Les 15èmes Rencontres de la sociopsychiatrie

Les 15ème Rencontres de la socio-psychiatrie

En janvier 1999, Marie Rajablat et Dominique Friard publiaient un texte dans la revue Soins Psychiatrie. Ils s’y demandaient comment nous soignerions en 2030. Ils ont pris leur boule de cristal et imaginé un avenir possible pour la psychiatrie et le soin. Nous ne sommes pas en 2030 mais quand même pas si loin, se sont-ils trompés de beaucoup ? 

Et si à votre tour, vous imaginiez la psychiatrie de 2030 ? Envoyez-vous vos textes qui pourront être lus dans le cadre du 30ème anniversaire de la suppression des études d'ISP. 

« Nous ne rewebscrirons pas la totalité du contenu des 15èmes Rencontres de la sociopsychiatrie en raison de leur densité. Jugez-en plutôt : deux séances plénières, neuf ateliers, trois symposiums, quatre cybersessions. Nous ne relaterons que l’atelier : « Ectromélie psychopathique et déclonage ».

G. Vondi, doyen à la Faculté de sociopsychiatrie, introduisit l’atelier en se référant aux Premières Rencontres Nationales du Comité Français pour la réhabilitation Psychosociale (CFRP) qu’il eut l’honneur de présider en décembre 1998 alors qu’il n’était alors qu’un tout jeune psychiatre. Avec son honnêteté coutumière, il reconnut que, sans les progrès de la cybernétique et de l’informatique, la réhabilitation psychosociale serait restée balbutiante. La  découverte des cartes micropuces et de la technique de captation des informations mnésiques contenues dans le néo-cortex permet à la sociopsychiatrie de naître. Il ne suffisait pas de maîtriser la technique du clonage, encore fallait-il pouvoir transférer les informations contenues dans les différentes mémoires de l’individu original à sa copie. Cette « originalisation » de l’individu est aujourd’hui un acte infirmier banal. Il n’en a pas toujours été ainsi. G. Vondi rappela également combien la lutte entre les cybernéticiens et les sociopsychiatres pour le contrôle des micropuces avait été acharnée. C’est autour du statut de la pensée, en s’appuyant sur les théories des psychanalystes lacaniens que les sociopsychiatres réussirent à convaincre le Comité d’Ethique des Communautés Economiques Mondiales (CECEM). Il devenait ainsi possible de cloner chaque individu à sa naissance et de « transférer » sa mémoire lors de chaque incident ou accident. L’homme serait ainsi quasiment devenu immortel si n’était apparue l’Ectromélie psychopathique. G. Vondi réagit vivement contre l’appellation de « lèpre transférentielle » qui lui fut donnée par les derniers psychanalystes, ceux-là même qui inoculèrent le virus dans les micropuces.  « L’ectromélie psychopathique n’a qu’un seul traitement efficace, c’est le déclonage. C’est le seul susceptible de faire cesser l’épidémie. La microanalyse que pratiquent certains charlatans obscurantistes repose sur une critique de notre  organisation sociale qui renforce les symptômes pssychopathiques et accélère la précarité du Sur-Moi, contribuant ainsi à augmenter la cohorte d’exclus. Il est essentiel que l’indication de déclonage soit posée à bon escient, après avoir épuisé toutes les ressources de l’orthopédie sociale. C’est une question de clinique mais aussi et surtout une question d’éthique sociale. »

Les très-très grands exclus

M-A Nilleu enchaîna en s’attachant à décrire les conséquences sociales d’un des symptômes les  plus préoccupants de l’ectromélie : la grande précarité des déclonés dont le nombre va  grandissant. « La  Grande Précarité, ou mieux la Très-Très Grande Précarité (TTGP)[1], est le souci majeur de notre continuum sociétal. Même les vieux ISP[2] savent que la reconnaissance législative des droits du psy-santoyen[3] a provoqué la seconde Révolution Cybernétique. Par l’ordonnance du 27 juin 2010, le secrétariat d’Etat à l’Enregistrement des Souffrances (ES) a suscité la création de microstructures destinées au déclonage des psy-santoyens atteints de psychopathies  éruptives. Leur absence de couverture sociale pose des problèmes de plus en plus importants qu’il importe de résoudre par des redéploiements massifs d’infirmiers et surtout d’harmonistes. »

D. Kavarokys, président d’honneur du Syndicat des Psychosociatres (SDPS), lui succéda. Dans sa motion du 13 juillet, commença-t-il, le SDPS a fait un certain nombre de contre-propositions. Il dénie toute légitimité à un déclonage étayé sur le DSM X. L’approche nosographique américano-bronxienne ne saurait se substituer à une clinique de la souffrance psychique. Face à la précarité du désir, l’extrogénie économique ne peut que conduire à l’actopie orgasmique. Les « Très-Très Grands Exclus » (TTGE) ne sont que les produits désincarnés d’une économie psychique famélique. « Il faut d’urgence redonner à la clinique toute sa vigueur théorique ! »

