Gobet P. et al., Le case management en contexte

« Le case management en contexte 

Bases conceptuelles et applications d’un dispositif de prise en charge intégratif »

Gobet (P), Galster (D), Repetti (M), Scherer (F), Constantin (E)

Une recherche suisse qui pose les bases conceptuelles et les applications d’un dispositif de prise en charge utilisé dans de très nombreux champs.

« Le Réseau romand de case management le définit comme « un modèle d’intervention personnalisée porté par un-e référent-e unique visant à assurer l’efficience, la transparence et le décloisonnement de la prise en charge par une coopération interinstitutionnelle, interprofessionnelle et communautaire étroite. Réservé au suivi de situations particulièrement complexes sélectionnées sur la base de critères prédéfinis, il est mis en œuvre dans de multiples contextes avec des objectifs variés dans les domaines social, sanitaire, de l’emploi et de la formation. » (p.19)

Les auteurs

Les auteurs sont tous chercheurs à la Haute Ecole de travail social et de la santé à Lausanne (EESP). En Suisse, les Hautes Ecoles, à la différence des I.F.S.I et des I.F.C.S français ne se consacrent pas qu’à la formation initiale. Elles assument trois autres missions : formation continue, recherche et développement, et, échanges internationaux. Ce sont de véritables campus à l’américaine dans lesquels règne une atmosphère tout entière tournée vers l’acquisition d’un savoir à interroger. En formation continue, les étudiants peuvent s’inscrire dans des cycles postgrades destinés au développement professionnel et à des formations courtes et à des formations sur mesure en institution. Elles entretiennent une tradition d’échanges de compétence et de savoirs et collaborent avec des organismes de recherche en Suisse et à l’étranger. Afin de favoriser le développement des connaissances scientifiques et pour nourrir l’enseignement, elles développent des actions de recherche. C’est dans ce contexte qu’a été écrit l’ouvrage présenté.

« Le concept de case-management est repris par certains organismes en santé mentale dans l’espoir de répondre aux situations pluridimensionnelles. Dans un premier temps, l’attention est portée sur la coordination des services et la continuité des soins. D’autres modèles sont par la suite développés. Le « clinical » case management (Kanter,1989) insiste sur le lien thérapeutique entre les case-managers, formé-e-s en psychothérapie, et les patient-e-s. Le « strenght based » case management (Rapp & Goascha, 2006) vise à la réhabilitation sociale des patient-e-s à travers une thérapie orientée vers les solutions, tandis que le « Program of Assertive Community Treatment » (PACT) ; appelé également « Assertive Community Tratsment » (ACT), est un modèle de case management intensif. » (p.114)

L’ouvrage

L’ouvrage s’appuie sur une enquête exploratoire menée en Suisse romande, entre juin et septembre 2008, dont le but était de produire un inventaire des pratiques et des projets de case management implantés dans la région. Au total, 46 personnes ont pris part à 39 entretiens. Toutes étaient appelées, dans le cadre de leur activité, à mettre en place un case management ou à en appliquer les procédés. Les personnes interrogées travaillaient dans l’un des cinq domaines de la santé, du social, de la formation professionnelle, des assurances ainsi que de la gestion des ressources humaines. L’enquête a été complétée par une recherche documentaire qui a permis de collecter 700 titres (monographies, articles à caractère scientifique et littérature grise).

Le case-management remonte à 1863, lorsque se crée le premier Board of Charities, dans l’Etat du Massachusetts. C’est à cette date qu’apparaissent les premiers services sociaux destinés à venir en aide aux nouveaux migrants. Dès les années 1920, cette démarche est inscrite aux répertoires des méthodes du travail social aux Etats-Unis. Elle essaime en France avec les premiers séjours de travailleurs sociaux aux Etats-Unis et contribue à enrichir la formation des assistantes sociales. Il faut attendre 1940 que soit mis en place le premier modèle qualifié de case management à l’occasion de la seconde guerre mondiale.  Il a, à cette époque, pour objectif de favoriser la désinstitutionalisation des patients atteints de traumatismes de guerre par la mise en place d’un interlocuteur central. Son rôle est d’informer, orienter et assurer la coordination et la gestion des offres de prise en charge et d’assistance. La finalité est de renforcer l’autonomie de la personne par une participation active de celle-ci ainsi qu’un mobilisation de ses ressources par un soutien personnalisé.

En 1974, l’appellation officielle de case manager voit le jour. Loin d’être une pratique réservée à une seule profession, elle s’inscrit également dans l’histoire des soins infirmiers américains.

