arlette qui s’est effondrée sur la table basse du salon. Elle a boité quelques jours. Il y a quinze jours Arlette a cassé le balai sur le dos de Lucien. Ils sont incapables de décrire l’enchaînement des faits. Ils ne nient pas les coups. Ils ne les minimisent pas non plus.

« Qu’est-ce qui a changé depuis le retraite de Lucien, s’interroge Eric.

Quand Lucien travaillait, Arlette avait une vie à elle. Elle faisait son marché, allait papoter avec ses copines. Elle n’en peut plus d’avoir Lucien constamment avec elle, dans ses pattes. Elle n’a plus d’intimité, dit-elle curieusement. Lucien, lui, convient qu’il s’ennuie. Il était chef d’équipe, avait quelques ouvriers sous ses ordres. Il a, maintenant la sensation de ne plus servir à rien. Il lui semble qu’Arlette s’intéressait davantage à ce qu’il faisait qu’aujourd’hui. Chacun décrit en écho sa difficulté à s’aménager un espace personnel avec la situation créée par la retraite de Lucien qui semble avoir rompu un équilibre précaire.

« Nous, on entend bien que vous traversez une étape de vie qui nécessite la recherche d’un nouvel équilibre. On se doute bien que vous n’allez pas vous tapez dessus tout le temps. Mais vos voisins ? Qu’est-ce qu’on va bien pouvoir leur dire ? Comment les convaincre qu’Arlette ne cassera plus de balai sur Lucien qui ne donnera plus de coups de poing à Arlette ? Si ça recommence dans deux jours et qu’ils se plaignent, qu’est-ce qu’on va prendre. On nous dira qu’on ne sert à rien, qu’on est trop jeune ou trop vieux. Quelle garantie pouvons-nous leur donner que vous allez vous apaiser ? »

Eric et Manuelle sont passés du temps d’évaluation à la planification de l’intervention thérapeutique.

Arlette et Lucien cherchent ensemble. Ils promettent de s’amender mais Eric et Manuelle ne l’entendent pas de cette oreille. Ils ne vont pas risquer leur place sur des promesses.

« Comment faire, reformule Manuelle, pour que Lucien ne s’ennuie plus et qu’Arlette ait une vie à elle ?

- Comment vous montrer votre amour l’un à l’autre autrement qu’en vous tapant dessus ? poursuit Eric.

- Et si on se refaisait notre voyage de noces, propose Arlette. Cela fait des années que nous en parlons. Nous n’avons jamais eu le temps de le faire.

- Hmouais … réfléchit Lucien. Je rêve de visiter à nouveau le Palazzo Vecchio, Santa Maria del Fiore. Oui, ce serait pas mal de passer quelques jours à Florence. Mais si on voyage on sera tous les deux, tu n’auras pas d’espace à toi.

- Sauf si on y va en voyage organisé. Edith la voisine m’a parlé d’une agence qui mêle les visites en groupe et les activités solitaires. Il suffirait que je lui demande des renseignements.

Arlette et Lucien vont peaufiner leur projet.

Eric et Manuelle leur demande deux choses : leur envoyer une carte postale de Florence et de les recevoir après ce voyage. Ils s’offrent une récréation, c’est d’accord, une petite lune de miel mais ça ne suffira pas à rassurer les voisins. A leur retour, Arlette se sentira toujours enfermée et Lucien s’ennuiera de plus belle.        

5- L’entretien informel

En pratique hospitalière, l’entretien informel est certainement le type d’entretien le plus utilisé et le plus ancien. Il répond à la plupart des situations, et il ne sert donc à rien de multiplier les situations d’entretien formel. Le patient a rencontré son médecin généraliste, puis le médecin des urgences. Il va rencontrer le psychiatre de garde avant de faire connaissance le lendemain avec le psychiatre qui le suivra. A chaque fois, il doit recommencer son récit et se replonger dans la situation qui le fait souffrir et entraîne l’hospitalisation.

Un entretien informel bref permet :

  • de recueillir des données complémentaires sans que le patient ait la sensation de faire un effort,

  • de nouer la relation autour des petites choses du quotidien,

  • de soutenir émotionnellement le patient s’il en a besoin.

