Quand l'ordre infirmier rançonne légalement les infirmières

  • Par serpsy1
  • Le 04/11/2023 à 19:21
  • 0 commentaire

Quand l’ordre infirmier rançonne légalement les IDE

Les hôpitaux n’arrivent pas à recruter d’infirmières ; des unités voire des services entiers ferment, faute d’infirmières, que fait l’Ordre infirmier qui est censé les représenter ?

Il mène des enquêtes pour tenter de comprendre les raisons de cette désaffection ? Il prend fait et cause pour elles ? Dénonce des conditions de travail parfois aliénantes, une gouvernance souvent aveugle qui les broie ?

Non.

Extrait d’un courrier envoyé par un collègue :

« ‌Bonjour Dominique,

 

Je reviens vers toi au sujet de l'Ordre infirmier qui, à ce jour, est monté de plusieurs niveaux pour mettre la pression sur les Infirmiers non-inscrits, notamment [dans notre établissement] où notre Directeur joue les relais de l'Ordre pour, à coups de rappels de menaces (convocation auprès du Procureur, par exemple), contraindre plutôt que convaincre ! »

Le collègue me joint le courrier qu’il a reçu du directeur des Relations Sociales de son établissement :

« Objet : Votre inscription à l’Ordre National Infirmier

Madame, Monsieur,

Votre attestation d’inscription à l’Ordre National Infirmier (ONI) n’a pas été enregistrée dans votre dossier administratif.

  • Soit vous êtes déjà inscrit à l’ONI, il vous suffit de vous connecter sur votre compte pour générer une attestation et l’adresser au Secrétariat de la Direction du Personnel et des Relations Sociales. Le N° d’inscription à l’Ordre Infirmier sera saisi dans votre dossier.

  • Soit vous n’avez pas encore procédé à votre inscription auprès de l’ONI. Vous pouvez effectuer votre inscription, par internet, sur le site de l’Ordre National Infirmier. Vous transmettrez votre attestation d’inscription au Secrétariat de la Direction du Personnel et des Relations Sociales dès réception.

Pour tout questionnement ou difficultés d’inscription à l’ONI, vous pouvez contacter l’Ordre Infirmier de XXXXX par mail à l’adresse suivante : XXXXX@XXXXXX.

Pour votre information, l’Ordre Infirmier a fait la démarche de signaler auprès du Procureur de la République la situation des professionnels exerçant au Centre Hospitalier de XXXXXX et non-inscrits à l’Ordre infirmier. Un délai a été octroyé par Mr le Procureur de la République pour permettre aux agents d’effectuer leurs démarches d’inscription auprès de l’ONI.

Passé ce délai (début année 2024), le Procureur convoquera les agents n’ayant pas effectué leurs démarches. Des poursuites pourront être engagées. »

Au secours ! Des poursuites vont être organisées par les Procureurs de la République contre les centaines de milliers d’infirmières qui ne sont pas inscrites à l’Ordre. Convoquer cent cinquante mille infirmières, ça va prendre du temps, avec leur rythme infernal, alors qu’elles ne suffisent pas à faire leur simple travail de présence et de soins auprès des patients. Les Procureurs de la République et leurs agents n’ont que ça à faire ? Avec les Jeux Olympiques de Paris, le terrorisme, la lutte contre la criminalité. Il est vrai que traquer l’infirmière c’est moins dangereux mais aussi … moins médiatique. Et pourtant des cohortes de blouses blanches se rendant à la convocation du Procureur ça ferait de belles images pour le 20 heures, coco !   

Au début, je n’y croyais pas, je dois le reconnaître. C’est tellement gros.

Et puis renseignements pris, c’est encore pire que ça.

Un autre collègue, éducateur spécialisé, m’a écrit : « L'ONI use de drôles de moyen de pression. Étant peu informé sur le sujet, j'ai pris quelques renseignements auprès de mes collègues. Ce qu'il en ressort est qu'ils sont harcelés par des mails ou lettre de société de créance leur sommant de payer. Bien sûr en y ajoutant des frais ou amendes. Il s'agit d'infirmiers qui avait déjà été inscrit, quelques fois automatiquement, par l'Ifsi à la fin de leurs études et qui n'avaient pas payé leur cotisation par la suite. 

