Venet Emmanuel, Manifeste pour une psychiatrie artisanale

Manifeste pour une psychiatrie artisanale

Emmanuel Venet

Un petit livre d'un psychiatre artisan. On y retrouve la psychiatrie que nous aimons, celle pour laquelle nous nous battons. 

Dans son livre « Manifeste pour une psychiatrie artisanale »  paru ce mois d'août 2020 aux éditions Verdier, Emmanuel Venet, psychiatre au C.H. Le Vinatier « pointe l'abandon dans lequel s'enfonce une psychiatrie hospitalière confrontée à la fois aux coupes budgétaires et à une crise interne des savoirs et des traitements » Selon lui le nombre important de postes vacants de psychiatre serait lié à un manque d'attractivité financière mais aussi à une perte d'intérêt intellectuel lié à l'évolution du métier c'est à dire l'appauvrissement « des repères théoriques pour penser la maladie mentale et le soin » La place des neurosciences est devenue tellement centrale que ses outils (génétique, imagerie cérébrale et examens cognitifs..) risquent de devenir les seules approches cliniques et d'aboutir à une focalisation sur le symptôme et la molécule..

Cette approche dite scientifique rend le travail infirmier et des équipes pluridisciplinaires d'autant plus difficile que leur  compréhension clinique des pathologies et l'accompagnement quotidien des patients en souffrance exigent une autre temporalité, une multiplicité des regards et une prise en compte de la singularité de chaque sujet

C'est en ce sens que l'auteur défend une psychiatrie artisanale en quasi opposition avec le développement des centres experts qui répondent peut-être à une demande sociétale mais  comportent le risque de séparer diagnostic et proposition thérapeutique. Cette expertise qui a tendance à  balayer le doute raisonnable en clinique introduit une vision simpliste et quantifiable des troubles et vise à alimenter la confusion entre cerveau et psychisme réduisant ce dernier à un organe, un outil cognitif oubliant la complexité des affects, de la conscience.

De plus cet « excès de science » comporte un risque éthique en donnant la primauté aux traitements médicamenteux sur toutes les autres approches (La prescription d'antidépresseurs mais aussi d'antipsychotiques ne cessent d'augmenter y compris chez les enfants et adolescents) allant de pair avec l'inflation des troubles psychiques notifiés dans le DSM V

L'auteur plaide pour une richesse des corpus théoriques et des regards qui ne néglige pas d'autres champs comme la philosophie, la sociologie, l'anthropologie. Il nous invite à accompagner la souffrance par des propositions cliniques sans cesse réinterrogées (un peu comme un artisan qui remettrait l'ouvrage sur le métier) donnant toute sa place à l'humain et à l'intersubjectivité

Les phrases en italiques sont issues d'une interview de l'auteur par Pierre Henry Ortiz, maître de conférences d'histoire ancienne à l'université d'Angers.

Jacqueline Fontaine