Chroniques d'Auxerre

Chroniques d’Auxerre

(Raconté par un de ceux qui l’ont vécu, en 1974)

Jean-Pierre Vérot, jeune infirmier en 1974, a participé au mouvement de contestation infirmière du Congrès d'Auxerre. Il a rédigé deux chapitres du rapport final relatif au rôle des infirmiers et à leur formation : La violence : "Le Bon vieux Temps", une vision sans concession de la violence quotidienne à l'asile, et, "Arles 74 : toujours à propos des témoignages". C'est en tant que témoin et d'acteur qu'il nous fait pénétrer au coeur de la réflexion et des remises en cause fondatrices de cette période richissime pour le soin en psychiatrie. 

D'abord TAN !TAN !
Ces pages sont écrites à partir de notes prises ici et là, au cours de certaines réunions, dans les bars après, quelques fois au Toutankhamon (Odéon).

Il y a eu un avant Auxerre comme je l'ai dit sur le forum de SERPSY le 7 avril dernier. Bon, lorsque je dis que Jean Ayme nous a beaucoup aidés, je veux dire qu'il a su, à chaque fois, intervenir dans les réunions, sur notre demande qui était : Une meilleure, voire une autre formation pour les infirmiers en psychiatrie.
Je ne me souviens pas l'avoir entendu tenir quelque propos que ce soit sur la politique et encore moins sur son appartenance.
Tout le monde savait qu'il était très engagé (il le reste encore), mais il se référait essentiellement à la psychanalyse pour nous aider.
Alors, il y avait par ailleurs, des psychologues, des infirmiers, des sociologues qui eux, tenaient un discours politisé sur notre action. Ils étaient pour la plupart trotskystes ou dans cette mouvance. Nous, les Jean Philippe Catonné, Philippe Mangano, Jean Pierre Vérot, Eliane Debove, Stéphane Duffaux (t'as pas du feu Duffaux… ?), Jean Pierre Bakouche, j'en oublie, qu'ils me le disent et ils seront ajoutés, à vrai dire, ce qui nous mobilisait, c'était la question des soins. Oh…le moins qu'on puisse dire, c'est qu'on était pas de droite, nous étions marqués à gauche, mais nous tenions à ne pas faire d'amalgame, il nous fallait une réflexion et d'autres pratiques soignantes. Tan Tan !!

Lorsque nous le faisions remarquer en terminant cette mise au point par Tan Tan !!, nous voulions signifier que, par rapport à la complexité des " troubles " et aux réponses thérapeutiques à leur proposer, nous nous sentions un peu comme Tan, vous savez, ce patient qui s'appelait en réalité Mr Leborgne, du moins à en croire les textes, privé non pas d'intelligence mais de la coordination des mouvements propres au langage articulé : l'aphémie. Il répétait, sans cesse Tan ! Tan ! c'est tout ce qu'il savait dire.
Autrement dit :- Y avait-il un espoir, pour qu'un jour, euh…ou une nuit d'ailleurs, nous puissions avoir accès à une possibilité de nous exprimer sur les soins infirmiers en psychiatrie ?
- Si oui, dans quelles conditions ?

C'est à dire que nous devions progresser au niveau de la réflexion et de l'expression pour être, d'une certaine manière moins aveugles.

Vaste programme ! Il nous fallait du temps et une organisation. Du côté de l'orga, pas trop de souci à se faire, y avait des postulants, les membres du PCF c'est à dire des staliniens, et des trotskystes, certes moins rébarbatifs à première vue, plus chevelus, à la présentation plus esthétique, moins standardisés et je le reconnais, plus persuasifs, mais tout aussi tenaces dans la récupe.
Le PCF avait l'avantage de pouvoir s'appuyer sur les CEMEA dans lesquels ils étaient les plus nombreux. Nous là d'dans on allait faire ce qu'on pouvait dans la mesure de nos moyens, nous voulions dénoncer la violence qui était faite aux gens, violence toute à la fois institutionnelle, inutile, perverse, la violence de ce qui était appelé à tort les Asiles, qui n'avait rien d'un refuge thérapeutique, si ce n'est pour des carriéristes, gens mal dans leur peau cherchant à trouver un quelconque équilibre psychologique dans le dédale institutionnel, parasites, punaises, cafards, méchants, pauvres, déchus, ils ne manquaient que les vérolés (de ce côté-là, il semble que le réseau Internet soit bien servi). Nous voulions une autre éthique, une autre déontologie et d'autres références thérapeutiques.