Un infirmier de l'hôpital a eu un prélèvement sur son salaire de 500€, adhésion non payée plus amende. 

En revanche, personne n'a eu de pression de la direction de l'hôpital, ni courrier, ni même remarque de la hiérarchie. »

 

Les infirmières n’ont rien demandé. Près de 17 ans après sa création, l’Ordre ne les a toujours pas convaincues.

Bien malin qui peut trouver les taux de participation infirmières aux élections de l’ordre sur le site de l’Ordre infirmier. Et pourtant s’agissant d’un organe qui se veut démocratique, la moindre des choses serait de le préciser. Comme si nous ignorions le taux de participation aux élections municipales, législatives ou présidentielles. Ce taux qui n’est pas la priorité des élus permet à chacun de faire des comparaisons, des analyses, de mesurer une évolution du corps électoral. A l’Ordre infirmier, c’est secret. L’ordre, en revanche, communique sur le taux de participation aux élections régionales et nationales : 80 % voire plus de votants, mais qui vote ? Les élus départementaux. Il ne manquerait plus que les élus s’abstiennent. On se demande même pourquoi ça ne fait pas 100 %.

J’ai cherché donc.  

Voici ce que j’ai trouvé :

2008 : 13,83 % de participation. On nous expliquait alors que ce taux était bas parce qu’il n’y avait pas suffisamment d’inscrits. Mais un pourcentage c’est un pourcentage, il n’y a pas de raisons de penser que l’accroissement du nombre d’inscrits augmenterait le pourcentage de votants.

En 2008, ont voté :

  • 8,6 % de libérales,

  • 5,8 % d’infirmières exerçant dans le secteur privé,

  • 6,2 % d’infirmières issues du secteur Public (de loin les plus nombreuses).

 

En 2014, 21,09 %. Youpi, ça augmente mais ça fait à peine une infirmière sur cinq.

  • Soit, 25,15 % de Libérales,

  • 18,79 % issues du secteur privé,

  • 18,09 % du secteur public.

Les différents postes n’étant pas pourvus, un nouveau vote est organisé, on tombe à 19,47 %, avec 17 % de libérales, 15 % issues du privé et du public.

 

En 2017, les chiffres cessent d’être disponibles, j’ai trouvé 10,4 % de votantes sur des sites infirmiers, mais les votes, par collèges, ne sont pas détaillés.

 

En 2020, j’ai trouvé le chiffre de 4,99 % dans un texte du FNI, je ne peux affirmer s’il s’agit du chiffre total ou de celui des Libérales.

En 2023, le chiffre ne serait pas encore disponible.

 

J’ai utilisé une intelligence artificielle pour en savoir davantage, celle-ci m’a répondu : « Je suis désolé, mais je n’ai pas pu trouver les informations spécifiques sur le taux de participation des infirmières aux élections à l’Ordre infirmier en 2020 et 2023 par collèges. Cependant, je peux vous dire que les élections à l’Ordre des infirmiers ont lieu tous les trois ansChaque infirmier(ère), inscrit(e) au tableau de l’ordre est appelé(e) à voter1. Pour plus d’informations, je vous recommande de consulter le site officiel de l’Ordre National des Infirmiers 3. »

Plutôt que de persécuter les infirmières, l’Ordre Infirmier ne ferait-il pas mieux de commencer par remplir ses obligations de transparence ?

 

Quelle est la légitimité de cet ordre ? Peut-il réellement soutenir qu’il représente les infirmières alors qu’il cache les taux de participation aux élections ? Si les chiffres rapportés sont justes, quand on est élu avec quelques 5 % des voix, ne ferait-on pas mieux de faire preuve d’humilité ?

 

Au fait, dans la Fonction publique Hospitalière, quel est le taux de participation aux élections professionnelles ? 43,7 % Autrement dit les mêmes infirmières qui ne votent pas pour l’ordre votent pour les élections professionnelles. Etonnant, non ?

 

 

 

Dominique Friard

 

 

 
  • Aucune note. Soyez le premier à attribuer une note !

Ajouter un commentaire