Potel C., Le corps et l'eau. Une médiation en psychomotricité

« Le corps et l’eau »

Une médiation en psychomotricité

Catherine Potel

Eau

Un ouvrage passionnant qui fournit au soignant quelques outils pratiques et théoriques pour penser les soins dans l’eau, une médiation corporelle qui ouvre sur une capacité à jouer en utilisant le corps comme « médiateur et enjeu relationnel entre deux psychés, et entre la psyché et le monde.

« […] Bernard, dans l’eau, va littéralement se lover contre moi, comme un tout petit.

Je suis incapable alors d’accepter ce moment de régression, submergée par l’impression qu’il va entrer en moi, prendre la place de mon enfant. Je suis alors enceinte de quatre mois. Seule, je suis incapable de penser quoi que ce soit, prise entre une forme de culpabilité devant mon rejet, et le besoin de « sauver ma peau », me protéger et protéger l’enfant que je porte. L’urgence de la situation émotionnelle dans laquelle je suis, m’amène à en parler à mes collègues de travail. La présence d’un médecin psychanalyste garantit une certaine qualité d’écoute et de confiance, qui existe entre nous, mais qui aide à l’expression de nos tensions face à cette population difficile dont nous avons la charge, d’autant plus qu’elle-même ne connait les patients. A la fin de la réunion, la décision est prise de cesser cette prise en charge dans l’eau. » (p.30).

L’auteur

C. Potel, née en 1967, est psychomotricienne, professeure à L’Institut Supérieur de rééducation psychomotrice à Paris. Elle a travaillé en maison d’accueil spécialisé (MAS), en externat médico-pédagogique, en hôpital de jour pour enfants, etc. Elle est cofondatrice de l’association « Vivre l’eau » qui propose à tout parent qui le désire de partager un temps de détente avec son enfant dans l’eau. Elle est thérapeute en relaxation analytique (méthode Sapir) et présidente de l’AREPS (Association de Relaxation Psychanalytique Sapir).

Son livre associe sa connaissance des enfants qui « vont bien » à celle des enfants et des adultes qui n’ont pu construire leur identité de sujet autonome. 

J’ai longtemps eu peur dans l’eau aussi quand, directeur de collection, j’ai accompagné la rédaction de l’ouvrage de Catherine Potel, j’ai manifesté un intérêt purement intellectuel. Je savais que la publication d’un tel ouvrage était nécessaire mais son contenu ne me renvoyait à aucune émotion personnelle. Le peur me rendait imperméable aux histoires d’eau qui cascadent dans son livre. Il m’aura fallu du temps pour partager son enthousiasme. J’aurais aimé publier son ouvrage mais l’éditrice ne m’a pas suivie. Les infirmières disait-elle, n’achèteront jamais un ouvrage dédié aux soins dans l’eau. D’ailleurs, elles n’en font pas. Le corporatisme sévit partout.

« Il y a les bébés « casse-cou », ceux qui vont déployer tout de suite une énergie terrible pour conquérir cet espace nouveau. Ces enfants nous investissent généralement très vite, car nous leur permettons d’accéder à leur désir de vivre cette motricité explosive, ce qui est plus difficile pour les parents qui ont eux-mêmes à s’adapter à cette nouvelle situation et qui ne peuvent être tout de suite dans cette disponibilité corporelle nécessaire. Il est alors important pour nous de ne pas nous laisser déborder par l’agitation de l’enfant en laissant en plan les parents qui risqueraient de se sentir dépossédés et exclus de la relation. Il n’est pas rare, pour ces enfants, que la deuxième séance se passe beaucoup plus calmement, une fois la découverte faite. » (pp.93-94)