Quatre aspects doivent ressortir de l’entretien informel :

  • la relation, quelle place occupe chacun des deux partenaires l’un vis-à-vis de l’autre, comment évolue cette relation ;

  • le contrat ou mode opératoire, à quels besoins du patient répond l’infirmière, de quelle façon, et selon quelle « routine » ;

  • le but, l’entretien informel n’étant pas une conversation amicale, ni une discussion de salon, l’infirmière identifie les buts poursuivis au cours de cet entretien informel : recueil de données, soutien affectif, résolution de problèmes, etc.

  • la transmission des informations, sauf à n’être qu’une conversation, l’entretien informel implique une transmission des informations recueillis dans les trois plans décrits.

Kevin, lors de son entrée a été reçu par le psychiatre de l’unité. L’entretien a tourné court, Kevin dévide sur un ton pénétré les passages de la Bible. Lorsque le psychiatre l’a informé de son mode d’hospitalisation, et lui a prescrit un traitement en lui précisant qu’en cas de refus celui-ci pourrait lui être injecté contre son gré, Kevin a énoncé : « Il faut rendre à César ce qui appartient à César … ».

Les infirmiers présents dans l’unité se sont bornés à l’accueillir lui et sa mère, leur présentant l’unité, son fonctionnement et tout ce qui pouvait leur permettre d’apprivoiser un lieu qui manifestement terrorise la mère qui semble regretter déjà d’avoir signé l’ASPDT. Elle est vite repartie, promettant de revenir le lendemain. Ils n’ont pas proposé d’entretien d’accueil à Kevin, ni à sa mère. Ils ont fait en sorte de limiter les stimulations. Leurs quelques tentatives pour aller un peu plus loin se sont heurtées aux « Repentez-vous misérables  pêcheurs » de Kevin. Lors de l’inventaire, Marc, l’infirmier a remarqué les cd de techno que Kevin avait amenés. Passionné lui-même de techno, il a remarqué que ces cd appartenaient tous au courant minimaliste et à la micro house. Ricardo Villalobos a-t-il commenté d’un air connaisseur, Claro Intelecto, vous n’aimez pas Superpitcher ? Kevin en a oublié ses prières. Superpitcher ? Et pourquoi pas Ada tant que vous y êtes ? Il s’en est suivi une discussion de spécialistes à laquelle Clara l’infirmière, collègue de Marc n’a rien compris. Marc s’est rendu compte que Kevin avait une vraie connaissance, une vraie passion pour la techno, qu’il n’était pas aussi désocialisé qu’il y semblait. Il s’est avéré capable d’argumenter. Marc partage d’ailleurs les mêmes goûts et pour les mêmes raisons. Sa provocation avait juste pour but de trouver un espace d’échanges en dehors de la thématique délirante. Lorsqu’un peu plus tard, il a fallut distribuer les traitements, c’est lui que Kevin est venu voir. « Si vous avez cinq minutes, vous pouvez peut-être passer dans ma chambre écouter un peu de musique », lui a proposé Kevin. Marc a évidemment accepté. Il continue à recueillir les données. »   

Ainsi que le montre, cette petite vignette clinique, notre approche des entretiens est une approche préventive. Il s’agit de créer une relation qui deviendra progressivement une relation de confiance. Il vaut mieux que le patient vienne voir un soignant repéré par sa capacité à le contenir et l’écouter au moment où il sent la tension monter en lui que lorsqu’il a atteint le point de rupture.

L’entretien informel permet également de prendre en compte l’urgence et la crise au sens médical du terme, qu’elle corresponde à une situation de violence contre soi ou contre les autres ou à une flambée délirante. Lorsque le patient supporte mal la relation à l’autre, lorsque l’on a la sensation qu’un rien suffirait à le faire exploser, il ne sert à rien de lui imposer un entretien, dans un bureau, à l’écart (c’est même une pratique risquée). Il vaut mieux initier un début d’entretien bref, là où il est et l’amener progressivement à canaliser cette violence et/ou le ramener à la réalité. L’entretien informel permet également d’observer ce que le patient met en place pour se protéger et pour protéger l’environnement. Il permet alors de s’ajuster au patient.

