Freud Sigmund, Introduction à la psychanalyse

Introduction à la psychanalyse

Sigmund Freud

Numerisation 20200710

Tout soignant devrait avoir lu et commenté au moins une fois cet ouvrage freudien de base où le fondateur de la psychanalyse décrit les principaux concepts psychanalytiques. On y découvre un Freud pédagogue de talent à l’écoute des étudiants, de leurs commentaires et objections. Imaginez-vous à Vienne, installés dans l’amphithéâtre, en 1913.

« Loin de se contredire, la psychiatrie et la psychanalyse se complètent l’une l’autre en même temps que le facteur héréditaire et l’événement psychique, loin de se combattre et de s’exclure, collaborent de la manière la plus efficace en vue du même résultat ? »

L’auteur

J’avais 15 ans. C’était l’été. Je travaillais comme plongeur à La Chaumière de la mer à Penvins en Morbihan. J’écoutais, l’âme en peine, en boucle le Concerto d’Aranjuez. Sur la plage, je séchais les larmes d’un premier chagrin d’amour en découvrant cet étrange livre, le premier du genre que je lisais. C’est de cette époque que date mon intérêt pour la psychanalyse. Ce fut une révélation. Plus que la technique psychanalytique dont à l’époque j’étais bien en peine de comprendre les subtilités, j’ai découvert un homme, Freud, et une certaine façon de s’adresser au lecteur, de réfuter les arguments, d’avancer tranquillement les siens, de chercher ce qui se cache sous les apparences. Une serveuse qui s’évanouit me laissant inconsolé, une histoire d’amour, forcément tragique, une chapelle au bout du monde, pour y déposer des malédictions, le sable qui s’infiltre entre les pages d’un livre, qui crisse sous les doigts, des touristes comme s’il en pleuvait et la mer toujours, et la mer encore. J’avais 15 ans. Cette découverte a marqué toute ma vie.

« Le « sens » d’un symptôme peut être  conçu et envisagé de deux manières : au point de vue de ses origines et au point de vue de son but, autrement dit en considérant, d’une part, les impressions et les événements qui lui ont donné naissance et, d’autre part, l’intention qu’il sert. »

L’ouvrage

Ce livre, écrit à partir des cours que Freud donna à l’université de médecine, au-delà des étudiants, s’adresse à toute personne qui n’attend pas « une initiation, à la technique, à la manière de pratiquer l‘analyse dans un but thérapeutique » mais qui veut « savoir d’une façon générale quel est le mode d’action de la psychothérapie analytique et quels sont à peu près ses effets. » A ceux-là, à nous tous en somme, Freud répond : « Vous avez un droit incontestable de le savoir, et pourtant je ne vous en dirai rien, préférant vous laisser trouver ce mode d’action et ces effets par vos propres moyens. » Il ne s’agit pas de transformer l’auditeur ou le lecteur en spécialiste de la chose analytique mais de l’éclairer et de le stimuler.

Freud divise son cours en trois parties : les actes manqués, le rêve et la théorie générale des névroses. Il faudrait s’arrêter sur sa magnifique introduction. Il faudrait analyser son art du contre-pied, sa façon très particulière de remettre en cause les certitudes de ses auditeurs. D’emblée, Freud s’excuse de considérer ses auditeurs/lecteurs comme des névrosés. « Je vous déconseille tout simplement de venir m’entendre une autre fois. Dans cette intention, je vous ferai toucher du doigt toutes les imperfections qui sont nécessairement attachées à l’enseignement de la psychanalyse et toutes les difficultés  qui s’opposent à l’acquisition d’un jugement personnel en cette matière. Je vous montrerai que toute votre culture antérieure et toutes les habitudes de votre pensée ont dû faire de vous inévitablement des adversaires de la psychanalyse, te je vous dirai tout ce que vous devrez vaincre en vous-mêmes pour surmonter cette hostilité instinctive. »

