L'entretien "empêché"

L’entretien « empêché »

La diminution du nombre d’entretiens infirmiers nous conduit à revisiter l’histoire des soins de ces 15 dernières années. Malgré l’accent mis sur les formations, tout se passe comme si le nombre et la qualité des entretiens infirmiers étaient érodés par les isolements et contentions.

Ecouter pour tenter de comprendre, écouter ce qui se dit, comment c’est dit, ce qui ne se dit pas mais se montre, écouter les gestes, les attitudes, les silences. Ecouter pour recevoir jusqu’à l’indicible, pour le retraiter et le restituer d’une façon qui soit recevable par le sujet. L’entretien infirmier, et ses différents avatars, constitue la meilleure alternative aux isolements et contentions. On me rétorquera que parfois le sujet est tellement envahi par ses voix, tellement dépassé par l’angoisse ou par des troubles de l’humeur qui le rendent sourd à tout ce qui vient d’un autre perçu comme menaçant, qu’une telle écoute semble impossible. L’isolement et les contentions apparaissent alors comme le seul recours, l’ultime. « Se ruer contre les obstacles qu’on vous présente, écrivait Lacan, c’est exactement faire comme un taureau. Il s’agirait justement de passer ailleurs que là où il y a des obstacles. En tout cas, ne pas s’intéresser spécialement aux obstacles. » (1) L’art infirmier (ou soignant d’une manière générale) consiste à passer ailleurs. L’entretien est une des meilleures façons de contourner les obstacles, quels qu’ils soient dès lors qu’on a pu les identifier. Pour le dire autrement, ce n’est pas parce que quelque chose nous semble impossible que nous sommes impuissants. Cet art de contourner s’apprend, il s’acquiert au fil des expériences, et des analyses de cas. Il est évident que celui qui ne pratique pas a peu de chances d’acquérir ce « savoir y faire avec la folie ».

Si l’isolement et les contentions sont, actuellement, de plus en plus utilisés, les entretiens infirmiers semblent, eux, connaître une certaine régression. Le constat est impressionniste. Il repose sur les perceptions des formateurs, des cliniciens de terrain et des chercheurs. Aucun chiffre ne permet de l’attester. Le recueil d’actes nommé EDGAR interdit de se faire une idée précise du nombre d’entretiens réalisés dans un C.M.P. Pour mémoire, un entretien (E), dans ce cadre « est un acte à visée diagnostique, évaluative ou thérapeutique, qui privilégie l'interaction verbale. Il se déroule dans un lieu préalablement défini, est réalisé par un ou plusieurs intervenants et s'effectue toujours en présence d'un seul patient à la fois, avec ou sans la présence de ses proches. » (2) Sont cotés entretiens les consultations, l’entretien et l’examen physique, la psychothérapie individuelle, les rééducations (psychomotrice, orthophonique), les bilans et les tests, les soins. Une injection retard, une toilette, la préparation d’un semainier, une séance de psychothérapie pourront être ainsi cotée comme entretien. En ce qui concerne le temps plein hospitalier, c’est plus simple il n’existe aucun outil de mesure.

Nous pourrions, bien sûr, entendre les plaintes des patients qui regrettent régulièrement que les soignants ne soient jamais disponibles pour les écouter. A supposer que cela intéresse quelqu’un de prendre vraiment en compte leur point de vue, comment pourrions-nous évaluer leurs plaintes quand les questionnaires de satisfaction sont tellement fermés qu’on ne peut qu’y cocher des émoticônes. (3) La démarche de certification pourrait nous fournir quelques indices utiles mais la pratique des entretiens infirmiers n’est pas considérée comme un critère de qualité. Etonnant, non ?

Qu’est-ce qui me permet alors d’énoncer que les patients hospitalisés en psychiatrie sont de moins en moins écoutés par les soignants ? Le discours des soignants eux-mêmes. Les troubles du comportement des patients sont régulièrement au premier plan. Il n’est question que de violence, de délire, de passage à l’acte qu’il faut recadrer comme si ces troubles ne possédaient aucune épaisseur, n’émanaient d’aucun arrière-pays, comme s’ils décrivaient l’être même du patient, sans contexte, ni historisation, sans lien, ni sens. Il suffirait d’un entretien infirmier pour que ces troubles puissent être pensables.

Au risque d’être contredit par des chiffres, par nous inconnus, nous suivrons le constat des cliniciens et partirons de l’hypothèse que l’entretien infirmier est aujourd’hui, en de nombreux lieux de soins, un entretien « empêché ». Le développement des mesures de contrainte, qui rendent inutile ou vaine une écoute centrée sur la personne et sur ce qu’elle vit, nous semble être le meilleur argument en faveur de cette thèse. Nous montrerons que cette raréfaction des entretiens infirmiers est paradoxale. Les soignants n’ont jamais été autant formés à cette pratique. Il n’y a jamais eu autant d’ouvrages spécialisés publiés. Et pourtant, ce développement des formations est rigoureusement contemporain du recours, de plus en plus « en routine » (4) des isolements et contentions, comme si tout cela n’était que du semblant. L’isolement et la contention décriraient alors le réel des pratiques psychiatriques actuelles.