Aspects techniques

L’entretien implique la maîtrise relative d’un certain nombre de techniques. Porter (Introduction to therapeutic conselling, 1950) a identifié six façons de réagir dans le cadre d’un entretien aux messages apportés par le patient :

  • la solution, on n’écoute pas ce que dit le patient, mais on cherche immédiatement une solution, on voit évidemment tout de suite la réponse que l’on apporterait soi-même au problème ;

  • le soutien, on n’écoute pas davantage, on encourage, on compatît, on estime surtout que le patient ne doit pas dramatiser ;

  • l’évaluation, on n’écoute toujours pas, on pose un jugement de valeur, on approuve ou l’on critique, on se pose en censeur moral ;

  • la question, on pose des questions, on cherche à en savoir davantage mais on oriente l’entretien vers ce qui nous paraît essentiel ou vers ce qui ne nous implique pas (l’amour plutôt que la sexualité, le deuil plutôt que la mort, etc.) ;

  • l’interprétation, on exprime comment le patient devrait se représenter la situation, on risque ainsi de ne comprendre que ce que l’on veut comprendre. Si interprétation il doit y avoir c’est au patient de la poser pas au soignant ;

  • la reformulation, on essaye de s’introduire dans le problème à partir des paroles du patient, on cherche avec lui à comprendre, cela dit, il est des situations d’entretien où reformuler ne suffit pas.

D’une façon générale, en entretien moins on parle mieux c’est. Il est difficile de faire deux choses à la fois : soit on parle, soit on écoute. Reformuler implique une telle attention qu’il vaut, la plupart du temps, mieux se taire. Notre présence et notre disponibilité sont le meilleur soutien que nous puissions offrir au patient et pour cela il n’est pas besoin de mots. Il n’est pire juge que le patient lui-même, il ne sert donc à rien d’en rajouter.

DES ENTRETIENS POUR S’AJUSTER AUX SITUATIONS

Classifier les entretiens est complexe. Nous passons d’une époque où l’infirmier se cantonnait à un rôle d’exécutant des prescriptions médicales, effectuant des entretiens informels quasiment en cachette à la période contemporaine où les infirmiers ont à cœur d’occuper tout l’espace qui leur incombe. De plus en plus d’infirmiers proposent au patient des entretiens. L’hétérogénéité des formes correspond à la multiplicité des contextes de soin et des difficultés rencontrées par les populations suivies. Elle est également liée à la diversité des théories de soins.

1-Définition

L’entretien infirmier est un dispositif de soin par lequel un soignant répond à la demande de soin, explicite ou non, d’un patient. Pour cela, le soignant favorise l’expression, verbale ou non, du patient, de telle sorte que ce dernier produise, dans le cadre relationnel créé, un discours qui permette à chacun d’eux d’agir sur la problématique subjective du patient.

Ni conversation, ni interrogatoire, l’entretien infirmier s’apparente à une interview dont l’objectif n’est pas seulement d’extraire de l’information, mais surtout de créer le cadre nécessaire pour que cette information soit intégrée et mise en travail psychique par chacun des partenaires.

Dans ce vade-mecum, nous avons présenté différents dispositifs de soin qui tous portent le nom d’entretien : entretien motivationnel en alcoologie pour Georges, entretien d’accueil pour Julien, entretien d’accueil première fois au CMP pour Nathalie, accueil aux Urgences en psychiatrie de liaison pour Stéphanie, entretien de situation de crise pour Arlette et Lucien, entretien informel pour Kevin et ainsi que nous le verrons entretien de soutien émotif pour Max. Les sept modèles proposés se ressemblent mais diffèrent en de nombreux points. Ils admettent tous un cadre spécifique qui correspond au but recherché par le(s) soignant(s) et le patient.

Pascale, Max, Manuelle, Eric, Brigitte, Florence, Ange et les autres interviennent en tant que soignants, que professionnels du soin. Les données recueillies ne leur appartiennent pas. Ils tirent leur légitimité d’une formation, d’un diplôme, d’une éventuelle analyse personnelle, d’une institution qui les reconnaît, de leur participation à des réunions de régulation. En proposant aux patients des entretiens et leur écoute, ils ne  cherchent pas à satisfaire une curiosité malsaine, ni à cueillir un scoop, ils remplissent leur fonction de soignants.  

Parmi les patients que nous avons rencontrés, certains demandaient explicitement du soin, d’autres à peine et du bout des lèvres et d’autres enfin pas du tout. Nous avons écouté chacun d’eux et avons proposé une séquence de soin à chacun.

