Travail sur le jeu de rôle. Nadine Gronchy, Jean-Louis Piquet

Travail sur le jeu de rôle

Nadine Gronchy, Jean-Louis Piquet

Jeu de role

Parler du jeu de rôle devant vous, c’est très impressionnant.
Espérons que notre pratique de cet exercice va nous permettre de contenir notre émotion car il se pourrait qu’il s’agisse bien de cela en fait aujourd’hui... Se dire que c’est un jeu, que rien ne pourra nous arriver en s’adressant à vous. Le jeu... Jouer une situation où le personnage que l’on incarne peut-être odieux, coléreux, stupide ou tout simplement doux et amoureux sans que tout s’écroule autour de nous. Quel soulagement! Les toutes premières fois nous sommes encore un peu timides puis on se lâche, on se laisse remplir par le sentiment à jouer en s’appuyant sur ce que l’autre nous donne. C’est un échange, le jeu vit, les autres rient, le plaisir est là.
Tous les jeudis, quelques personnes (patients et soignants) se réunissent pour l’atelier. La séance commence à une heure précise connue de tous. Les participants à ce groupe viennent de différents lieux de soins, notamment d’unités d’accueils. Il est donc fréquent que certaines personnes ne se connaissent pas. Il est important qu’un climat favorable au jeu s’installe dans le groupe. Là est notre première difficulté. Lors de la présentation des personnes au groupe nous soulignons les prénoms. Nous essayons de faire en sorte que les personnes n’occupent pas ce temps de rencontre avec leur problématique. Quand certains s’obstinent dans cette voie les habitués généralement ne le supportent pas et le disent d’ailleurs au groupe, rappelant qu’ils sont là pour le plaisir. Ils proposent des thèmes, des situations à jouer comme pour exorciser leurs périodes de grandes souffrances. C’est le groupe existant depuis plusieurs semaines qui donne la couleur de la séance. Parfois c’est plus difficile car certains arrivent en groupe soudé, généralement d’un même lieu de soin, ne permettant pas l’échange avec le reste du groupe; au mieux nous assistons à des départs prématurés, au pire des agressions: cela nous est arrivé lors du jeu que des personnes agressent une participante, nous avons arrêté le jeu in extremis. Les éléments précédant l’événement ne nous ont pas permis d’identifier clairement ce qui allait se passer, la situation nous échappait et ce n’est que lors de la reprise (en fin de séance entre soignants) que nous avons pu donner du sens à ce qui s’était passé. Le jeudi suivant, comme il avait l’habitude de se dérouler, l’atelier n’a pas eu lieu. Les participants n’étant pas au rendez-vous, nous avons dû les chercher dans tout l’hôpital. Certains ont finalement fini par venir exprimant leur malaise à l’égard de ce qui s’était passé. Le groupe était brisé. Cette expérience a nourri notre réflexion. Il nous a paru indispensable de donner des consignes précises de jeu à chaque acteur afin d’éviter d’autres dérapages. Revenons au déroulement de l’atelier. Après les présentations, chaque participant propose une situation réelle ou imaginaire. Le plus fréquemment les anciens dynamisent ce temps de parole. Un vote est effectué sur le choix du sujet à jouer. Il y a une distribution spontanée des rôles dans le groupe. La seule règle étant qu’il est impossible de jouer son propre rôle, dans le cas où une situation réelle déjà vécue aurait été choisie. Ceci pour assurer que le jeu reste un jeu et donner la possibilité d’offrir à l’auteur de la situation retenue un autre scénario. L’espace géographique de la salle est partagé en deux: un côté réservé au jeu et l’autre au public. La scène se joue puis les membres du groupe (acteurs et spectateurs) partagent leurs impressions. La séance se termine. Les soignants rédigent une synthèse soulignant la place et l’évolution de chaque patient dans le groupe et travaillent l’éventuelle problématique d’une personne, posée dans la situation qui a été jouée. Un psychologue, qui est l’observateur du groupe pendant l’atelier, participe à l’élaboration de ce travail de synthèse. Voilà en quelques mots le déroulement de l’atelier.
Certains d’entre nous interrogent, à juste titre, le groupe des référents de l’atelier sur le sens de notre travail. Que faisons-nous? Est ce uniquement du plaisir? D’autres disent être perdus, ils ne saisissent pas ce que l’on travaille avec le patient, cela semble trop abstrait. Les plus anciens nous rappellent que lors de la mise en route de l’atelier, l’activité était destinée tout particulièrement aux patients psychotiques. L’objectif étant de travailler essentiellement par le jeu, les difficultés de la vie quotidienne, difficultés annoncées par ces personnes ou observées dans l’unité. Le thème ainsi repéré par les soignants est plus facilement exploitable. L’arrivée d’autres référents, ayant déjà une expérience du jeu de rôle dans un autre lieu de soin accueillant plus des problématiques névrotiques, a modifié quelque peu le cadre. Encouragés par d’autres patients le jeu s’est ouvert sur l’imaginaire. Il en découle une situation plus complexe à jouer où il est plus difficile pour certains patients de s’inscrire. Le jeu se dégonfle et devient inexistant, paralysant la scène à jouer. Il semblerait que certains aient d’énormes difficultés à imaginer une situation fictive ou à jouer un rôle social différent.
Toutes ces questions nous nous les posons: qu’est ce que le jeu de rôle ? Qu’est ce qui serait thérapeutique là dedans? Qu’est ce qui serait socialisant ? Sans parler de ce qui nous échappe...