Une apparition tardive

Les entretiens médicaux ou infirmiers ne sont pas des pratiques très anciennes en psychiatrie. Le modèle de la visite médicale, avec un psychiatre, entouré de ses internes, de sa surveillante-chef, de sa surveillante et de ses infirmiers a longtemps prévalu. Le patient était considéré comme un objet de soin sur lequel chaque médecin ou apprenti-médecin était amené à exercer sa sagacité. (5) Chaque matin, le psychiatre pouvait ainsi « voir » près d’une vingtaine de patients devant des infirmiers au garde-à-vous. La psychanalyse a balayé ce rituel et contribué à instaurer l’entretien médical que nous connaissons aujourd’hui. Au niveau infirmier, si l’entretien informel (6,7) est attesté depuis des siècles, l’entretien en face à face est relativement récent. Les cahiers de l’Aerlip (8) le mentionnent et s’en réclament dès 1974. (9) Nous pouvons y lire que « La prise en charge des malades par l’infirmier a été vue longtemps sous l’angle de l’entretien individuel, un peu comme si l’on cherchait « à copier » le rôle du médecin auprès du malade … Ces entretiens font partie également du travail de l’infirmier, mais ils ne se déroulent pas du tout de la même façon, médecin et infirmier n’étant pas du tout vécu de la même façon par le malade, d’une part ; d’autre part l’entretien que pourra avoir le malade avec l’infirmier pourra aussi bien avoir lieu en prenant un pot « au bar », en aidant le malade à faire sa chambre, en allant faire ses courses dehors avec lui : il y aura toujours un moment propice dans la journée, un moment plus favorable parce que plus chaleureux. » (9)

Les 400 infirmiers qui font irruption au congrès des psychiatres à Auxerre, qui rédigent le livre blanc qui découle de ce coup de force, appartiennent évidemment à la frange le plus avancée du corps infirmier. Il s’en faut encore de beaucoup avant que la majorité des infirmiers s’emparent de l’entretien.

La notion d’entretien, que ce soit l’entretien d’accueil ou à visée psychothérapique, est totalement absente du décret du 17 juillet 1984 relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la profession d’infirmier. L’entretien d’accueil n’apparaît officiellement qu’en 1986, dans le glossaire du guide infirmier n° 1, série personnel du service infirmier (10). Il est défini comme un « dialogue entre l’infirmière et le patient dans les heures qui suivent l’admission en service hospitalier, ou dès la première rencontre en service extrahospitalier. » (10)

Il faut attendre 1991 et la parution du guide du service de soins infirmiers n° 11 consacré non pas à la psychiatrie mais à la santé mentale pour qu’une dimension psychothérapique soit rajoutée au rôle infirmier. La spécificité du soin technique en santé mentale s’appréhende à travers :

  • « l’entretien d’accueil,

  • la relation d’aide,

  • la relation psychothérapique (estimée donc différente de la relation d’aide),

  • les activités psychosociothérapiques,

  • les activités de réinsertion familiale, sociale, professionnelle (totalement absentes des décrets de compétence) et

  • les activités de prévention –d’éducation. » (11)

Il ne suffit pas qu’un acte soit inscrit dans un décret pour que les professionnels soient formés à le pratiquer, et donc qu’ils soient compétents. Ainsi que l’écrit A. Frobert à propos de l’entretien, « la compétence ne se décrète pas, elle s’acquiert ». (12)  

La reconnaissance de cet acte doit s’appuyer sur une littérature qui en décrit les soubassements théoriques et des règles de bonne pratique. Il doit y avoir des allers retours constants entre expérimentation de terrain, distance clinique, et théorisation. Les textes divers qui jalonnent ces étapes sont le reflet de cette démarche qui peut seule valider la pertinence d’une pratique clinique. Quels textes théoriques, quelles règles pratiques élaborés par des infirmiers ont permis de soutenir la reconnaissance de l’entretien infirmier ? Pour le savoir, il suffit de relire la bibliographie de référence des différents « Guides du service de soins infirmiers » (série de guides techniques élaborés par la direction des hôpitaux aujourd’hui abandonnée (13)) et de noter tout ce qui se réfère explicitement à l’entretien infirmier. Nous ne pouvons que faire le constat d’une grande pauvreté. Les références anglo-saxonnes y sont majoritaires. Tout se passe comme si l’acte entretien avait été posé là sans qu’il soit le fruit d’une réelle appropriation des acteurs de terrain. Il est donc permis de douter que l’entretien infirmier ait été réellement investi par les professionnels. Il est évidemment difficile de mesurer l’impact de la suppression du diplôme d’infirmier de secteur psychiatrique sur les pratiques infirmières dans ce champ. Nous pouvons supposer qu’il n’est pas nul.

Une décade prodigieuse

Dans son mémoire de maîtrise de recherche clinique (14) soutenu en 1998, Anne-Marie Leyreloup, mue par ce doute, se demandait s’il fallait considérer l’entretien infirmier en psychiatrie comme un mythe ou comme une réalité partagée par le plus grand nombre d’infirmiers. La question méritait d’être posée. Nombre de psychiatres, à l’époque, considéraient les infirmiers comme des exécutants et s’opposaient vigoureusement à toute initiative infirmière. Les « petits docteurs », c’est ainsi que les infirmiers, eux-mêmes, nommaient, par dérision, ceux qui se risquaient à recevoir des patients dans un bureau pour les écouter. Au terme d’une enquête réalisée dans trois centres hospitaliers (15), après avoir analysé les réponses aux 272 questionnaires recueillis, elle attestait l’existence de pratiques très diverses, dont le contenu était riche mais flou. Si les soignants exerçant en ambulatoire (CMP, Centres d’accueil et de crise, Hôpitaux de jour, etc.) proposaient régulièrement des entretiens avec des procédures stabilisées, il n’en allait pas tout à fait de même pour ceux qui travaillaient dans le temps plein hospitalier. En ambulatoire, le travail sur la crise (16) et les formations aux activités de médiation avaient porté leurs fruits. A l’hôpital, de simples conversations, des échanges informels, des recadrages ou la participation plus ou moins silencieuse des infirmiers aux entretiens médicaux étaient identifiés comme des entretiens. Face à ce constat, A.M. Leyreloup et E. Digonnet décidèrent de rédiger un ouvrage qui se voulait « une première réflexion sur l’entretien infirmier, ce qu’il est, où et comment il se pratique. Loin de vouloir édicter des règles définitives sur l’entretien, [ils voulaient] amener le lecteur à se poser la question : « Qu’est-ce que je fais là, « face à face » avec un patient ? » (17) Les entretiens dépliés dans leur ouvrage ont été réalisés par 14 infirmiers des trois établissements, illustrant ainsi ce que ces entretiens avaient en commun, indépendamment de leur contexte, mais également leurs différences liées au style des soignants et à leurs théories de référence.

