Les thérapies familiales X

Les thérapies familiales (10)

                                                                 Familles                                                          

Les thérapies familiales sont apparues aux Etats-Unis dans les années 1945. Les modèles proposés aujourd’hui sont multiples et hétérogènes mais leur point de rencontre est le rôle de la dynamique familiale dans la genèse des troubles. On trouvera le point de départ de ce questionnement des interactions entre contexte familial et développement intrapsychique de l’individu chez Freud. L’analyse du « Petit Hans » représentait, dès 1909, une approche familiale d’un cas de névrose infantile. Freud écrivait : « Celui qui sait quelles discordes déchirent les familles, ne sera pas étonné de constater, en pratiquant la psychanalyse que les proches du malade sont souvent plus intéressés à le voir rester tel qu’il est, qu’à le voir guérir. »[1] On pouvait en fait en inférer deux attitudes soit éloigner le patient de sa famille, soit prendre le problème à bras le corps et inventer des thérapies qui traitent la famille.

En 1929, furent créés à Los Angeles les premiers services de consultation conjugale, et, dans le même temps, le développement des centres de guidance infantile souligne l’importance de la relation « actuelle » mère/enfant dans les troubles présentés par ce dernier. On passe ainsi successivement d’une première approche individuelle, où les contacts entre le thérapeute de l’enfant et son entourage sont contre-indiqués, car ils interfèrent sur le plan transférentiel, à une deuxième phase qui met l’accent sur les effets négatifs de certains membres de l’entourage du patient. Fleurissent alors les expressions telles que « mère pathogène », « mère schizophrénogène », « père absent », « père inadéquat », etc. D’autre part, s’instaurent des traitements parallèles, mais séparés, du malade et de sa mère ou de son père. Cette importance du vécu actuel et des relations pathogènes au sein de la famille conduit certains thérapeutes à traiter le patient et son entourage de façon conjointe. Enfin, dans les années cinquante, à l’Université de Stanford, un groupe de recherche se réunit autour de Grégory Bateson. Il comporte des chercheurs et des cliniciens d’origines très diverses. Au départ, leurs travaux sont centrés sur l’observation de la communication (allant des dauphins aux schizophrènes) ; à travers la théorie des « types logiques ». Puis une application des bases théoriques de l’approche systémique dans le champ de la thérapie familiale donne naissance à ce qu’on appelle l’Ecole de Palo Alto.

Les thérapeutes systémiques considèrent la famille comme un système autorégulé, c'est-à-dire comme un ensemble d'éléments en interactions, se gouvernant à partir de ses propres règles. Ce groupe naturel, biologique et social s'organise à travers des essais, des transactions et des rétroactions correctives. Seules les règles permises dans la relation sont maintenues. Chaque groupe, ainsi, à partir du contexte où il se développe, se forge son propre code. Les règles ainsi conservées se manifesteront alors dans les transactions des membres de la famille entre eux. Ces transactions ont un caractère de communication tant au plan verbal que non-verbal. Pour une famille donnée, les conduites pathologiques de l'un ou de plusieurs de ses membres peuvent alors être considérées comme des transactions particulières, ne visant qu'à maintenir des règles spécifiques. Identifier puis modifier une règle fondamentale permettrait donc d'obtenir une rétrocession de la symptomatologie.

Les travaux de l'école de Palo Alto fournissent des « instruments » adéquats pour l'analyse de la communication, qui sont le concept de contexte comme matrice du signifié, la notion de ponctuation dans l'interaction, la notion de position symétrique ou complémentaire dans la relation, la coexistence chez l'homme de deux langages, analogique et digital; il faut encore y ajouter la nécessité de définir la relation et les différents niveaux verbaux sur lesquels une telle définition peut avoir lieu et les notions fondamentales de paradoxe symptomatique et de paradoxe thérapeutique.

Selon ces théoriciens, on peut décrire à tout message verbal : un contenu littéral ; un contexte auquel il se réfère ; un affect qui l'accompagne ; une métacommunication portée par les éléments du message et qui est une communication sur le sens du message lui-même, une sorte de qualification sur le contenu; une information sur le type de relation entre l'émetteur et le récepteur. Il est le résultat d'un composé polymodal qui associe plusieurs types comportementaux d'expression : tonal, postural, contextuel, verbal... chacun d'eux spécifiant le sens des autres.

La causalité n'est plus linéaire mais circulaire : le comportement de chaque membre du système familial est influencé par celui de tous les autres membres du groupe. Le patient « désigné » n'est plus dans une telle optique, le sujet principal de la prise en charge. Il participe comme les autres membres, y compris dans ses comportements pathologiques, à l'économie du système et à son homéostasie. C'est le système lui-même qui est perturbé, qui ne peut plus s'adapter à des conditions nouvelles et tend à rigidifier à l'extrême les règles implicites de son fonctionnement.

Il existe aujourd’hui des thérapies familiales systémiques, analytiques et cognitives qui se réfèrent à une théorie mère.

Dominique Friard


[1] FREUD (S), Analyse d’une phobie chez un petit garçon de 5 ans (Le petit Hans), PUF, Bibliothèque de psychanalyse, Paris, 1997, 20ème Ed.

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