Nous prenons soin de nous

Nous prenons soin de nous

 

Je fais une pause dans mes appels téléphoniques qui me permet de prendre des nouvelles des familles et des couples que nous suivons au Centre de Thérapies Familiales.

Je lis avec attention les échanges de mails.

Dans mon service (CMP + HDJ), nous avons traversé des moments compliqués, comme chacun d’entre vous, entre sidération, agitation, recherche d’informations, recherche de nos propres symptômes et accueil des patients, de leurs angoisses ou du déni de la gravité de la situation actuelle…

Nous avons été noyés par des informations contradictoires et très changeantes.

De ma place de Cadre de Santé, il a fallu jongler avec des éléments qui pouvaient être annulés du jour au lendemain.

Quand je donne une info à l’équipe, je dis « aujourd’hui », voire « à cette « heure », voilà les consignes dont je dispose.

Il nous a fallu apprendre à développer une nouvelle forme de travail psychique, trouver des repères dans cet univers mouvant qui, de fait, souffre d’un défaut de repères.

Ceci a eu dans un 1er temps, de mon point de vue,  une mobilisation intense de mécanismes de défense de type paranoïde.

Sur l’hôpital, des masques en libre circulation, des SHA, des désinfectants de surface ont disparu. Alors on a demandé aux cadres de compter les masques, d’en remettre 1 par personne et par jour, l’hôpital étant en défaut d’approvisionnement.. 

Idem pour les SHA que la pharmacie ne distribuait qu’au compte-goutte et seulement aux cadres après avoir signé un registre. (Si cela disparait, ou mal utilisé, forcément, on saura trouver le responsable…). J’ai donc découvert cet autre pan de ma fonction…

Heureusement, je n’ai pas rencontré de problème de cet ordre dans ma structure, les soignants gèrent leurs masques.

De plus, nous n’avons pas attendu la distribution de masques chirurgicaux pour fabriquer nos propres masques en tissu. Soignants et patients de l’HDJ s’y sont mis. Chacun porte son masque pendant le temps de l’atelier à médiation individuel.

Toute personne arrivant sur nos lieux de soin va d’abord se laver les mains avant d’être reçue. Notre ASH est le roi de la javel diluée et nettoie régulièrement les poignées de portes et surfaces.

Au CMP, nous recevons en entretien les patients qui ne se sentent pas suffisamment soutenus par le lien téléphonique. Nous ne portons pas de masque ; le bureau et la chaise légèrement en arrière, nous semble suffisant.

Les IDE portent le masque pour pratiquer les NAP. Au départ, ce n’était pas le cas. Aujourd’hui, un masque est également remis au patient. L’éventuelle contamination n’est pas liée à la virulence du virus mais au stock de masques dont on dispose…

Depuis 15 j, nous nous sentons en sécurité lorsque nous venons travailler. Notre secrétaire qui pourrait faire du télétravail, préfère travailler sur place. Nous prenons soin de nous. Nous déjeunons ensemble mais en respectant une distance qui ne nous empêche pas de communiquer.

Nous pensons beaucoup à nos collègues dans les hôpitaux généraux… Directement confrontés à la maladie, à la mort, à pallier l’absence des familles tout en gardant le lien avec elles…

Nous prenons aussi régulièrement des nouvelles de collègues qui travaillent en intra. Pour certains, où les entrées de patients sont moins nombreuses, les soignants proposent des activités, la psychomotricienne des ateliers corporels. Le nombre de patients a été baissé de 23 à 17. Le travail n’est pas le même, disent-ils.

Les patients n’ont pas droit aux visites, ni aux permissions. Seules sont autorisées des balades dans les allées, un patient, un soignant.

Ce qui est intéressant, c’est cette redécouverte de ce travail de proximité, paradoxalement…

Et puis aussi, cette nouvelle temporalité.

Personnellement, professionnellement, j’apprends beaucoup de cette période.

Passés les moments de sidération, je me sens bcp moins contaminée psychiquement.

Sans doute parce-que c’est plus serein aussi sur le CMP et l’HDJ. Nous avons, je crois, trouvé notre rythme.

Les patients sont très reconnaissants du travail d’écoute que nous proposons et prennent eux-aussi de nos nouvelles.

Du côté de la Thérapie Familiale et de couple, je suis agréablement surprise de ce que ce temps de confinement produit sur les familles que nous suivons. Je m’attendais à ce que ce temps soit cataclysmique sur les liens. Eh bien, à 4 semaines de confinement, ce n’est pas mon constat.

Différemment des patients que je suis au CMP, je ne peux pas recevoir les familles en présentiel. Alors, je découvre ce nouveau travail d’être tous rassemblés autour du téléphone, avec le haut-parleur, pour que chacun puisse s’exprimer…

Finalement, il n’y a que nos politiques pour penser qu’il n’y a pas de ressources, de solidarité et de créativité dans ce pays !

A nous traiter comme des niais, ils vont être surpris du résultat.

Voilà pour mon partage de ce quotidien, aujourd’hui, mercredi à 16h33.

Demain reste une surprise, et c’est encore plus vrai aujourd’hui ! 

Bon courage à vous !

 

Nicole Taliana, le 8 avril 2020

C.H. Montperrin (13)

 

 

Date de dernière mise à jour : 19/05/2020

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