Quatre autres professionnels du C.H. Esquirol (18), N. Beauzée, C. Rybak et al. partant de leur expérience des entretiens de crise et analysant leur contenu et leur forme publièrent deux ans plus tard un autre ouvrage, tout aussi pratique mais rattaché au courant des thérapies familiales systémiques.

D’autres livres furent publiés sur l’entretien. Leurs auteurs n’étaient pas infirmiers, et les ouvrages ne traitaient en réalité que de la vision médicale du travail réalisé par les infirmiers en entretien. On peut ainsi citer les opus du psychiatre J.C. Montfort et de ses confrères (19, 20, 21). On peut mentionner également les livres des psychologues R. Mucchielli (22) puis M. Liégeois consacrés à l’entretien de soutien psychologique et inspirés par la relation centrée sur le patient qui s’adressaient davantage aux infirmiers de soins généraux (23, 24). Dans le même registre et pour être complets, il convient de ne pas oublier les travaux, antérieurs, de l’américaine D.C. Aguilera (25) et du canadien L. Chalifour (26, 27). Nous noterons que les auteurs infirmiers ne se contentaient pas de se citer eux-mêmes et visaient à proposer des bibliographies les plus complètes possibles. Quels que soient les défauts de ces différents ouvrages (notamment médicaux), ils n’en ont pas moins permis aux infirmiers qui le désiraient, de se former aux entretiens et de s’en approprier la pratique.

Ainsi, au cours de ces années 1998-2007, les infirmiers avaient à leur disposition plus d’une dizaine d’ouvrages sans compter les rubriques et les dossiers qui y étaient consacrés dans les revues infirmières (28, 29, 30), ni les carnets offerts par les laboratoires (31, 32). Cette « rage » éditoriale, assez exceptionnelle dans l’histoire des soins infirmiers en France, ne pouvait que se traduire par une boulimie de formation d’autant plus que les auteurs de ces ouvrages proposaient ou réalisaient eux-mêmes des formations à l’entretien infirmier. (33, 34)

Des milliers d’infirmiers se formèrent ainsi aux entretiens, promus quintessence de l’art infirmier. Les infirmiers généraux puis les directeurs des soins jouèrent le jeu et firent en sorte de favoriser ces formations.

Le drame de Pau, en 2005, accentua encore ce mouvement. La création des formations de consolidation des savoirs infirmiers en psychiatrie et le tutorat, financés par l’état (au moins jusqu’en 2009) en sont une manifestation éclatante. Les jeunes infirmiers qui intégraient le champ de la psychiatrie et les tuteurs qui les accompagnaient bénéficièrent de formations et de réflexions sur leurs pratiques qui devaient faire la part belle à l’entretien. La mise en place de la démarche qualité (à partir de 1996 pour les établissements les plus avancés) puis de la certification aurait, par ailleurs, dû mettre l’accent sur des pratiques qui privilégient l’écoute et cherchent à contenir les troubles du comportement avec de la présence, des mots plutôt qu’avec des murs et des liens. Ce mouvement aurait donc dû se traduire sur le terrain par une appropriation grandissante de l’entretien infirmier. Il semble que non seulement ce ne fut pas le cas mais que, bien au contraire, les isolements et contentions commencèrent à se multiplier. Il existe là un vrai paradoxe qui mérite d’être interrogé. Notamment lorsque l’on est formateur. Allons voir sur le terrain.

Des formations en peau de chagrin

A l’instar de nombre d’auteurs cités plus haut, j’ai animé des formations aux entretiens infirmiers. Les plus anciennes remontent aux années 1996-2000. Ces formations se déclinaient alors en dix jours, à raison d’une journée par mois. Elles duraient une année universitaire. La matinée était consacrée aux aspects théoriques et l’après-midi à la pratique à travers des situations d’entretien apportées par les stagiaires. Les allers-retours entre la formation et le terrain étaient d’une grande richesse. Cette façon de procéder permettait aux stagiaires de progresser réellement, ils pouvaient ainsi s’approprier la démarche.

Progressivement, le nombre de jours consacré à la formation a diminué. Au cours des années 2000-2010, il s’est stabilisé à cinq jours, soit deux fois moins. La possibilité de diviser la formation en deux voire trois niveaux contrebalançait la perte initiale. Evidemment, les deuxièmes et troisièmes niveaux se complexifiaient lorsqu’un autre formateur succédait au premier, les découpages ne correspondaient pas et les théories de référence divergeaient parfois. Certains soignants n’avaient accès qu’au premier niveau. Globalement, les formations proposées n’en étaient pas moins de qualité.

A partir de 2010, le nombre de jours de formation a encore diminué. Il n’est aujourd’hui pas rare de voir des formations à l’entretien infirmier de deux jours. Aucun deuxième ou troisième niveau ne vient équilibrer les pertes en contenu. Cette diminution drastique du nombre de jours de formation est induite par les institutions elles-mêmes. Les organismes de formation sont contraints de se plier à la demande sous peine de perdre le marché. Les plus engagés sur le terrain clinique refusent de se prêter à ce chantage économique au profit de gros organismes qui vendent des formations au kilo. Leurs formateurs connaissent à peine le champ et certains n’ont souvent même jamais rencontré de patients souffrant de psychose. Le plus étonnant dans cette involution dramatique est la complicité active de l’O.G.D.P.C censé garantir la qualité des formations proposées. Soyons clairs, une formation de deux jours à l’entretien infirmier ne peut être qu’une initiation. Eu égard à la complexité des situations rencontrées sur le terrain, elle ne sert quasiment à rien. C’est de l’argent jeté par les fenêtres. Les institutions ne satisfont à leurs obligations de formation que sur le papier. Les normes sont respectées. Nous sommes dans le registre du semblant et en aucun cas dans celui de la formation. (35)

Que le nombre d’entretiens proposés aux patients diminue ne saurait alors être une surprise. Un des outils nécessaire à la prévention des isolements et contentions étant sabordé comment s’étonner de leur augmentation exponentielle ?

