L'approche comportementale et cognitive

Approche comportementale et cognitive

Le comportementalisme est un courant issu des travaux et des prises de position de J. Watson qui proposa en 1913 une psychologie scientifique et objective, limitée aux seuls phénomènes observables que sont les réponses de l'organisme aux stimulations de l'environnement. Dans cette optique, le comportement pathologique doit être considéré comme une réponse inadaptée et apprise. C'est l'inadaptation qui donne au comportement son caractère pathologique. Ces symptômes, une fois acquis, persistent  s'ils sont renforcés. Au contraire, en l'absence de renforcement, les comportements pathologiques peuvent être amenés à disparaître. Ces processus d'extinction expliqueraient, les cas de rémissions spontanées observées dans un grand nombre de névroses (Eysenck).

Le but des thérapies comportementales est de « déconditionner » le sujet, en provoquant l'extinction du comportement pathologique acquis et son remplacement par un comportement plus adapté. Ces techniques connaissent actuellement un développement important, essentiellement dans les pays anglo-saxons.

Chien de pavlov

L'étude en laboratoire des mécanismes de l'apprentissage animal et humain a permis de dégager un certain nombre de principes et de lois qui se sont révélés applicables en thérapeutique. Le conditionnement répondant (ou pavlovien) établit une liaison entre un stimulus neutre et une réaction inconditionnelle. Dans le conditionnement opérant la réponse est émise par le sujet et sélectionnée ou modulée par le milieu. L'apprentissage vicariant se fait par imitation d'un modèle. Ces trois modes d'apprentissage comportent différents phénomènes communs soumis aux mêmes lois : relations temporelles spécifiques et répétition des stimuli, discrimination, généralisation, renforcement, extinction des réponses. L'extension de ces recherches à l'apprentissage social humain a amené depuis vingt ans une prise en compte des comportements «couverts» mais accessibles à l'étude objective et modifiables indépendamment du milieu (courant cognitiviste).

Les méthodes thérapeutiques sont très diverses mais elles restent soumises à des impératifs communs tels que l'analyse détaillée par le thérapeute et par le patient des comportements cibles et de leurs conditions internes et externes de survenue, l'établissement d'un protocole, voire d'un contrat, définissant les objectifs de la cure et ses modalités et une évaluation méthodique du changement obtenu pendant et après la cure.

Parmi les méthodes classiques, citons la désensibilisation systématique qui consiste en l'apprentissage progressif d'une  réponse incompatible avec l'anxiété dans les situations habituellement anxiogènes pour le sujet, l'immersion, où l'extinction d'une peur apprise par l'exposition directe et prolongée au stimulus anxiogène en supprimant la réponse d'évitement qui en empêchait l'extinction.

De développement plus récent, les méthodes assertives cherchent à développer l'efficience et la communication sociale en utilisant des techniques de groupe où interviennent l'imitation des modèles, la désensibilisation, le contrôle émotionnel et les modifications cognitives. Les techniques cognitives visent à apprendre au sujet à intervenir sur ses schèmes de pensée, ses images mentales et ses sentiments (autocontrôle et sensibilisation interne) et à modifier ses croyances irrationnelles ou ses distorsions logiques lorsqu'elles retentissent de façon négative sur ses pensées et ses conduites.

Les programmes intégrés de renforcement cherchent à modifier les comportements des schizophrènes très régressés en institution. Intégrés au programme de soins ils peuvent jouer un rôle important dans le réapprentissage de conduites socialement adaptées, et par là limiter le handicap et l'appauvrissement relationnel.[1] Inspirés par le psychiatre américain R.P. Liberman, M. Marie-Cardine et O. Chambon ont adapté au contexte français des techniques anglo-saxonnes de réadaptation sociale pour les patients psychotiques chroniques. [2] L’évaluation des habiletés sociales de ces patients permet dans un premier temps de repérer les domaines du fonctionnement social dans lesquels les déficits sont les plus marqués, les rôles sociaux les moins bien remplis et les motivations du patient au changement. On différencie les habiletés de communication, les habiletés fonctionnelles et les habiletés de traitement de l’information. L’Entraînement eux Habiletés Sociales (EHS) est une méthode cognitivo-comportementale de réadaptation sociale. Elle combine des techniques d’entraînement à la communication et des techniques cognitives diverses dont la principale est l’entraînement à la résolution de problèmes. Les séances d’entraînement à la communication consistent à construire pour chaque patient du groupe, une scène qui simule une situation sociale problématique afin d’améliorer progressivement par des jeux de rôle, les actions et réactions du patient dans cette situation. Ainsi, au lieu de réagir de façon stéréotypée et inadaptée, le patient va apprendre d’autres manières de faire face à la situation.  Face à chaque situation le thérapeute et le patient, en collaboration vont décider d’un objectif à atteindre qui soit fonctionnel, utile pour l’adaptation à la vie quotidienne, spécifique et clairement précisé, conformes aux droits et responsabilités du patient, réalisable et réaliste selon le contexte. Afin de modifier le comportement du patient, le thérapeute utilise plusieurs techniques : le renforcement positif, l’utilisation de modèles, le jeu de rôle comportemental, le façonnement ou shaping, l’utilisation d’un souffleur et des directives verbales ou non-verbales de mise en scène (prompting, coaching), et des techniques favorisant la généralisation de l’apprentissage.