A travers les différents modèles d’entretien utilisés, nous avons cherché à permettre au patient de s’exprimer, de faire entendre un discours qui l’engage. Nous avons abrité cette parole balbutiante, hésitante dans une relation que nous avons essayé de penser chaleureuse.

Stéphanie, Georges, Nathalie, Kevin, Arlette et Lucien, Julien, Max chacun a pu s’exprimer. On peut dire que les entretiens proposés ont modifié quelque chose dans leur dynamique psychique. Ils ne sont pas guéris. Nous les avons simplement aidés à franchir une ou plusieurs marches de l’escalier qui mène à la rémission, au rétablissement.

2- Différents types d’entretiens infirmiers

Il existe différents types d’entretiens infirmiers.

- On peut les classer selon la forme utilisée.

* Les entretiens structurés correspondent à une demande précise du patient : insomnies, plainte autour des effets secondaires du traitement, difficultés avec la famille, l’employeur, etc… Il s’agit dans ce cas de résoudre un problème avec le patient. On utilise la démarche de résolution de problème (ou démarche de soins) telle qu’elle est enseignée en Institut de formation en soins infirmiers (Ifsi). Elle comprend 8 étapes :

  • Identification des données du problème ;

  • Recherche des causes ;

  • Recherche des solutions déjà utilisée par le patient ;

  • Evaluation des résultats obtenus avec ces méthodes ;

  • « Brain storming » pour en chercher d’autres, on part de l’analyse des réponses inadaptées ;

  • Recherche d’objectifs simples que le patient peut se fixer. L’objectif doit être réaliste, minimal, et en lien avec les causes identifiées par le patient ;

  • Partage du travail entre : ce que le patient doit mettre en place pour atteindre ses objectifs et les actions que le soignant doit accomplir pour l’accompagner ;

  • Mise en place des procédures d’évaluation.

* Les entretiens non structurés ne portent pas sur un problème précis à résoudre mais sur une situation difficile avec laquelle le patient doit apprendre à vivre. Ainsi proposera-t-on un entretien non structuré au patient confronté à un deuil, à un traumatisme, à un état d’agitation, etc…

Il est centré sur la personne et plus encore sur la relation entre les deux personnes qui s’y engagent. Le patient tire de cet entretien un étayage, une référence, un espace qui lui permet de se situer, de se reconnaître, voire de s’accepter.

- On peut les classer selon les conditions particulières à l’entretien.

* L’entretien unique est effectué chaque fois que la rencontre avec le patient est unique : entretien d’orientation et d’accueil dans les Centres d’accueil et de crise (CAC), dans les Centres médico-psychologique (CMP), en psychiatrie de liaison voire en SMPR

Il importe :

  • de bien repérer la demande ;

  • de créer un climat de confiance qui permette l’expression de cette demande et surtout des émotions qui l’accompagnent ou la provoquent ;

  • de traiter la demande, si cela s’avère possible dans le temps imparti, en sachant que le simple fait de parler de soi, d’exprimer ses émotions auprès de quelqu’un qui écoute « pour de vrai », suffit souvent à modifier la perception que l’on a du problème et ses conséquences ;

  • d’évaluer la suite à donner à cet entretien en adressant le patient vers les services adéquats.

* L’entretien informel ou « fréquent et de courte durée » (selon Chalifour) est le plus ancien des entretiens. A la fois simple et complexe, il mobilise toutes les subtilités de l’art infirmier. Il peut être proposé aussi bien en psychiatrie qu’en soins généraux.

Il se pratique au cours de toutes les situations banales de la vie quotidienne.

La situation d’appel détermine souvent le contenu et la durée de la rencontre. On commencera par parler du traitement au moment de la distribution des médicaments puis insensiblement, on passera à ce qui préoccupe le patient.   

* L’entretien de soutien émotif est proposé quand le patient semble être débordé par ses affects. Il peut être informel ou non. D. Servan-Schreiber propose de poser ce qu’il nomme « les questions de l’ELFE ».

  • « Q » pour « Que s’est-il passé ? » ou « Que vous est-il arrivé ? ». C’est le temps pour se connecter avec le patient et sa souffrance, le temps du récit et de l’écoute. Il est essentiel de ne pas interrompre le patient lors de cette étape.