Poètes, vos papiers ! Léo Ferré.


Les réunions avaient lieu à Moisselles (en principe), c'était le siège social de l'association, j'avais la facilité de la proximité Gonesse-Moisselles, les nuits étaient courtes, car on devaient, par-dessus le marché, se coltiner comme dans tous les groupes, les enjeux de pouvoir et notre objectif c'était de prendre la parole à travers des écrits dénonçant les conditions inacceptables de certains traitements pour demander une autre formation. Michel Monroy était l'un des plus présents avec Jean Philippe Catonné qui est devenu, notre permanent après le congrès d'Auxerre car l'association avait totalisé environ 300 inscriptions payantes. Les locaux que nous avions " loués " à St Bris le Vineux, était selon l'expression humoristique d'Hubert Bieser, un " camp d'entraînement des commandos du PCF ", une colonie de vacances ou l'annexe d'une C.O.P. quelconque quoi !
Rapidement, dans les réunions, nous nous sommes trouvés en difficulté car même, en ayant lu Goffman et Foucault, il nous manquait des billes au niveau des connaissances sociologiques sur l'histoire des institutions dites " thérapeutiques " en France et ailleurs, surtout en GB, Italie et Allemagne. Alors, nous sommes partis à la recherche de documents et nous allions assister sur nos jours de repos, à des conférences, colloques, journées qui pouvaient nous apporter des infos.

C'était débordant, car on nous servait de la psychanalyse, du Lacan, du Bateson, du Kraeplin, A. Mayer, les pétards à Moreau de Tours et puis Foucault Foucault Foucault, qui écrit le surveillant Piersin au lieu de Pussin, etc. On était en formation quoi ! Klein-deuil, Ornicar, l'Evolution Psychiatrique… Nous avons fait des choix, les aliénistes français et leurs positions respectives sur l'architecture et la façon de concevoir les soins, on parlait du couple " infernal " Pussin-Pinel et une polémique s'était engagée sur lequel des deux avait réellement fait tomber les chaînes ?

Pour nous, elles n'étaient pas tombées, le silence qui régnait autour des conditions de soins et le consensus médico-social, même dénoncés autour des mauvais traitements, les chaînes de l'impunité me donnaient la nausée, le " Vas j'te les abandonne " de Couthon adressé à Pinel, tracerait paraît-il, une ligne de démarcation politique, sorte de pacte mesquin de non-ingérence.
Lorsque je prenais mon service, à peine avais-je franchi la porte, il y avait un malade qui disait souvent " A bat les bicots ! ", une autre le reprenait : " tu peux pas te taire, t'as pas honte ", " Elle a raison, pourquoi vous dites cela ? " lui dis-je, mais il se courbait comme un serviteur " Oui, a bat les bicots " rajoutait-il avec la condescendance d'un serviteur.
Le chef de service, Pierre Mondoloni avait reçu le patient et lui avait expliqué qu'il refusait que de tels propos soient prononcés dans son service et qu'au demeurant, si cela devait se reproduire, le patient se verrait contraint de quitter le service.
On n’a plus jamais entendu " Abat les bicots !"
Je me disais que " certains malades " étaient des gens comme tout le monde et qu'ils n'avaient pas leur place à l'hôpital.

Au début, on parlait des mailles du silence, l'émail des faux sourires, y avait des mordus, y avait des chiens, ça clopait, fréquemment quelqu'un se levait pour dire qu'il n'était pas d'accord. Y avait des gens sympas qui reprenaient avec nous ailleurs, au bistrot, dans l'après-coup, de ce qui avait été dit pour l'expliquer, je prenais des notes. On découvrait les culs de basses fosses des sous-entendus. Y avait quelqu'un qui s'appelait Jospin, mais c'était pas lui, c'était une femme, psychologue qui parlait beaucoup, finalement tout le monde avait l'air d'en chier, c'était facile pour personne. L'axe de la formation des infirmiers nous paraissait une priorité avec le non recrutement de certains profils psychologiques : impulsifs, psychopathes, névrose invalidante, psychorigidité, personne ne bronchait. D'autres pensaient qu'il fallait revoir l'ensemble du dispositif, des pour des contres, des silencieux, des antipsychiatres, des psychanalystes, des philosophes, poooouuuu………
On parlait de ceux qui écrivaient le résultat des parties de tarot sur le cahier de rapport, d'autres qui écrivaient au crayon de papier, et rentrés chez eux, ils téléphonaient aux veilleurs : " Non ça tu l'effaces et laisses, demain je verrais… "

Je lisais à temps perdu…tout ce qui me tombait sous la main concernant notre sujet, et d'abord l'article sur la formation des infirmiers lors du colloque du groupe de Sèvres
Il fallait faire gaffe parce que dans certaines réunions, il y avait des costauds d'la socio et psycho qui nous reprenaient facile.