Un véritable projet partagé

Lorsqu’au début d’une formation, un formateur demande aux soignants qu’elle est leur pratique des entretiens, il lui est répondu une participation muette aux entretiens médicaux et des discussions informelles avec les patients autour d’activités de la vie quotidienne. Dans le temps plein hospitalier, il est exceptionnel qu’un infirmier reconnaisse pratiquer des entretiens au quotidien. En ambulatoire, ainsi que je l’ai écrit, l’entretien est régulièrement proposé aux patients, que ce soit sous la forme de l’entretien d’accueil ou de suivi. La « maîtrise » de l’entretien fait même, parfois, partie de la fiche de poste. Au fil du temps et des formations, la réponse évolue. Ainsi, lors des premières formations que j’ai effectuées au centre hospitalier de Montfavet (84), les infirmiers rencontraient des difficultés lorsqu’il s’agissait de ramener des situations d’entretiens issues de leur quotidien. Au fur et à mesure des formations, cette difficulté s’est amoindrie, les situations décrites sont devenues de plus en plus riches. La pertinence clinique des soignants se perçoit, aujourd’hui, jusque dans les travaux écrits présentés par les plus jeunes d’entre eux lors de la consolidation des savoirs infirmiers en psychiatrie. Derrière cette relative aisance, on trouve quinze ans de formations aux entretiens infirmiers. Je peux faire le même constat avec le Centre Hospitalier de Sevrey (71) où, malgré la Covid, douze groupes de soignants ont été formés à l’entretien.

Pour qu’un établissement propose annuellement des formations aux entretiens, il faut que cette pratique soit soutenue par les médecins de l’établissement et les infirmiers qui y exercent. Il m’est régulièrement arrivé de débuter des formations à l’entretien avec 25 % d’absents. L’impossibilité où les soignants se trouvaient de pouvoir utiliser le contenu de la formation provoquaient chez certains d’entre eux une réelle souffrance. Ils préféraient parfois s’abstenir plutôt que se heurter à l’hostilité de leurs collègues. Je dus ainsi interrompre un cycle de formations dans le Var au bout de trois ans.

Il faut aussi que la pratique de l’entretien soit soutenue par les cadres. Il m’est ainsi arrivé de proposer une formation dans un établissement rendu célèbre par le discours qu’un président de la République y tint. Six infirmiers seulement y participèrent, les cadres des unités d’entrée estimaient qu’un infirmier n’avait pas à réaliser d’entretiens, ce travail étant celui du psychologue. Les six infirmiers présents ayant pour la plupart plus de vingt ans d’expérience se préoccupaient assez peu des dictats de leur cadre et envisagèrent la formation comme une master class.

Une formation à l’entretien infirmier, pour être efficace, doit s’appuyer sur un projet institutionnel partagé par l’ensemble des décideurs et des professionnels. C’est actuellement le cas, par exemple au Centre Hospitalier de Sevrey. Stéphane Moriconi, infirmier spécialiste clinique et IPA porte un véritable projet de soin infirmier étayé sur une théorie de soin qui rassemble les équipes autour de la clinique infirmière.

Le projet doit correspondre à des valeurs actualisées régulièrement. Une formation ponctuelle, même longue et de qualité, n’est qu’un coup d’épée dans l’eau. J’ai ainsi animé une formation dans un établissement parisien célèbre pour sa politique de secteur très innovante. La formation s’interrompit au bout de deux ans, les infirmiers exerçant dans le temps plein hospitalier, et leurs cadres, boycottèrent une formation perçue comme trop médicale, et, surtout ne correspondant pas à leur appréhension des patients. On ne propose un entretien à un patient que si l’on estime qu’il a quelque chose à dire et que son discours vaut la peine d’être entendu. La création d’une unité fermée avait bouleversé les façons de prendre en charge les patients. L’écoute n’avait plus guère de place.  

On pourrait quasiment poser comme axiome que plus les soignants se sentent débordés par l’agressivité des patients, moins ils leur proposent d’entretiens contribuant ainsi au maintien voire à l’aggravation du phénomène.

Quelques effets des formations aux entretiens infirmiers

Nous avons vu que les formations proposées au C.H. Esquirol, dans le cadre de l’accueil et de la crise, avaient conduit deux groupes de soignants à rédiger un ouvrage sur cette thématique, signe d’une appropriation certaine de la pratique. En va-t-il de même dans d’autres établissements ? Existe-t-il des chiffres permettant d’inférer une amélioration de la qualité des soins dispensés à partir de la pratique régulière des entretiens infirmiers ? En dehors de ceux que nous avons nous-mêmes collectés au C.H. Laragne, non.

Disciple, puis successeur à la chefferie de service de F. Grisoni, le psychiatre P. L’Hereec a inscrit son action dans les pas de son prédécesseur qui a laissé une trace indélébile au C.H. Montfavet. Refusant les chambres d’isolement et la contention, il a créé ou favorisé de nombreux dispositifs de soins susceptibles de réguler l’agressivité et la violence des patients hospitalisés. Le développement de l’entretien infirmier était une des pierres angulaires de sa réflexion.  Non seulement les soignants de son service devaient être formés aux entretiens mais les étudiants en soins infirmiers en stage bénéficiaient d’une formation complémentaire délivrée par L’Hereec lui-même et ses infirmiers les plus expérimentés. Les soignants bénéficiaient d’un guide de recueil de données qui donnait un fil conducteur aux entretiens dont le contenu était évidemment déplié lors des réunions et des rencontres avec les psychiatres. Le service put ainsi se passer de longues années de chambres d’isolement.