Le jeu de rôle tel que nous le pratiquons est très proche du théâtre. Il y a une pièce adaptée d’une histoire, il y a des acteurs qui vont jouer de rôles, il y a des spectateurs. Au moment de jouer le groupe se scinde en deux, les acteurs rejoignent la scène et si nécessaire installent des accessoires et le meneur de jeu, qui est un soignant, va en coulisse. Un dernier instant de respiration, parenthèse de début, et le spectacle commence: il se déroule, se clôt, les acteurs se tournent vers les spectateurs qui, ravis, applaudissent, fermant la parenthèse. Les acteurs rejoignent le groupe et la discussion commence, en général par des félicitations aux acteurs.
Pourtant nous ne sommes pas tout à fait au théâtre. Il v a deux personnages autres, l’observateurun soignant qui va s’efforcer de noter des gestes, des regards, des mimiques, des propos... et une psychologue, spectatrice particulière des patients comme de nous mêmes. Et pour nous, il y a un avant et un après particuliers, deux temps, préparation et reprise, qui entourent l’heure de l’activité. Pendant cette heure singulière qu’est ce qui ce passe? Comment le restituer ? Le jeu de rôle c’est un peu comme le rêve. Dans le rêve il y a des choses tangibles, des images, des histoires, un peu compliquées parfois dont je garde trace au réveil, et puis il y a du latent. Dans le jeu de rôle il y a ce qui est donné à voir, à entendre de la réalité, du quotidien, et puis il y a du latent, des investissements, du transfert. Peut-être tenons-nous là une piste de réflexion qui distinguerait le socialisant du thérapeutique. Réinterroger nos rencontres du jeudi, questionner les séquences, qu’est ce qui se passe ici ? Qu’est ce que tout cela raconte? Qu’en est-il des histoires qui se jouent? Est-ce qu’elles naissent ici pendant la rencontre ou bien est-ce l’écho, la continuité de quelque chose qui s’est noué ailleurs, avant?
Corinne a ce moment là a des béquilles pour marcher. Quand elle se sent à l’aise, elle pose ses béquilles à côté d’elle, quand elle est en attente les béquilles sont devant elle et quand elle est en opposition, elle s’appuie dessus en baissant la tête.
Dans le réaménagement du jeu de rôle elle trouve une place pour pouvoir participer avec toujours le rejet des thèmes sur le vécu mais elle s’autorise à affirmer sa position car c’est reconnu dans les règles. Elle propose des thèmes:

-    deux couples dont le mari d’un couple pique la femme de l’autre.
-    un repas familial le jour de Noël (c’est son seul thème qui a été joué).
-    deux sourds-muets qui se font arrêter par les flics en état d’ébriété.

Elle est toujours volontaire pour jouer et quand elle joue, elle est dynamique, elle vient souvent en aide aux autres acteurs (ex. : le dragon qui est tué et Corinne dit en se relevant il n’est pas mort puisqu’un c’est dragon à trois têtesLa voyante, quand elle aide Annie à trouver des solutions en la rassurant par sa voix et des gestes).
A toutes les fins de séance, elle dit 
je ne sais pas si je reviens la prochaine fois et elle revient à chaque fois. Elle refuse de revenir au jeu de rôle quand la psychologue arrive au mois de janvier. Elle explique que Marie-Françoise la voit en entretien et qu’elle ne veut pas que cette dernière l’analyse pendant l’activité. Les soignants lui précisent que la porte reste ouverte.
Aujourd’hui Corinne est de nouveau hospitalisée et demande à revenir à l’activité. Elle y est revenue hier.

Rappelons que les patients participants à ce, groupe sont choisis sur indication des soignants des différentes unités, ces indications sont souvent infirmières et parfois médicales. Rappelons encore une fois que ce groupe est avant tout convivial, chaleureux, les patients y viennent pour échanger, communiquer, parler d’eux et de leurs problèmes quotidiens ou autres. On peut y vider son sac comme ils disent (Danièle le disait souvent). Ils v viennent pour RIRE. Ce groupe n’a que six mois et nous nous posons beaucoup de questions.
En observant nos comptes rendus des séances, un grand nombre de thèmes choisis traitent des relations entre les soignants et les soignés.