Mais on s'aimaient. Quand y avait pas réunion, direction Paris et un soir, on est allé voir au Pavillon Baltard Léo Ferré : " Poète vos papiers ! ", il hurlait " PAPIR !! " comme un mec de la gestapo, " DOCUMENTI ! ! " comme un carabinier mussolinien, " Vos papiers… " comme un couard collabo du terroir français, couvrez-moi du béret de la haine pour aller jusqu'au bout !

On lisait par exemple les recommandations de Parchappe sur les principes à suivre dans la fondation et la construction des asiles d'aliénés, la thèse de Paumelle sur l'agitation, et puis on avait du St Alban à domicile, tous les jours, en entrée, plat de résistance, au téléphone, dans les poches, les casses croûte au St Alban, le café au St Alban, radio Fleury les Aubrais, Gentis, les murs de l'asile, la psychiatrie doit être faites et défaite par tous, il rêvait à l'époque du jour où il n'y aurait plus de psychiatres, c'était sur cette question, un visionnaire.

Nous avions pour la plupart d'entre nous, un projet d'article pour le Livre Blanc et, c'était libérateur, écrire et lire avec les yeux, j'ai commencé à lire autre chose que de la psy. Et oh, surprise, j'apprenais mon métier, je n'en revenais pas, je découvrais la souffrance psychique des gens, enfin, des types ou des nanas comme les autres, c'est à dire que des autres me permettaient de rêver réellement, de mieux me représenter ce que pouvait être une souffrance psychique, l'espace de la rêverie, la fonction alpha disent les techniciens, moi je dis la fonction du bien, j'étais transporté par le thé au jasmin, j'avais l'impression que quelque chose venait de commencer pour de bon, qui ne s'arrêterait jamais, j'étais simplement libéré, j'avais écrit, j'avais dit, j'avais lu que des gens écrivaient qu'ils souffraient, Maupassant, Kafka, Thomas Mann, Hemingway, Malraux et le reste… Romain Gary…, un jour, l'étranger, je me suis assis, j'ai saisi quelque chose de la psychopathologie, du tueur froid, glacial, celui qui reste imperturbable, ça ne vous rappelle pas un événement récent ? J'ai compris un peu mieux à mon niveau ce que pouvait être la désafférentation, l'indifférence affective. Peu importe ce qui lui arrive, il a décidé de se séparer de ce qui le hante depuis des années.
Je comprenais qu'il fallait du temps pour avoir conscience d'une certaine façon, de la souffrance de l'autre, je pigeais un peu ce que voulait dire s'identifier, projeter, déprimer, délirer. Poètes, vos papiers !

Je tiens à préciser que je ne suis pas la mémoire de l'AERLIP. Il serait souhaitable que d'autres personnes apportent leur témoignage sur cette période, même si elles n'étaient pas directement engagées dans l'AERLIP.


JP Catonné, est médecin psychiatre au CHS de Clermont de l'Oise.

Ph. Mangano est infirmier à l'EPS Maison Blanche, Avenue J. Jaurés, 93330, Neuilly sur marne.

J.P. Bakouche, psychologue, est à la retraite (JP Catonné pourra peut-être transmettre ses cordonnées).

Eliane Fontanille (E. Debove), cadre infirmière, pavillon Nivose, EPS Perray Vaucluse, 91000, Epinay sur orge.

Stéphane Duffaux est aux dernières nouvelles, infirmier à Moisselles.

M. Monroy est à la retraite, si j'obtiens des nouvelles, je vous en informe.

J. Gérardin : idem.

Tous deux étaient chargés du rapport au congrès d'Auxerre.
Reportez-vous aux documents qui ont été publiés pour obtenir davantage de références.

Numerisation 20200522
 

Café noir et ordinarire jaune


Un matin, j'avais RDV chez Jean Philippe Catonné, je lui ai parlé du discours de John Kennedy qui s'indignait dans les années 62-63 du surencombrement des hôpitaux psychiatriques aux USA. Jean Philippe en avait entendu parler mais il n'avait aucun document là-dessus. Il disait qu'il fallait être réservé sur les bonnes intentions des dirigeants, éventuellement disposés à donner davantage de moyens aux psychiatres, pour que le rejet des malades disparaisse. Le rejet s'exprimerait d'une autre façon selon Catonné.