  • « E » pour Emotion. Dès que possible, enchaînez avec « Quelle émotion avez-vous ressentie ? » L’émotion ressentie pouvant être en décalage avec les événements, cette question est indispensable.

  • « L » pour Le plus difficile. Le meilleur moyen de se dégager de l’émotion c’est de plonger au plus au cœur de la douleur. « Qu’est-ce qui a été le plus difficile pour vous ? ». La focalisation permet de classer les émotions, les événements, On passe d’une douleur diffuse, globale qui envahit tout, à l’identification d’un point douloureux. On est moins débordé.

  • « F » pour Faire face. Après avoir permis à l’émotion de s’exprimer, il faut profiter du fait que l’énergie est concentrée sur la source principale du problème pour aller vers l’amorce d’une réponse. « Qu’est-ce qui vous aide le plus à faire face ? ». Quelle que soit la difficulté des épreuves rencontrées, la personne est capable de se mobiliser pour faire face aux événements, elle possède pour rebondir des « mécanismes de défense », Boris Cyrulnik, parle de « résilience ». Il ne faut jamais sous-estimer ces ressources et permettre au patient de les mobiliser.

  • « E » pour Empathie. Il est indispensable pour conclure l’entretien d’exprimer avec des mots sincères ce que l’on a éprouvé en écoutant l’autre, de telle sorte que la personne sente que l’on a porté avec lui un peu de son fardeau.

A peine entré dans le bureau où Ange accueille les détenus, Max s’effondre en larmes. Il n’en peut plus. C’est vrai qu’il a fait une connerie ou plutôt des conneries. Mais, c’est trop dur. La prison, les mecs qui le reluquent comme s’il était une fille. Il n’en peut plus.

Ange le laisse pleurer un temps raisonnable. Il lui tend un mouchoir.

« Que vous est-il arrivé ?

« En fait ça commence avec la mort de mon frère. Il se piquait. Un jour il a fait une overdose. Mes parents ont tout laissé filer. Comme si mes petites sœurs et moi n’en valions pas la peine. Ma mère s’est mise à aller au cimetière tous les jours. Elle parle à Franck. Je ne sais pas de quoi elle lui parle mais elle lui parle. Mon père a arrêté de travailler. Ca a été la galère. La vraie galère. Comme j’étais le deuxième fils, il fallait que je fasse quelque chose. J’ai essayé de bosser. Mais trouver du travail quand tu viens de la banlieue c‘est pas top. J’ai commencé à dealer, un peu, un tout petit peu, ça me faisait mal aux seins vu ce qui était arrivé à mon frère. J’ai piqué des portables, puis une voiture. C’est là que je me suis fait pincer. Je supporte pas. Je sais bien que j’ai fait des conneries, que je dois payer pour ça mais on est tous les uns sur les autres. Ils m’appellent « le mignon », ils me demandent de leur rendre des petits services. Je n’en peux plus monsieur, je n’en peux plus. Je tenais grâce à ma copine qui est instit dans le quartier. Elle venait me voir chaque fois que ça lui était possible. Elle est nommée à la rentrée à cent kilomètres d’ici. Mais qu’est-ce que je vais devenir ?

  • Quelle émotion ressentez-vous, là en ce moment ?

  • J’ai peur, j’ai vraiment peur. Peur des mecs dans la cellule, peur de ne pas savoir me défendre, peur de perdre ma  copine, peur de perdre la tête, peur de crever ici. Je préfère encore en finir plutôt que vivre avec cette trouille.

  • Qu’est-ce qui est le plus difficile pour vous ?

  • C’est leur regard. Ils disent que je suis mignon, que je vais passer à la casserole. Il y en a un surtout qui me terrorise. Putain je suis un mec quand même.  Je peux pas me laisser faire.

  • Qu’est-ce qui peut vous aider à faire face ?

  • Mon frère. Je crois que mon frère n’aurait pas eu peur. Il se serait fait respecter, lui. Il leur aurait volé dans les plumes. C’est ça qu’il faut que je fasse, que je me fasse respecter. Putain, j’ai pas choisi tout ça, moi. La mort de mon frère, ma mère qui passe son temps au cimetière, mon père qui picole. J’veux pas devenir comme eux.

