Conclusion
Conclusion de la journée
Synthèse journée d’étude sur le travail d’équipe
Vendredi 7 février 2014.
Florence Bousquet psychologue clinicienne, Equipe mobile santé mentale précarité CHM Montperrin, Armée du Salut Marseille
Je vais reprendre en cette fin de journée la métaphore du voyage, du bateau et même parfois de la « galère », associée à la définition de l’équipe, et qui a sous tendu notre travail d’aujourd’hui.
Cette journée s’est présentée comme une Odyssée, qui est en fait un récit de voyage, plus ou moins mouvementé et rempli d’aventures singulières… Belle métaphore des équipes embarquées avec les patients ou des patients avec les équipes…
Nous avons vu que l’équipe oscille entre le groupal, le collectif, l’individuel.
Comme Sophie Barthélémy nous l’a rappelé, l’équipe se situe à la fois à l’articulation entre l’interne et l’externe : elle constitue le support à partir duquel les patients peuvent se reconstruire, un « corps » (puisque l’équipe fait corps) à partir duquel ils retrouvent un étayage qui permet l’intégration du lien… L’équipe se transforme, est en mouvement, se construit en permanence.
L’équipe est aussi le lieu de dépôt (au sens ou l’entend Bleger) des émotions des personnes qu’elle accompagne, lieu de mise en scène des problématiques internes.
Elle devient porteuse de la part d’ombre des patients et en miroir, porteuse de la « déliaison psychique » (Bion) et de la destructuration. Ces équipes sont porteuses d’émotions, porteuses à la fois d’une part de l’histoire familiale des patients, porteuses aussi des mécanismes inconscients des personnes qui la composent… et porteuse du négatif. Intrication des histoires personnelles de chacun. Travailler en équipe est aussi lutter contre la déliaison.
Et pourtant l’équipe cahin-caha est « productrice de liens » elle permet aux patients de retrouver des repères de se « restructurer ».
Dans leur intervention le Dr D’Amore et le docteur Dodo ont insisté aussi sur la fonction du cadre en tant qu’organisateur pour le groupe et comme contenant, et qui permet aux professionnels de pérenniser leur investissement tout en étant réassurés. L’équipe est alors médiatrice, offrant aux patients un espace d’élaboration.
L’équipe est donc le lieu où les émotions des patients sont portées, et non seulement déposées. Fonction contenante de l’équipe mais aussi transformatrice.
Le portage se situe parfois bien au niveau des activités primaires (Nous l’avons vécu au niveau de l’équipe mobile santé mentale précarité lorsque les infirmiers font des pansements dans la rue ou amènent une personne prendre sa douche dans un accueil de jour pour SDF).
L’équipe devient aussi le lieu d’un aller retour incessant entre la singularité du patient et le dispositif thérapeutique lui-même Marie-Laure Vella et Annne-Laure Friard dans leur intervention « du singulier au pluriel et du pluriel au singulier », nous ont montré qu’il existe parfois différents cadres emboîtés, qu’elles ont décrits en fonction du niveau de contact avec les patients.
Mais l’équipe est aussi le lieu qui est aux prises avec l’institution et ses exigences, l’institution et son histoire et de ses propres zones d’ombre : changements, quantification, règlements et protocoles, perte de l’idéal commun, manque de temps, mouvements d’exclusions, turn-over, désinvestissements professionnels, burn out. L’équipe est aussi le lieu de la négociation avec l’institution.
Comme l’a montré l’intervention d’Anne Sophie Kieffer et Domnique Friard, c’est aussi le lieu de l’assignation des tâches, effectué en fonction des représentations des membres de l’équipe. Certains éléments psychiques non élaborés, notamment les éléments liés à l’agressivité des patients, ou la gestion de la violence dans l’institution peuvent-ils être assignée aux hommes, et peut-être comme l’ont montré le Dr Damore et le docteur Dodo dans une fonction de masquage : coller à l’image positive de l’homme fort qui serait mieux à même de gérer l’agressivité physique des patients…. La reconnaissance de la place des femmes passerait peut-être par la reconnaissance de la fonction de négociation plutôt que de la force physique…
Mettre ensemble des personnes dans une institution ne constitue pas en soi une équipe. Une équipe se constitue, a une histoire commune, un cap à tenir, une plasticité et une capacité d’élaboration qui lui est propre. Yves-Marie Frot a insisté sur le fait que les professionnels qui constituent une équipe sont une richesse, et qu’encadrer une équipe est aussi prendre soin des professionnels. L’équipe doit être le lieu de la réflexion, de l’élaboration. Nous l’avons vu lors de cette journée rien n’est jamais acquis dans une équipe.
Et malgré tout cela, le travail d’équipe, ou comme l’a si bien dit Sophie Barthélémy le « passage par l’équipe », est ce qui accompagne pour le patient la « défragmentation », le fait de reconstituer une enveloppe, lui permet de « re-contractualiser » avec les membres du groupe équipe, et parfois de réélaborer un projet de vie.
L’activité de l’équipe permet aussi de réinscrire la personne dans la créativité. L’équipe porteuse de rêve, qui vient s’inscrire en faux contre la déshumanisation. Nous en avons eu une illustration avec le travail du groupe à médiation théâtrale (Chady Pevoteau et Clarisse Vollon). Groupe à médiation et travail d’équipe, Créativité, lien, transitionnalité, où l’espace du jeu interagit avec la perception des soignants, et met en évidence l’inter-influence des élaborations du patient et du ressenti de l’équipe.
L’équipe est porteuse de lien et de repères. Elle est parfois porteuse de l’histoire du patient en l’absence de tiers. Cathy Salvan nous a parlé de sa pratique en MAS, et l’équipe décrite semble avoir du mal à intégrer en son sein une soignante, l’infirmière, jusqu’à ce qu’un objet commun, un objet médiateur, le thanatologue viennent faire lien entre les personnes. Cet objet commun touche à ce qui fait lien entre nous tous, le fait de vivre et de mourir. Ce bel exemple nous montre bien que les équipes se situent bien à la charnière de leur réalité interne et de celle des patients, car dans les moments « douloureux » l’équipe « fait corps » puis ensuite peu à peu ce temps se délite.
A travers ces différents lieux d’accostage, cette odyssée concernant le travail en équipe, je me permets, pour terminer cette journée, de faire quelques références aux mythologies ou croyances qui décrivent les missions d’une équipe, ou ses fonctions, et que l’on pourrait appréhender à travers cette métaphore navale qui a été notre fil conducteur :
- l’arche de Noé ou l’équipe qui sauve le monde, vous connaissez l’histoire il y là de la place pour les mâles et les femelles du groupe !
- les argonautes embarqués sur l’Argos qui permettent à leur meneur charismatique d’accéder au pouvoir, mais Jason va ramener tout son équipage en vie, ce qui n’est pas le cas d’Ulysse qui restera le seul survivant de son équipe… Là nous sommes dans le « un pour tous et le tous pour un » ! Je ne peux que faire le lien entre cette quête et la posture militante et engagée contre la déshumanisation qu’il nous a été donné d’entendre ce matin, notamment dans l’intervention des Dr D’Amore et Dodo… Un quêteur, un grand équipage et une force intrinsèque pour avancer.
- je parlerai pour terminer des vaisseaux fantômes dont les disparus reviennent parfois hanter les vivants, intrusion du négatif et de l’impensé face aux équipages des vivants….
- et pour finir je parlerai aussi de la barque solaire des pharaons qui est le médiateur entre les morts et les vivants, médiateur culturel figure des rites de passages… et qui nous conduit vers l’au-delà de l’équipe.
Je vous remercie de votre attention.
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