La prévention permettrait de réduire certaines conséquences du versant déficitaire de certaines psychoses, " les chro…chro…niques " disait-il en riant, mais il craignait que celle-ci (la prévention) soit l'équivalent d'une attitude de fuite ou une illusion devant la réalité des problèmes posés par les psychotiques, un mécanisme de défense quoi !
C'qui faudrait, c'est une alternative à la police en assumant une présence soignante dans la communauté, au moment de la crise, avant que le mécanisme de l'internement ne se déclenche.

Internement c'est comme dément dans le langage des non professionnels, ça peut durer très longtemps même en dehors de l'hôpital ! Les représentations de l'imaginaire social ne se modifient pas au même rythme que les représentations des professionnels de la psychiatrie.


Café… ? Oui vas-y…café.

Dehors, il faisait beau. J'avais déjà beaucoup d'attention pour Jean Philippe et je n'oublierai jamais ses dispositions à écouter, proposer, aller, venir, défendre, polémiquer.

Nous reprîmes la discussion sur la psy en prenant le café.
Je crois que c'est plutôt la non disponibilité matérielle et psychique des soignants, qui contraint les intervenants à repousser les appels vers les services sociaux ou la police (JP Catonné).

Ensuite on a parlé des articles en préparation, c'était la première fois que j'écrivais, enfin que je témoignais, j'avais davantage le sentiment de parler que d'écrire, j'écrivais ce que je ne pouvais pas dire, dès fois ça courait sur la feuille, à d'autres moments je me disais que je risquais d'avoir des ennuis, j'avais les chocottes. Je revoyais les malades sur fond gris avec écran de fumée, masses, crânes rasés, pseudonymes, sobriquets, stéréotypies, décès, clés, froid, fureurs, promenades, camp, cris, ils mangeaient ce qu'on leur donnait de la gamelle, je passais entre les tables, j'avais un ailleurs, d'autres avaient la hiérarchie comme projet.
Moi…ma carrière, mes échelons, ma place de surveillant et si je peux, surveillant chef et…pour ça, il fallait calculer : quel service, que dire et à quel moment, devant quel chef de service, soutenir quelle position, prendre une carte à quel syndicat ?
Mes malades, mon pavillon, mon ambulance ? Elle est arrivée, mon ambulance ? Et mes haricots, ils sont bons à midi ?
Il était fier, il avait quelque chose à lui, rien ne lui échappait et tenez-vous bien, c'était un surveillant bien vu par l'administration, il veillait sur le bien, tout est à moi, rien n’est à eux. Il y avait d'autres profils, davantage clinique, psychanalyse et ce qui va avec, ça causait, causait, et d'autres faisaient le boulot ; c'est à dire les bains, les chambres, les repas, les médocs, le linge, courir après ceux qui s'échappaient, et ça causait…ailleurs…

Et puis certains causeurs devenaient surveillants et on les entendait moins causer, le médecin chef avait changé, c'était plus la psychanalyse mais, de la rigueur pharmaco, la réunion hebdo était devenue quinzo avec l'ordo du causeur d'autrefois, de telle à telle heure et la raison allait au dernier qui avait parlé, le mot de la fin, c'était le moment de se barrer. Rien ne changeait. On guettait les " conneries ", RDV manqués, dossiers égarés, informations imprécises ou erronées, le manque de respect entre collègues, les disparitions diverses, des clés ah ! Sacrilège ! Nourriture, linge, TV, des meubles, vaisselle etc., le planning c'est la Bible, c'est sacré, on le scrute comme un manuscrit de Qumram, du blanc, des ratures, encore du blanc, encore des ratures, des rajouts, mais c'est par là, semble-t-il que passe la paix.
Pour moi, le Livre Blanc, c'était ça, toutes les conneries du quotidien, le Livre Blanc de la violence qui est faite aux gens, je le répète, premièrement la violence de mettre des gens (soignants-soignés) sans formation adéquate, effectifs insuffisants, violence individuelle tenant au caractère ou la personnalité de certains professionnels, infirmiers, médecins, et autres…
Violence des silences comme réponses ou mépris adressés à l'autre, ignorance feinte, ah…ce sont des gens fragiles, tu peux pas les secouer comme çà…et pourtant, il existe des soignants silencieux qui, tous les jours affrontent, sans rien dire, la réalité des soins avec son lot licencieux de décisions personnelles, les sans compte à rendre…je l'ai bouclé !! et qu'on vienne me dire quelque chose… ? Demain je n'viens pas… !! Démerdez-vous !! J'en ai marre, moi aussi… !!
Ca y est, la violence est installée, elle agit, les patients perçoivent très bien ce mode de fonctionnement, ça leur fiche la trouille, surtout à ceux qui ont besoin d'être rassurés, de savoir, que selon tel ou tel, il y aura ou pas, ses cigarettes, un pyjama, à manger, entretien, accueil, pansements, activités….
Violence à l'origine des sans-papiers, sans domicile, combien de patients arrivent après la politique de la terre brûlée, ils n'ont plus rien et on nous demande en 4 ou 5 semaines (DMS oblige) de reconstituer, de suivre en CMP, d'évaluer, d'accompagner…accompagner qui et quoi ?
A cri dit té !! Accréditez le cri de la psychiatrie !! Le prix de son autopsie !!
RDV en stomato au centre hospitalier général :