L’approche cognitive naît dans le sillage de l’approche comportementale mais s’enrichit de la psychologie sociale, de la phénoménologie, de la théorie des systèmes, etc. elle se développe parallèlement aux avancées de l’informatique. Elle part du postulat que les processus de pensée (conscients ou inconscients)  peuvent faire l’objet d’une investigation scientifique et d’une démarche expérimentale. L’information, les représentations qu’elle engendre, les systèmes logiques qui en découlent peuvent être modélisés. Le psychisme peut alors être considéré comme un système fonctionnel qu’il est possible, en thérapie, de travailler en s’appuyant notamment sur les croyances, les logiques intérieures comme les événements. Les thérapeutes s’appuient sur le concept de « schéma » cognitif à la base de la construction du psychisme. Chez les patients psychotiques, le contenu des « croyances de base » (formulations inconscientes incluses dans les schémas cognitifs dysfonctionnels) relève de thèmes d’incapacité, d’impuissance, de rejet, de menace ou directement d’invisibilité. La vulnérabilité cognitive résulte de ces croyances extrêmes, rigides et impératives qui sont responsables de la formation des idées délirantes ou des hallucinations. Les objectifs généraux d’une psychothérapie cognitive des psychoses consistent à améliorer les possibilités de réalisation personnelle des patients. Il faut, pour cela, changer la façon dont ils se ressentent eux-mêmes et dont ils perçoivent autrui (autrement dit de les aider à modifier leurs schémas cognitifs). Ils pourront de cette façon modifier leur manière de réagir aux situations difficiles en améliorant leur connaissance d’eux-mêmes et leurs habiletés sociales. Ils pourront au terme du processus adopter une vision plus réaliste de leur avenir. Chambon, Perris et Marie-Cardine décrivent les étapes du traitement.[3] Les premiers stades de la thérapie consistent tout simplement à permettre au patient de devenir de plus en plus conscient de la présence et de l’influence de ses pensées automatiques, notamment en l’entraînant à observer son dialogue intérieur. Au commencement, le patient ne s’interroge pas sur la validité de ses prédictions : il existe une absence de correspondance entre ses conclusions et la réalité. Le simple enregistrement des pensées automatiques permet une première mise à distance des conclusions absolues auxquelles il adhérait auparavant. L’auto-observation est déjà en soi une technique thérapeutique, facteur de changement.  Les buts spécifiques à long terme des interventions visent les schémas cognitifs. Il s’agit de permettre au patient de prendre conscience de leur influence sur le fonctionnement mental et des situations particulières où ils sont actifs. Parmi ces schémas, le patient doit découvrir ceux qui sont à l’origine des pensées automatiques dysfonctionnelles découvertes aux étapes précédentes. A partir de cette étape, le sujet pourra faire le lien entre ses principaux schémas dysfonctionnels et le contenu de ses hallucinations, les croyances qu’il a rattachées à celles-ci, et ses constructions délirantes. Le thérapeute guidera ensuite le patient afin qu’il passe en revue les expériences infantiles qui pourraient avoir contribué à leur développement. Le patient pourra alors remettre en cause le caractère absolu des règles de vie contenues dans ces schémas et développer des schémas plus fonctionnels et réalistes.


[1] GUELFI (J.D), BOYER (P), CONSOLI (S), OLIVIER-MARTIN (R), Psychiatrie, Fondamental, Paris, 1987, pp.816-817.

[2] CHAMBON (O), MARIE-CARDINE (M), La réadaptation sociale des psychotiques chroniques. Approche cognitivo-comportementale, Nodule, PUF, Paris, 1992.

[3] CHAMBON (O), PERRIS (C), MARIE-CARDINE (M), Techniques de psychothérapie cognitive des psychoses chroniques, Masson, Médecine et Psychothérapie, Paris, 1997.

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