Lorsque je suis arrivé au C.H. Laragne en 1997, les entretiens infirmiers avaient connu un certain essor sous l’influence de Jean-Jacques Bos, le cadre d’une des unités d’accueil. Il avait fait en sorte qu’un maximum d’infirmiers soit formé. Tout comme les équipes de L’Hereec, mais dans un autre état d’esprit, il avait élaboré un guide de recueil de données avec les soignants de son unité. Tout patient devait bénéficier d’un entretien d’accueil dans les 48 heures suivant son entrée. La démarche de soins proposée découlait de cet entretien d’accueil qui ne faisait pas doublon avec l’entretien médical. Les médecins étant plus que sceptiques quant aux entretiens infirmiers et à la démarche de soins, les comptes rendus d’entretien ne pouvaient être intégrés au dossier du patient. Le chef de service avait exigé que les soignants les détruisent. Résistants, les infirmiers les rangeaient dans des cartons à chaussure et dans les cartons à ramette de papier. Ils attendirent le départ en retraite du dit médecin-chef pour les incorporer en douce dans le dossier. En attendant, il n’était guère facile de pouvoir les retrouver lorsqu’un patient déjà accueilli par un entretien était réhospitalisé. Entre les formations à l’entretien et à la démarche de soins, sous la houlette de R. Isnard, le directeur des soins, ce sont les deux tiers des soignants qui furent formés. Entre 1998 et 1999, le nombre d’entretiens doubla. En 2000, nous estimions, chiffres à l’appui, que 90 % des patients hospitalisés à Laragne bénéficiaient d’un entretien d’accueil. Les soignants bénéficiaient d’une régulation collective effectuée par deux psychanalystes. Le C.H. Laragne put ainsi, lui aussi, se passer, pendant de longues années de chambres d’isolement et de contention.

Qu’apportent donc ces entretiens aux patients et comment permettent-ils de faire reculer les isolements et contentions ?

L’entretien d’accueil infirmier, réalisé dans les 48 heures qui suivent l’entrée du patient en intrahospitalier permet de faire connaissance avec le patient et de poser les jalons de l’alliance thérapeutique. Il installe un climat de soin qui repose sur le récit de ce qui fait histoire pour chaque patient. Il lui permet d’expliquer ce qui motive son hospitalisation, qu’il y consente ou non, ce qui lui pose un problème actuellement et ce qu’il attend des soignants. Le discours peut évidemment être délirant, l’état maniaque raccourcir la durée de la séquence de soin. Il ne s’agit pas de montrer en quoi le patient est malade mais de trouver un chemin de soin c’est-à-dire un point d’appui à partir duquel entrer en relation et se rencontrer autour d’une réalité partageable. Les problématiques d’agressivité et de violence peuvent et doivent évidemment être abordées à ce moment.  L’expérience laragnaise, riche de milliers d’entretiens d’accueil, montre que les patients, quels que soient la sévérité de leurs troubles, à condition de parfois aménager le cadre (en réduisant la durée de l’entretien d’accueil, en lui superposant un entretien informel), ne refusent jamais ce dispositif de soin.

Les obstacles à l’entretien

Les obstacles à l’entretien peuvent être politiques, idéologiques, économiques, institutionnels (fruits de l’organisation des soins dans un établissement donné), collectifs (relatifs au fonctionnement d’une équipe pluriprofessionnelle), corporatistes (tributaires du corps infirmier et de sa façon d’investir collectivement son rôle propre) et subjectifs (installés au sein de la psyché de chaque infirmier). Les obstacles sont donc légion et nous ne pouvons que saluer l’opiniâtreté des équipes qui persistent à organiser leurs soins autour des entretiens infirmiers.

Pour que des soignants proposent des entretiens aux patients, notamment psychotiques, il faut que les politiques leur en donnent les moyens financiers et en personnel. Toute réduction de moyens retentit sur la qualité des prises en charge. Quand l’effectif minimum de grève est supérieur à l’effectif quotidien, les soignants ne peuvent que parer au plus pressé, au plus urgent. Aucun travail au long cours n’est possible. Les patients psychotiques quittent les unités d’accueil pour être hospitalisés dans des unités de réhabilitation où les infirmiers sont remplacés par des aides-soignants qui ne peuvent réaliser des entretiens.

Les infirmiers ne peuvent proposer des entretiens que s’ils se sentent légitimes pour le faire. La formation initiale, trop généraliste, ne peut qu’initier les étudiants à une pratique qu’ils perfectionneront sur le terrain, par la rencontre avec les patients. La compétence s’acquiert donc lors de formations dont la qualité est validée par l’O.G.D.P.C. (36) L’entretien infirmier, pour être reconnu comme une alternative aux isolements et contention, ou tout simplement comme une procédure de soins active dans la schizophrénie ou les troubles bipolaires doit, par ailleurs, être recommandé par la H.A.S., soit au terme d’une conférence de consensus, soit à l’issue d’un groupe de travail spécifique. Il existe des recommandations sur l’isolement et les contentions, sur l’électroconvulsivothérapie mais aucune sur les pratiques d’accueil, ni sur le suivi infirmier au long cours. La certification insiste sur l’identitovigilance mais pas sur l’entretien d’accueil. Un établissement où les infirmiers ne proposent aucun entretien pourra être certifié mais pas un établissement qui n’isole pas et n’a donc aucun protocole d’isolement. La certification en psychiatrie et les professionnels qui s’y prêtent ont une lourde responsabilité dans l’augmentation des isolements et contentions et dans la raréfaction des entretiens cliniques infirmiers. Comment peut-on évaluer une discipline dont on ignore à peu près tout ?

Si l’on considère que le traitement en psychiatrie repose essentiellement sur les médicaments psychotropes, un cadre drastique de soin dont les transgressions sont « sanctionnées » par des limitations de sortie, des mises en chambre d’isolement voire des contentions, et des mises sous tutelle, aucun développement d’une pratique d’écoute active n’est possible. Cette idéologie de soin qui fait la part belle à la neurobiologie et à la contrainte peut s’appuyer parfois sur l’éducation thérapeutique du patient qui suppose la réalisation d’un diagnostic éducatif (nommé aussi bilan éducatif partagé). Pour être effectif, ce bilan implique une « maîtrise » des entretiens infirmiers souvent aléatoire et une prise en compte des savoirs expérientiels du patient que cette idéologie ne promeut pas.

