CPCT, L'inconscient éclair

L’inconscient éclair

Temporalité et éthique au CPCT

CPCT-Paris

Un petit ouvrage qui invite à réfléchir sur la temporalité et le temps compté des traitements menés dans les CPCT (pas plus de 16 séances).

Inconscient eclair

« « Les rencontres au CPCT sont trop courtes pour se taire » disait Philippe La Sagna lors d’une rencontre récente à Biarritz. J’ai trouvé la formule percutante. Ce qui compte au CPCT, c’est que le sujet rencontre quelqu’un qui puisse lui répondre ou  répondre de la situation. L’éclair est souvent du côté du praticien : rencontrer un inconnu, cerner rapidement à qui l’on affaire pour orienter, répondre de façon adéquate. »

Les CPCT  (Centre Psychanalytique de Consultations et de Traitement)

Pour rappeler l’utilité publique de la psychanalyse, les Ecoles de l’’Association  Mondiale de Psychanalyse ont pris l’initiative de la création de Centres Psychanalytiques de Consultations et de Traitements (CPCT) et de soutenir d’autre institutions de psychanalyse appliquée dans différents lieux du monde. Dans ces centres gratuits, la rencontre avec un psychanalyste devient gratuite, sans qu’une difficulté économique ou autre fasse obstacle à un traitement privé. La psychanalyse est ainsi pensée comme un droit du citoyen, comme une alternative à la souffrance la plus intime de chacun. Le psychanalyste lacanien qui s’y prête accepte de travailler gratuitement, accepte de sortir de sa consultation privée pour soutenir, dans la cité, avec son acte, ce droit à la psychanalyse.

« Les CPCT sont une invention poétique, une  création dont nous avions besoin. Ils font exister l’effet de la parole, par l’offre d’une écoute. Aussi désorienté que soit un sujet, aussi anxieux soit-il, aussi grande que soit l’urgence de dire où il e trouve, fût-il au bord d’un acte aux conséquences désastreuses,  il suffit qu’il entre dans un Centre pour que la  parole et l’écoute aient gagné une bataille. »[1]

Les CPCT qui offrent au sujet 16 séances au plus d’écoute gratuite centrées sur un problème sont le laboratoire privilégié de la clinique actuelle. Ils sont porteurs d’une clinique qui transforme la clinique. L’ouvrage présenté en est une des manifestations. Ils sont reconnus d’utilité publique depuis 2006.

Ils affirment que contrairement à ce qui se dit urbi et orbi dans les médias généralistes, dans les coursives des ministères, la psychanalyse est vivante et se porte on ne peut mieux. Elle est en travail. Elle s’est même dotée, depuis le 11 avril 2021, d’une chaîne de télévision sur le web : Lacan Web Télévision. Elle fait connaître sur toutes les questions de société les opinions du mouvement lacanien international dans toute sa diversité.

« Sophia se présente au CPCT dans une certaine urgence, elle souhaite régler rapidement un symptôme qui la fait souffrir, à savoir son célibat. Depuis, cinq ans, elle souffre de ses échecs sentimentaux. Si elle a choisi de s’adresser au CPCT, c’est qu’elle a l’idée qu’un traitement bref lui permettra de régler ce symptôme rapidement. »

L’ouvrage

Ce recueil de textes apporte des indications précieuses sur le maniement du temps dans la pratique analytique et ouvre des perspectives inédites sur l’interprétation.

Serge Cottet ouvre l’ouvrage en faisant le point sur la temporalité dans la cure analytique et dans les traitements brefs. Il interroge notamment la question de la hâte, qu’il décrit comme un bricolage sur le temps logique.

L’ouvrage est divisé en deux parties :

  • L’inconscient et le temps

  • L’inconscient éclair, préliminaires

  • La conversation clinique et ses impromptus.

Parmi les diverses contributions, j’ai retenu celle d’Hélène Bonnaud qui me semble articuler avec une certaine clarté comment le temps compté des traitements au CPCT a une incidence dans leur maniement : « L’analyste est en charge de savoir ce qui est en jeu dans la demande du sujet et ce qu’il va faire consister dans la durée qui lui est donnée. Il y a un calcul de l’analyste qui reçoit la demande, ou du moins une mise en tension entre la demande, le symptôme qui sous-tend cette demande, et la réponse en termes de traitement court. Si l’on prend comme perspective les 16 séances, il faut concevoir ce temps comme un premier aperçu. A l’issue de ces 16 séances, quelque chose émerge, un premier S1 se dégage, avec comme premier effet, une amélioration symptomatique. Un apaisement de l’angoisse me semble être le résultat attendu au terme des 16 séances. »[2]

Jérôme Lecaux, lui, ne ressent pas les traitements au CPCT comme brefs. « Il y a 16 séances, c’est une donnée de départ, c’est une contrainte formelle, un arbitraire sur lequel on peut s’appuyer. Mais leur intensité empêche la sensation de la brièveté. Pour beaucoup de sujets, j’ai remarqué que la limite annoncée était d’un grand secours ;  il est plus facile de parler quand on sait que ça va s’arrêter. »[3]

L’éclair, précise Lilia Mahjoub, n’est pas quelque chose qui dure, « le temps y est réduit à une coupure, à une scansion, à quelque chose de bref. Cela me paraît convenir à ce qui peut justement s’appréhender comme un battement, une fulgurance, quelque chose d’insaisissable, qui démontre que l’inconscient n’est pas un sac de signifiants qu’il faudrait saisir pour comprendre ce que ça veut dire, en y donnant du sens. »[4] Le savoir recueilli, accueilli qui s’expose dans l’élaboration des cas devrait être eu plus près de cet éclair, de ce qu’il « nous fait apercevoir comme il le fait pour celui qui s’est adressé à nous. Distinguant bien ce qu’il en est du savoir relatif à l’élaboration de l’inconscient,  où  le  « savoir » n’a rien de commun avec « apprendre », Lacan pose ainsi cette question « Savoir quelque chose, n’est-ce pas toujours quelque chose qui se produit en un éclair ? » »[5]

Une invitation à cheminer avec la branche inventive de la  psychanalyse.

Du côté de la pratique

En tant que soignants, nous ne sommes pas psychanalystes mais pouvons avoir une lecture analytique de ce qui se joue, se noue avec chaque patient. Petit soignant rêveur, j’ai souvent cheminé avec les psychanalystes et ai trouvé à mes pas de nombreux diamants à débarrasser parfois de leur gangue. Plus d’une présentation de malade à Gap, m’a ouvert les yeux sur ce que je ne pigeais pas d’un parcours, permit d’entendre autrement une demande. Le temps d’un éclair parfois, souvent ?

Cheminer pas plus mais pas moins. C’est ce à quoi je vous invite.

Dominique Friard


[1] FERNANDEZ-BLANCO (M), Citoyen –symptôme, in La Cause freudienne, n° 66, 2007/2, pp. 9-15.

[2] BONNAUD (H), Le réel ne se compresse pas, in L’inconscient éclair, Collection rue Huysmans, 2019, pp. 39-41.

[3] LECAUX (J), Le temps de l’acte, pp. 45-46.

[4] MAHJOUB (L), Ouverture, pp. 49-54.

[5] Ibid, p. 54.

Ajouter un commentaire