A la fin des années 1980 en Europe du Nord (aux Pays-Bas et en Allemagne, particulièrement) le pratique et le concept sont repris par des théoricien-ne-s qui, comme Wolf-Rainer Wendt (1997), Nora van Riet et Harry Wouters (2002), Peter Löchrbach (2005) ou Manfred Neuffer (2007), sont proches du travail social ou dont le nom, à l’instar de Michael Ewers et de Doris Scheffer (2000) est attaché au travail infirmier.

Le case management est défini comme une réalité composite qui, outre un volet méthodologique, compte également une dimension programmatique et une dimension structurelle. Les auteurs promeuvent ainsi une analyse à la fois plus large et plus précise de la pratique étudiée. A travers son programme, le case management est porteur de la volonté collective de soutenir un groupe précis de personnes. Sur un plan structurel, le modèle spécifie la façon dont le dispositif est ancré dans le paysage institutionnel existant. Le case management apparaît ainsi moins angélique, plus ancré dans les réalités socioéconomiques contemporaines même s’il invite « véritablement à penser chaque accompagnement comme une activité singulière et non répétitive, soumise à l’incertitude et à l’inattendu, susceptible d’apporter des réponses innovantes à des situations qui, d’ordinaire, résistent à la planification et à la standardisation. »

Les auteurs se réfèrent au modèle social suisse et à sa déclinaison dans les différents cantons (notamment alémaniques). Ils avancent à partir d’entretiens réalisés auprès de case managers intervenant dans les différents champs présentés. Ils n’en oublient pas, pour cela, l’histoire et les pratiques étrangères du case management.

L’ouvrage débute par la présentation des bases conceptuelles du case management et par une description des traits propres à cette fonction. Les chapitres suivants présentent les différents champs d’utilisation du case management. On se rend ainsi très vite compte que le champ de la santé est très loin d’être le seul champ d’application de la méthode. Nous sommes, dès lors, invités à le penser comme une pratique nomade qui se veut une réponse économique et politique à la déstructuration des pratiques d’assistance, à la fin programmée ( ?) de l’état social, comme une forme de rattrapage social pour les situations complexes, c’est-à-dire à destination, au cas par cas, des plus démunis. Le case managé doit répondre à des critères très précis pour pouvoir être admis dans le dispositif. Trop en difficulté, il n’y entre pas car ce ne serait pas rentable.

Le case management est utilisé dans la réhabilitation professionnelle des personnes en emploi, il est aussi appliqué à la formation professionnelle. On sent les certitudes et les hésitations de ceux qui sont en charge des suivis. Les trois dernières sections sont consacrées au case management dans le domaine de la santé, plus structuré, plus unifié que les précédentes. Les applications réalisées dans le domaine psychiatrique sont considérées comme le berceau du case management « moderne ». Sont ensuite présentés les exemples d’un case management inspiré par le managed care américain, il est alors question du domaine des soins aigus. Enfin la dernière section présente une application de la méthode aux soins de longue durée. Elle n’apparaît plus comme un dispositif d’appoint mais comme l’élément pivot d’un système de prise en charge universel. 

« Les case-managers sont formé-e-s dans l’institution. Ils et elles ont une expérience préalable en psychiatrie et, pour les infirmiers-ères, souvent une formation en santé communautaire. On leur demande d’être ouvert-e-s, autonomes et engagé-e-s, de montrer de l’empathie et une aptitude au travail en équipe, ainsi que de disposer de compétences sociales importantes. Un sens aiguisé des responsabilités, une habileté à organiser et à coordonner sont également requis. Une certaine solidité est de plus nécessaire pour gérer les situations difficiles hors de l’institution.

Les case managers sont seul-e-s responsables du cas, mais ils ou elles peuvent compter sur une équipe pluridisciplinaire, avec laquelle les échanges sont réguliers et fréquents, que ce soit lors de colloques, de supervisions ou d’intervisions. » (p.121)

L’intérêt pour les soignants

Il est d’abord de contextualiser une méthodologie venue d’ailleurs, qui est le fruit d’autres choix politiques et sociaux, plus libéraux. Il n’est ainsi pas certain que l’Obama care survive à la mandature Trump. L’exemple suisse est intéressant parce que l’on y trouve d’incontestables réussites mais aussi des pressions économiques insupportables pour les case managers comme pour les usagers, notamment dans son application dans le champ des assurances et du travail.

Dominique Friard

Notes

1-GOBET (P), GALSTER (D), REPETTI (M), SCHERER (F), CONSTANTIN (E), Le case management en contexte. EESP, Lausanne 2016.

Date de dernière mise à jour : 26/05/2025

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