Ces obstacles verticaux ne sont pas rédhibitoires. De nombreux établissements, tels que les C.H. Esquirol, Saint-Cyr au Mont d’Or (37), Sevrey (71) et Montfavet (84), entre autres, ont su favoriser les entretiens infirmiers. Souvent portées par un leadership médical (G. Baillon (38), L. Dreyfuss puis M. Windisch (39), M.C. Cabie (18), P. L’Hereech, M. Nique (40), etc.) de nombreuses équipes ont mis l’entretien infirmier au centre de leurs pratiques, essentiellement en ambulatoire mais pas uniquement. 

A l’inverse, l’absence d’investissement médical du contenu des entretiens infirmiers entraîne leur disparition. Nombre d’anciens médecins généralistes, devenus psychiatres, sans être passés par l’internat de psychiatrie, trop peu assurés de leurs connaissances en psychopathologie, ferment la porte à la clinique infirmière. Les entretiens tombent alors en désuétude. Il en va parfois de même en ambulatoire où ces néo-psychiatres préfèrent augmenter le temps d’attente avant un premier rendez-vous plutôt que de créer les conditions pour permettre aux infirmiers de les réaliser.

Certains cadres de santé qui ont essentiellement exercé en soins généraux perçoivent mal l’intérêt d’une écoute infirmière. Ils peuvent parfois ne pas avoir les outils cliniques pour en évaluer la pertinence, certains n’ayant même jamais exercé comme infirmiers (kinésithérapeutes, éducateurs spécialisés, ergothérapeute, psychomotriciens, etc.). La tentation est alors grande de décourager les soignants et de les amener à privilégier des soins techniques plus facilement évaluables. (41) Ces cadres peuvent également exiger que les soignants fassent des transmissions synthétiques, erreur fatale dès qu’il s’agit de faire un compte-rendu d’entretien. La parole du patient, ses mots mêmes, disparaissent derrière l’obligation de « faire court ». Des logiciels tels que Cortexte, Cariatide ou Cimaise contribuent à dénaturer les transcriptions du discours du patient, sauf lorsqu’un espace spécifique est réservé aux entretiens.   

Les infirmiers, eux-mêmes, peuvent ne pas se sentir suffisamment sûrs d’eux-mêmes pour proposer des soins d’écoute qui risqueraient de les confronter à des contenus qu’ils ne se sentent pas capables d’affronter. Ainsi lorsque Blanche, une patiente psychotique, évoque les abus sexuels qu’elle a subis dans sa famille puis auprès d’un mari pervers, les soignants préfèrent n’en pas parler et faire comme si Blanche n’avait rien dit. Cadre et médecin font de même. Les uns et les autres attendront que le traitement fasse son effet.

Nous avons évoqué plus haut le drame de Pau et le meurtre d’une infirmière et d’une aide-soignante. Tout se passe comme s’il y eut un avant et un après. Le traitement politique de cette affaire qui défraya la chronique (formation de consolidation des savoirs, tutorat, obligation d’avoir recours à un dispositif de P.T.I. –protection du travailleur isolé-, création de 200 chambres d’isolement par la circulaire Sarkozy de janvier 2009, etc.) contribua à fragiliser les soignants et à accréditer l’idée que les patients suivis en psychiatrie étaient dangereux alors que l’analyse des faits montre que le patient s’était réfugié dans un service de gérontopsychiatrie et qu’aucun des dispositifs mis en place n’aurait pu éviter le drame. A partir de Pau, il ne s’agit plus de protéger les patients de leur violence par des entretiens, des activités et une réflexion clinique acérée mais de se protéger de leurs passages à l’acte.

Faute d’être travaillé en entretien, le risque de violence est une crainte partagée par de nombreuses équipes. Un soignant, qui a peur, ne propose pas d’entretien en face à face. Il se tient à une distance telle du patient qu’il devient impossible d’aborder le moindre contenu intime. Il faudrait alors crier.

L’entretien suppose de considérer que chaque patient est susceptible d’éclairer ce qui lui arrive, ce qu’il ressent, ce à quoi il aspire. La possibilité de lui imposer isolement et contention crée un rapport de force qui nuit aux entretiens infirmiers. Comment le patient se confierait-il au soignant qui l’a piqué, enfermé, attaché ? Un soignant qui a attaché un patient peut-il l’écouter vraiment ? Se sent-il suffisamment en sécurité psychique pour le faire ? Au-delà des formations proposées, aussi brèves soient-elles, qui est prêt à assumer, en entretien, de n’avoir trouvé d’autres recours que la contrainte par corps pour contenir la violence intrapsychique qui sourd d’un patient ? Isolement et contention sont des « tue la parole ». Leur essor a érodé le bénéfice des formations à l’entretien.

Le rôle propre infirmier, peu investi par les soignants, ne les conduit pas à proposer des entretiens qui seraient pourtant indispensables pour évaluer les voix, le risque suicidaire, les mécanismes générateurs de violence, etc. Le rôle propre qui suppose des soins directs disparaît derrière la dictature des soins indirects et le despotisme des tâches administratives. Enfermé dans un bureau, l’œil rivé sur son écran d’ordinateur, l’infirmier n’est plus au milieu des patients. Il ne va plus vers eux. Il lui est donc plus difficile de proposer des entretiens.  Dans le temps plein hospitalier, les soignants passent également plus de temps à répondre aux appels téléphoniques émanant de l’extérieur qu’à prendre soin des patients hospitalisés. Les entretiens infirmiers passent forcément après les tâches bureaucratiques obligatoires.