Dans cette catégorie les thèmes autour du traitement, allant du scénario de refus à la modification de forme ou de fond d’un traitement, sont des sujets fréquemment retenus.
Ex: François très anxieux quant à son injection retard, il décrit des effets secondaires importants, démesurés, deux à trois jours après l’injection. Ceux-ci durent 24 heures. La dernière fois François a avalé son semainier et se retrouve en réanimation. Quelque temps plus tard, François propose le thème d’une personne qui demande l’arrêt de l’injection retard à son médecin et le sujet est choisi. François fera le médecin (car il ne peut pas faire son propre rôle). Dans le jeu, dès que le patient demande la suppression de l’injection le médecin lui accorde avec un large sourire, L’infirmier (le 3éme personnage) indique que le traitement peut-être important pour l’état de la personne (consigne précise). Le médecin (François) dit au patient 
on arrête l’injection et l’on prend un traitement en comprimé pour pouvoir continuer à vivre dehors. Voilà le jeu s’arrête mais le groupe échange à ce propos, le traitement, son utilité, les craintes de l’injection...
Le traitement médicamenteux c’est aussi peut-être le premier pas vers l’insertion?
Autres situations multiples décrites: les abus de pouvoir des soignants. Fred lui, qui est calme, toujours réservé, pudique vient témoigner (même si son sujet n’est pas choisi). Une infirmière l’aurait traité de tous les noms parce qu’il avait plié son bras et que la perfusion ne passait plus. Fred est blessé, dénonce le mépris et réclame le droit au respect.
Soins et injections nous amènent à penser à un autre Fred personne imposante quant à sa morphologie, qui a une toute petite voix et qui n’ose pas exister pleinement s’excusant d’être là. Une de ses grandes difficultés est son impossibilité de dire non à quelqu’un ou devant une situation. Cette question est régulièrement travaillée avec lui dans différentes scènes et sous différentes formes. S’affirmer, pouvoir dire non avant qu’il arrive des choses violentes et irrémédiables.
Je me souviens la première fois que j'ai participé au jeu de rôle, j’ai joué une scène avec Fred, le sujet était deux amis qui se retrouvent après dix ans d’absence. En fait l’un sort de prison et n’a plus rien et veut exploiter la situation des retrouvailles ainsi que la crédulité de son ancien ami. Fred à cette époque disait oui à toutes les propositions (dans le jeu). Le groupe lui fit remarquer. Dernièrement Fred essaye de se positionner différemment dans les scènes à jouer et essaye de s’opposer à l’autre. Fred a proposé une situation où il devait acheter un sac de sport. un vendeur le conseille sur le choix. Fred n’était pas convaincu et a acheté un autre sac qui lui plaisait mieux.


 

LATENT

SOCIAL-SOCLALISANT

DAVID

Oui mais qu’est-ce qu’il investit? Pourquoi vient-il ? Il y a quelque chose de singulier entre David et Nadine....
Histoire de Méreuil...

Quand David vient au jeu de rôle il est ponctuel il tient son engagement Il est sociable attentif aux autres, il a du tact.

CORINE

Présente. . . mais muette, hostile parfois dans ses attitudes, angoissée souvent Pourquoi venait-elle?




Oui mais elle, elle proposait toujours des histoires vraies qu’elle avait vécues. Et I puis elle ajoutait oh laissez tomber c’est pas intéressant .






Corinne ,Nadine l’a rencontrée avant le jeu de rôle et la première fois où elles étaient ensemble, Corinne est venue s’asseoir à côté de Nadine, même coupe de cheveux. Corinne a fait remarquer à Nadine qu’elles portaient les même chaussures et au moment des représentations Nadine dit nadine infirmière au Club et Corinne dit Corinne idem au Foyer

C. est venue pendant des mois au jeu de rôle à. reculons mais présente à l’heure.
Quand nous avons modifié le cadre, quand nous avons parlé de pouvoir jouer des histoires imaginaires, des contes, elle s’est réveillée elle a joué.





Quand venait le moment de choisir les rôles elle était toujours partante. Une fois en scène elle investissait son rôle avec brio. Souvent elle a été moteur du groupe, redynamisant le jeu en proposant des solutions, des rebondissements.




Le 17 Mars 2000 : Jean-Louis PIQUET (infirmier) et Nadine GRONCHY (infirmière) C.H.S Laragne

Date de dernière mise à jour : 13/11/2020

Ajouter un commentaire