Ah…c'est d'la psy… ?

Aux urgences : encore un psy… ?!

R'garde le lui, sur c'est un psy !! Aussi dingue que les malades !

Voilà la violence ordinaire, celle qui finit un jour ou l'autre par un événement extraordinaire, soignants agressés ou tués, la liste commence a être longue, exemple, St Jean de Bonnefonds, Vinatier et tant d'autres comme ce patient qui a menacé, dans un hôpital de l'Essonne, un infirmier avec un revolver posé sur la tempe, et tant d'autres agressions qui se font par exemple au cutter…

Voilà la violence ordinaire comme ces patients qui dorment par terre dans certains pavillons parce…les médicaments…la maladie…l'aspect peu attirant…le manque de personnel…la lassitude de ceux qui restent…2 malades devant la TV, une autre à la vaisselle, trois au salon fumeur, cinq dans leur chambre, le téléphone sonne, un malade veut son argent, un autre a mal à la tête, le médecin cherche un dossier, vite il faut aller au dispensaire, la psycho qui arrivera en retard, un malade qui cogne à la porte de " sa chambre d'isolement ", les médocs à préparer, le téléphone qui sonne, un questionnaire à remplir sur l'appel des renforts pour la période du temps au temps, un malade qui veut le jeu d'échec, une admission, on ne retrouve plus les papiers de madame untel, une autre demande sa sortie, une infirmière lui explique qu'elle est en HDT…insultes, menaces, crachats, bousculade, les patients s'écartent, c'est la peur………c'est la chronique ordinaire de la vie quotidienne de certains services, certainement plus nombreux qu'on ne le pense, le téléphone sonne, c'est le frère d'une patiente qui menace de venir tuer tout le monde si on ne laisse pas sortir sa sœur, c'est l'ordinarire jaune du quotidien des soignants en psychiatrie.
Qui c'est le chef de service ici ? C'est untel…on le voit pratiquement jamais, il vient rarement, c'est le Dr Untel qui s'occupe du pavillon.

Les réunions… ?

Pff…y en a beaucoup moins, une fois sur deux elles sont supprimées parce qu'on est de moins en moins, la dernière on était quatre, moi…, la stagiaire…, l'aide-soignante…et la psychomotricienne qui vient tous les mercredis après-midi pour faire un groupe, on a attendu le médecin pendant ½ heure, il a parlé d'un patient suivi à l'extérieur pour que la psychomotricienne essaye de le prendre en charge, et il s'est barré.

Je tiens à préciser que tous les éléments que je rapporte, sont construits à partir de notes et je tiens compte de la réalité d'aujourd'hui, parce que l'histoire serait un mensonge, si elle ne permettait pas d'expliquer d'une certaine manière le présent.

Elle serait un simple plaisir narratif sans intérêt réel pour les pratiques, si elle avait un rapport éloigné avec les faits d'aujourd'hui.

(A suivre !)

Jean-Pierre Vérot, 2002. 

 

 

Date de dernière mise à jour : 22/05/2020

Commentaires

  • benjamin villeneuve
    • 1. benjamin villeneuve Le 03/07/2020
    Formidable témoignage d'une grande valeur historique. Si je ne me trompe pas le texte date de 2002 et les éléments de contexte relatés sont malheureusement d'une triste actualité. Merci à Mr Vérot.
    • serpsy1
      • serpsy1Le 05/07/2020
      Et bientôt la suite des aventures de Jean-Pierre à Auxerre ... Un texte qui date de 2002 effectivement mais qu'il est bon de relire pour en voir la triste actualité.

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