Les soignants sont des citoyens comme les autres qui vivent rivés à leur téléphone portable. Ils ne peuvent pas guetter les nouvelles de leurs proches, au travail même, et écouter les patients. Je me souviens ainsi de ces deux infirmières rencontrées dans une policlinique d’accueil, qui devisaient toutes deux de leur repas de réveillon, l’œil collé à leur androïde. La porte de l’accueil était fermée. Aucun patient n’aurait eu l’audace de l’ouvrir. Ils étaient d’ailleurs agglutinés devant l’écran de télévision. Les collègues ne m’adressèrent pas la parole alors que j’étais dans le même bureau qu’elles.  Pourquoi écouteraient-elles davantage un collègue qu’un patient ? J’y ai pourtant passé plus de vingt minutes.

Bien sûr, la situation n’est pas partout si sombre. Nombreux sont les lieux de soins qui essaient de maintenir des dispositifs d’écoute du patient. Des séances d’analyse de la pratique accompagnent les entretiens et les transferts qu’ils occasionnent. Les entretiens motivationnels, les bilans éducatifs partagés, les entretiens réalisés dans le cadre de la psychoéducation, s’ils n’interrogent guère la relation soigné-soignant, et ne s’adressent pas à des patients en état aigu, constituent des pas dans la bonne direction. Est-ce suffisant ? Comment remettre l’écoute active au centre du soin ?

Pour réinvestir l’entretien infirmier

S’il ne nous est guère possible d’intervenir aux niveaux politiques, économiques voire idéologiques, nous pouvons être actifs à l’échelon institutionnel, collectif, corporatiste et subjectif. Chaque infirmier peut élargir son champ d’intervention, se former aux entretiens dans des formations dignes de ce nom qui permette à chacun de déplier, à son rythme, ses situations d’entretien dans un cadre suffisamment ouvert. Les groupes Balint, les analyses de la pratique, les réunions d’associations de soignants (telles que l’association Serpsy ou les associations de secteur quand elles ne reproduisent pas la hiérarchie hospitalière), les congrès offrent des espaces où poser et élaborer des situations complexes. Il est également possible de créer des collectifs de lecture clinique qui analysent les situations d’entretien publiées dans la littérature. Lorsque le temps fait défaut aux équipes, il est souhaitable de créer des E.P.P. (Groupe d’évaluation des pratiques professionnelles) centrés sur l’entretien. Les soignants les plus chevronnés peuvent y entraîner leurs collègues novices et exercer un leadership clinique. (42) Les entretiens analysés peuvent être rédigés, publiés et servir à leur tour de référence aux étudiants et aux soignants débutants. Chaque fois que des infirmiers chevronnés ou des cadres suffisamment intéressés par la clinique se positionnent comme des leaders cliniques, les infirmiers de l’établissement réfléchissent et publient. (43)

Il serait enfin souhaitable qu’un nombre grandissant d’infirmiers investissent des formations de deuxième et troisième cycle afin de fourbir les bases théoriques à ces entretiens même s’il n’est pas certain que la version médicalisée de la formation I.P.A améliore d’une quelconque façon la qualité des entretiens. Tellement peu d’infirmiers y interviennent comme enseignants que la transmission des savoirs a peu de chance de passer par ce chemin. La création d’un master de soin en psychiatrie nous semble être la seule manière de permettre le développement d’entretiens cliniques en psychiatrie.

Enfin et surtout, il nous faut investir la parole de chaque patient, nous donner les moyens de la recueillir, de la transmettre et de nous mettre en travail psychique, ici et maintenant, dans le champ d’intervention qui est le nôtre.

D. Friard, infirmier, formateur, superviseur d’équipes.

Notes :

  1. LACAN (J), Le séminaire, livre XVI, D’un Autre à l’autre.

  2. Guide méthodologique RIM-P mars 2007.

  3. Cette histoire d’émoticônes est particulièrement savoureuse. Alors que les travaux de recherche montrent tous que les schizophrènes souffrent d’hypomimie, qu’ils peinent à reconnaître les émotions lorsqu’elles s’expriment sur un visage, que leur propose-t-on pour évaluer leur satisfaction ? Des émoticônes.

  4. Au sens sociologique du terme.

  5. André Roumieux en parle dans son ouvrage, Je travaille à l’asile d’aliénés Editions Champs Libres, 1974. Il nomme ce rituel le cirque.

  6. FRIARD (D), Un entretien qui ne ressemble pas à un entretien, in Santé Mentale, n° 136, mars 2009.

  7. On lira avec intérêt le travail de Jean-Paul Lanquetin sur les aspects informels du soin en psychiatrie qui vont bien au-delà de l’entretien informel, LANQUETIN (J.P.), L’impact de l’informel dans le travail infirmier en psychiatrie, www. sidiief.org

  8. Association pour l’Etude et la Réflexion du Livre Blanc des Institutions psychiatriques.

  9. Des infirmiers psychiatriques prennent la parole. Texte présenté par le Bureau National de l’AERLIP.

  10. Guide du service de soins infirmiers, n° 1 série personnel du service de soins infirmiers, De l’intérêt d’un service infirmier de compensation et de suppléance en vue d’adapter des moyen en personnel aux besoins des personnes soignées », B.O. n° 86-2 bis.

  11. Guide du service de soins infirmiers n° 11, L’évolution des orientations en santé mentale et la fonction infirmière, B.O. n° 91.11 bis.

  12. FROBERT (A), L’écoute est un traitement, in Santé Mentale, n° 79, Juin 2003, pp. 46-49.

  13. Je n’aurais jamais imaginé en venir à regretter la disparition de ces guides qui avaient valeur de circulaire. Même s’il y aurait beaucoup à dire sur la composition des groupes de travail, ils étaient le signe d’une profession vivante qui s’interrogeait sur elle-même et produisait ses normes.

  14. LEYRELOUP (A.M), A la recherche de l’entretien infirmier, Mémoire de maîtrise de recherche clinique, Ecole Supérieure Montsouris, Université Paris XII, 1997-1998.   