  • Vous ne voulez pas devenir comme eux, vous voulez être respecté. Si j’ai bien compris ce que vous me dites,  vous êtes en train de me dire que vous  ne voulez plus  être une victime.

  • Non, je ne veux plus être une victime. Je veux me battre et sortir de cette prison.

  • Pensez-vous que vous avez besoin de voir le psychiatre ? Quand je vous entends parler comme ça, je me dis que vous n’en avez plus besoin, que vous êtes en train de vous révolter.

  • Oui, c’est vrai. Je sens une force en moi qui n’était pas là tout à l’heure. Je pourrais vous revoir, pas pour me plaindre cette fois-ci mais pour vous dire où j’en suis.

  • Bien sûr Max.     

* L’entretien en situation de crise est centré sur l’étape de vie que le patient et son entourage traversent actuellement. Il s’agit de comprendre comment cette phase ébranle les mécanismes de défense du patient et lui permettre d’expérimenter d’autres façons d’affronter la situation. (Voir entretien Arlette et Lucien).

- On peut enfin classer les entretiens selon les techniques utilisées et les populations rencontrées.

* L’entretien auprès d’autistes ou de patients mutiques consiste à verbaliser pour le patient à partir de ses réactions comportementales, de ses mimiques et de tout ce qu’il exprime par son corps.

* L’entretien auprès des agresseurs sexuels consiste à leur faire décrire très précisément ce qu’ils ont fait,  leurs fantasmes, les scénarii qu’ils imaginent ou réalisent. Ce type d’entretien, très éprouvant, pour le soignant suppose une  grande précision.

* L’entretien à médiation consiste à utiliser un objet (le média) qui en s’interposant entre soignant et soigné favorise la communication. L’objet permet de visualiser un contenu complexe (le génosociogramme, les lignes de vie et d’alcoolisation utilisées en alcoologie), d’animer une matière inerte qui sert alors de support à une parole sur soi ou sur sa situation (squiggle en pédopsychiatrie, peinture, modelage, collage, etc.), d’attaquer l’objet sans toucher au thérapeute. L’entretien à médiation comprend autant de formes que de médiations

* L’entretien familial consiste à créer un espace de rencontre collectif pour une famille qui traverse une situation difficile (la découverte de la maladie, la décompensation d’un membre de la famille en est une). Qu’il s’agisse de faire connaissance, de rechercher une alliance thérapeutique ou d’entamer une véritable psychothérapie, l’éventail d’interventions est riche. L’entretien familial suppose des techniques et des théories spécifiques qui doivent être bien identifiées par les soignants. (Voir fascicule Lilly n° …)

* L’entretien téléphonique ou derrière une porte fermée (le patient refuse d’ouvrir au soignant) répond à des modalités très spécifiques. Les deux partenaires ne se voient pas. Le plus important est d’établir un fil relationnel, d’être une voix qui soutient, qui maintient l’existence du monde. 

- On peut enfin les classer selon la nature de la demande institutionnelle.

Tous les entretiens sont à l’initiative de l’infirmière sauf ceux à visée psychothérapique qui supposent outre une prescription médicale, un cadre défini (temps, lieu, impact psychodynamique recherché, régulation des entretiens, et formation spécifique du soignant). Nous ne les définirons pas plus avant, ceux-ci sortant du cadre de ce vade-mecum.

Classifier les entretiens est complexe. Nous passons d’une époque où l’infirmier se cantonnait à un rôle d’exécutant des prescriptions médicales, effectuant des entretiens informels quasiment en cachette à la période contemporaine où les infirmiers ont à cœur d’occuper tout l’espace qui leur incombe. De plus en plus d’infirmiers proposent au patient des entretiens. L’hétérogénéité des formes correspond à la multiplicité des contextes de soin et des difficultés rencontrées par les populations suivies. Elle est également liée à la diversité des théories de soins.

En pratique, la classification n’est qu’un repère, un outil pour penser. Soignant et soigné inventent le type d’entretien qui leur paraît convenir à la situation rencontrée, au contexte qui s’exprime. L’imagination et la rigueur clinique doivent s’allier constamment. 

 

Dominique Friard

 

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Date de dernière mise à jour : 10/09/2020

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