L’ouvrage

Pour celui qui a choisi l’eau comme terrain d’aventure et de rencontre, l’eau procède d’une évidence. Vivante et souple, elle porte et enveloppe celui qui veut bien s’abandonner. Elle touche et caresse, dessine les limites du corps dans un contact sensoriel où la peau a la première place. Elle est écho du mouvement, elle témoigne de la présence du corps, de l’autre. Cet abandon à l’eau est parfois impossible. C’est la peur. « Peur de se perdre dans sa profondeur. Peur de se livrer à l’engloutissement. Angoisse de se dissoudre … L’eau devient alors ce monstre terrifiant qui s’insinue par tous les pores de la peau, qui entre dans tous les orifices, qui appelle la représentation archaïque d’un corps sans protection, troué, écorché, à nu. »

Le travail dans l’eau est une pratique institutionnelle courante et ancienne. L’eau est une de nos alliées thérapeutiques les plus fidèles. Les projets thérapeutiques insistent sur l’espace transitionnel qui privilégie la relation et l’investissement d’un objet privilégié, sur une aire de jeu qui permet des explorations psychomotrices structurantes, sur un lieu de rencontre dans un monde plus proche et plus intime au regard de certaines pathologies comme l’autisme.

Dans la première partie, « Le corps et l’eau », C. Potel montre comment les propriétés de l’eau ont des effets sur le corps, les sensations, les émotions, les affects. Elle questionne l’implication corporelle du soignant et la sienne propre en narrant l’histoire de Bernard un jeune garçon autiste qui vient, un jour, se lover contre elle, comme un tout petit. Elle est enceinte et vit cette régression comme une intrusion intolérable, comme si Bernard allait prendre la place de son enfant. Incapable de penser la situation, prise entre sa culpabilité de ne pouvoir être soignante et le besoin de « sauver sa peau », elle interrompra la prise en charge après en avoir parlé avec l’analyse référent de l’activité. A chacun ses limites. L’eau ne suffit pas. Elle n’a rien de magique. Il ne suffit pas de plonger un corps dans l’eau pour qu’il s’y sente bien, il faut qu’il soit en relation. C. Potel nous propose un mode de réflexion sur l’eau utilisable pour d’autres médiations. Elle décrit l’eau en tant que surface et profondeur, ses effets d’enveloppement, les sensations du corps propre qu’elle autorise. Elle montre comment l’eau est un intermédiaire tactile entre soi et les autres, comment pour toucher l’autre, il est possible de ne pas être en contact. L’eau est un médium malléable ; à la fois indestructible, disponible, susceptible d’une indéfinie transformation, elle est vivante et d’une extrême sensibilité.

La deuxième partie, « Les bébés dans l’eau », centrée sur les « bébés nageurs » présente le développement psychomoteur de l’enfant dans l’eau et intéressera chaque parent. La troisième, « Travail en institution », consacrée aux troubles psychiques des enfants, nous emmène dans un groupe piscine, et nous en décrit les modalités de fonctionnement. Trois histoires d’enfants viennent illustrer ce travail.

Les conditions dans lesquelles nous plongent l’eau, qu’il s’agisse du corps des thérapeutes ou de celui des patients, permettent que se rejouent d’une autre façon des relations de portage, de contenance, de confiance qui pourront avoir des effets de changement et de construction de l’image du corps et de ses limites. « L’eau nous permet d’aller chercher l’enfant ou l’adulte là où il en est. »

L’intérêt pour les soignants

Le lecteur cheminera des bébés nageurs aux autistes, il percevra les ruptures et les continuités entre les deux types de nageurs. Il découvrira quelques concepts théoriques clairement décrits qui lui permettront, à lui, de penser son activité piscine et aux patients d’en tirer le maximum de plaisir. Il ne suffit pas de faire, il faut penser ce que l’on fait afin de saisir ce qui se passe et là où ça se passe. Pour le reste, qu’il se jette à l’eau !

Dominique Friard

Notes :

1- POTEL ©, Le corps et l’eau, Une médiation en psychomotricité, Ramonville, 1999, Editions Erès.

Date de dernière mise à jour : 27/11/2023

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