  15. Les trois établissements étaient le C.H. Gérard Marchant à Toulouse (31), le C.H. de Laragne dans les Hautes-Alpes (05) et le C.H. Esquirol à Saint-Maurice (94). Les lecteurs précis pourront remarquer que les fondateurs de l’association Serpsy (Soin, études et recherche en psychiatrie) travaillaient dans ces trois établissements.

  16. Voir Santé Mentale n° …., L’entretien de crise

  17. LEYRELOUP (A.M), DIGONNET (E), Pratique de l’entretien infirmier, Masson, Coll. Souffrance psychique & Soins, Paris 2000.

  18. BEAUZEE (N), CABIE (M-C), LELEVRIER-VASSEUR (A), RYBACK (C), L’entretien infirmier en santé mentale, Relations, érès, Toulouse 2002. Il n’est pas si fréquent que deux groupes de soignants d’un même établissement publient un ouvrage sur une thématique commune. Ce simple fait montre combien cette pratique y avait été investie.

  19. MERCUEL (A), MONFORT (J.C), LAUT (B), Coll., Entretien et relation d’aide dans des situations psychiatriques ou psychologiques difficiles, Paris, Masson, Coll. Démarche soignante, 1999.

  20. MONFORT (J.C), HOURDE (I), Outils pour les entretiens d’aide et de soutien psychologique, T. I, Paris, Heures de France, 2005.

  21. MONTFORT (J.C), HOURDE (I), Outils pour les entretiens d'aide et de soutien psychologique, T.2 Paris, Heures de France, 2009.

  22. MUCCHIELLI (R), L’entretien de face à face dans la relation d’aide, Paris, ESF, 1975.

  23. LIEGEOIS (M), L’entretien de soutien psychologique, Editions Lamarre, Paris, 2003.

  24. LIEGEOIS (M), Former à l’entretien de soutien psychologique, Editions Lamarre, Paris, 2007.

  25. AGUILERA (D.C), Intervention en situation de crise. Théorie et méthodologie. Trad. M. Zeghouani, InterEditions, Paris, 1995.

  26. CHALIFOUR (J), La relation d’aide en soins infirmiers, Une perspective holistique-humaniste, Editions Lamarre, Québec, 1989.

  27. CHALIFOUR (J), L’intervention thérapeutique, vol. 2, Stratégies d’intervention, Gaëtan Morin Editeur, Québec 2000.

  28. FRIARD (D), Une nouvelle rubrique : « Tenir ensemble », in Soins Psychiatrie, n° 200, janvier-février 1999.

  29. Santé Mentale n° 65, L’entretien « infirmier », février 2002.

  30. Santé Mentale, n° 79, Approches techniques de l’entretien, juin 2003.

  31. FRIARD (D), Les carnets de bord en psychiatrie. Collection consacrée aux entretiens infirmiers.  

  32. FRIARD (D), Repères sur l’entretien d’accueil infirmier.

  33. Nous pouvons comparer avec les deux uniques ouvrages disponibles sur les isolements et contentions : FRIARD (D), La chambre d’isolement en psychiatrie : séquestration ou soin ? Editions Hospitalières, coll. "Souffrance psychique et soins". Janvier 1998. Réédition mars 2003.

  34. PALLAZOLO (J), Chambre d’isolement et contention en psychiatrie, Masson, Paris, 2002.

  35. Le développement récent de l’entretien motivationnel qui ne nécessite guère que deux jours de formation chez les soignants déjà formés à l’entretien a pu entraîner une certaine confusion dans l’esprit des décideurs. Aborder l’entretien infirmier uniquement à partir de l’entretien motivationnel est une erreur dans le sens où c’est un type d’entretien qui ne prend en compte que le changement de comportement.

  36. La qualité d’une formation et son adéquation aux contraintes de la clinique ne peut être évaluée par un organisme administratif, fût-il éclairé par des représentants syndicaux, nécessairement à distance du terrain. Seuls les cliniciens peuvent valider une formation aux entretiens. On n’écoute pas un patient psychotique comme un névrosé. La psychiatrie n’est pas la santé mentale. L’abord rogérien, ainsi que l’écrivait Rogers lui-même, atteint ses limites avec la psychose. Une formation de type rogérien sera ainsi un peu à côté, contrairement à une approche systémique ou lacanienne.

  37. L’établissement de Saint-Cyr-au-Mont-D’or (69) propose aux infirmiers qui arrivent en psychiatrie un triptyque de formations sanctionné par un diplôme remis en janvier, lors de journées consacrées à la recherche infirmière. L’entretien infirmier fait partie de ce triptyque. 

  38. BAILLON (G), Les Urgences de la folie. L’accueil en santé mentale, Gaëtan Morin éditeur, Paris, 1998, pp. 105-111.

  39. Voir les publications du Groupe de recherche en soins infirmiers du XIVème secteur de Paris. Certaines peuvent être lues sur le site Serpsy.

  40. NIQUE (M), De l’asile à l’hôpital. 50 ans de psychiatrie. Editions Champs social, Paris, 2016.

  41. Il en va des anciens médecins généralistes devenus psychiatres comme des cadres qui n’ont pas exercé cliniquement en psychiatrie, certains ont à cœur de combler le fossé qui les sépare d’un authentique exercice psychiatrique. Ils se forment, participent à des congrès ou savent s’appuyer sur les connaissances de leurs collègues. D’autres non. 

  42. Parmi ceux qui exercent ce leadership, nous pouvons citer A.M. Leyreloup, J.P. Lanquetin, P. Quinet, S. Tregouet, B. Ponet, M. Rajablat, J. Merkling, A. Benaïche, S. Moriconi, D. Friard et bien d’autres qui suscitent l’écriture d’articles de référence au sein de leur groupe d’appartenance. 

  43. Il suffit pour s’en convaincre de dénombrer les articles cliniques publiés par des soignants du C.H. Gérard Marchant à l’époque où M. Rajablat y travaillait, ou par ceux de Laragne et de Saint-Cyr-au-Mont-D’or.

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