Freud poursuit par quelques remarques, hélas toujours d’actualité : « Dans l’enseignement de la médecine, vous êtes habitué à voir. Vous voyez la réparation anatomique, le précipité qui se forme à la suite d’une réaction chimique, le raccourcissement du muscle par l’effet de l’excitation de ses nerfs. ... Et jusque dans la psychiatrie, la démonstration du malade, avec le jeu changeant de sa physionomie, avec sa manière de parler et de se comporter, vous apporte une foule d’observations qui vous laissent une impression profonde et durable. ... Le traitement psychanalytique ne comporte qu’un échange de paroles entre l’analysant et le médecin. Le patient parle, raconte des événements de sa vie passée et ses impressions présentes, se plaint, confesse ses désirs et ses émotions. ... Vous ne pouvez pas assister en auditeur à un traitement psychanalytique. Vous pouvez seulement en entendre parler et, au sens le plus rigoureux du mot, vous ne pourrez connaître la psychanalyse que par ouï-dire. »

Sauf à ne la connaître que par ouï-dire, on n’apprend la psychanalyse que sur son propre corps. Comme les étudiants viennois, comme vous peut-être, j’ai cheminé autour du dire de Freud jusqu’au jour où c’est sur mon propre corps que j’ai pu expérimenter l’analyse. C’est cela l’Introduction à la psychanalyse, un livre avec lequel cheminer jusqu’au jour où ...  

La psychanalyse est aujourd’hui attaquée de toute part. La science du cerveau aurait rendu caduque les découvertes de Freud. Ces histoires de zizi et de zézette, de rêves et d’actes manqués, ne seraient pas sérieuses. Freud serait antiféministe, homophobe, etc., etc. Freud répond à toutes ces critiques. Il dut les affronter dès la naissance de la psychanalyse. C’est une autre raison de lire (ou relire) cet ouvrage.

Du côté de la pratique

Les infirmiers ne sont pas et ne seront jamais psychanalystes, ne serait-ce qu’en raison du fait qu’ils participent au quotidien des patients et que la psychanalyse suppose une place d’extériorité. La psychanalyse n’en éclaire pas moins leur chemin, elle permet ce petit décalage qui permet d’entendre autrement tel ou tel comportement d’un patient ou d’un groupe de patients. Il ne s’agit pas d’agir ou de réagir mais de se mettre à l’écoute du patient : ce qu’il dit ou tait, ce qu’il agit. Quelque chose se dit qui ne se limite pas à l’acte. C’est ce quelque chose qu’il s’agit d’entendre. On évite ainsi la plupart des isolements et la quasi-totalité des contentions. Il y a toujours un sous-texte. Un discours manifeste et un discours latent. Nous pouvons ne pas l’entendre et dans ce cas c’est à l’intérieur de nous qu’il convient de regarder. La psychanalyse nous dit également qu’en tant que soignants nous ne procédons pas d’une essence différente du patient. Nous sommes bâtis des mêmes pierres. Si les nôtres sont actuellement mieux assemblées, elles peuvent également être secouées, subir des glissements de terrain.

Apport de cette lecture au(x) soignant(e)s

Il est évidemment majeur. Pour en montrer simplement un aspect, relisons Freud encore une fois et laissons venir à nous quelques souvenirs de prises en charge. « ... Le transfert se manifeste chez le patient dès le début du traitement et représente pendant quelque temps le ressort le plus solide du travail. On ne s’en aperçoit pas et on n’a pas à s’en préoccuper, tant que son action s’effectue au profit de l’analyse poursuivie en commun. Mais dès qu’il se transforme en résistance, il appelle toute l’attention ... » Il est certainement plus facile d’isoler le patient chez lequel les sentiments hostiles s’expriment que de porter son attention et sa réflexion sur ce qu’il en est du transfert.

Dominique Friard

Freud (S), Introduction à la psychanalyse, Petite Bibliothèque Payot, Paris, 2001 réédition de 1961, trad. S. Jankélévitch.

 

Date de dernière mise à jour : 10/07/2020

Ajouter un commentaire