La socio-clinique eut toute sa place dans l’intervention suivante de J-A Mellir : « Le ReMoi-Père ou du Sur-Moi, encore ! ». « La praxis anal-lythique nous  confronte aux mutations socio-psycho-culturelles en tant qu’elles affectent le sujet supposé savoir (SSS). DE « l’unité socio-culturelle basique incertaine » au plus petit « commutateur commun incertain », des sociologues ont cerné les contours de ces psychomutations en tant d’y rePère est une logique. L’extension des recompositions monadiques de base, notamment de la monoparentalité, les progrès technoscientifiques en procréation sont liés à l’individualisation de l’existence, à la  tendance à l’auto-fondation. A ce titre, il est nécessaire de s’interroger sur les liens entre la tendance à l’auto-fondation et le Sur-Moi en tant que ravageant la tendance en question. »

De la clinique au socio-délire

L’espace topique ainsi clairement défini, d’autres orateurs de moindre pedigree, se sont succédé. Catherine Laforêt, présidente de l’Ordre Infirmier, s’oppose, quant à elle, au décret du 28 Juin 2010, relatif aux différentes techniques de déclonage et aux compétences professionnelles qu’il requiert : « Il est inadmissible que pour des raisons économiques, le déclonage, technique complexe s’il en est, puisse être dévolu aux aides-soignantes (Technicienne de Soutien Logistique aux Infirmières –TSLI). Thomson et Moorehouse[4] ont démontré, en validant le diagnostic infirmier d’in capacité à l’homéostasie groupale, que le déclonage ne pouvait s’inscrire que dans une démarche de soin infirmière, rationnelle et imaginative. »[5] De la même façon que le soin en sociopsychiatrie ne pouvait être l’apanage des vieux ISP, le déclonage ne peut être réservé aux techniciennes de soutien logistique (aide-soignante) dont une partie sera bientôt requalifiée en auxiliaire de soignologie.

J-M Kuhn, président du Conseil d’Administration du Centre d’Othopédie mentalo-sociale Esquirol, s’exprimant au nom de la Fédération Française des Psy-santoyens, regrette que l’aménagement des chambres de déclonage n’ait pas donné lieu à  un débat contradictoire entre professionnels et usagers. Il serait notamment souhaitable que l’abonnement aux réseaux sociaux soit pris en charge par les mutuelles. Une  enquête réalisée auprès de 4000 psy-snatoyens, membres de son association montre que Alta-Vista est actuellement plus performante que Yaooh. Il faudrait  donc remplacer la vieille  génération des Pentium X par des Palle beaucoup  plus faciles à utiliser. J-M Kuhn note également que les sites réservés à l’information sur les neuropipédiques font systématiquement l’impasse sur les effets salivaires. Par ailleurs, les tests comparatifs entre les vieilles thérapies analytiques et le cybernético-cognitivisme n’ont pas été actualisés depuis trois mois.

G. Loraque, représentante de l’Entente des Famille Malheureusement Touchées par le Handicap  de leur Enfant (EFMTHE) remercie les équipes pour la qualité des sociosoins dispensés à leurs enfants. Il leur est certes parfois difficile voire douloureux de ne plus jamais avoir de nouvelles de leurs enfants déclonés mais le travail de reconditionnement aléatoire effectué par les sociopsychiatres agit comme un bain d’Obao® dans le système familial recomposé.

Marie Ultime, représentante du Collectif National de Mobilisation en Psychiatrie (CNMP), dernière infirmière de secteur psychiatrique encore en exercice, reprend sa célèbre rengaine : « Nous luttons pour  le respect des droits de l’homme, contre les innombrables  atteintes à sa liberté. Nous militons pour la légitime aspiration au  bonheur et à l’accomplissement de soi. Bref, nous nous inquiétons pour l’humain. Aussi devons-nous défendre nos valeurs. Rien n’est moins innocent que le laisser-faire. Et aussi apparemment réduites que soient nos marges de manœuvre, nous devons exploiter toutes les modalités d’action sinon, nous serons d’une certaine manière coupables de non-assistance à personne en danger.

Vous avez pustulé que les inégalités étaient désormais inévitables et que vouloir lutter contre elles relevait de la non-voyance, de la non-congruence avec son peuple, voire même de la non-modestie …. Vous avez banni le conflit  en en faisant un symptôme de psychopathie. Vous avez pustulé, également, qu’en suppréradiquant les soignants et les lieux de soins spécialisés, vous pourriez vaincre l’ectromélie psychopathique et ainsi libérer les citoyen s du joug anéantissant de tous ceux qu’elle nourrit. Vous avez opéré un glissement sémantique, afin de déplacer la maladie  mentale sur le champ  social et la diviser ainsi, petit à petit, en handicap à  décloner et en désavantage à contrôler. Les malades sont devenus des psy-santoyens, les ex-soignants, toutes catégories confondues, ont été promu Techniciens de l’Harmonie Mentalo-Sociale (THèMèS). Le champ  sanitaire, ainsi démantelé, a laissé place à des Centres d’Othopédie des Conduites Déviantes et des Stratégies Sociales Inadaptées (COCDSSI). Maintenant, vous envisagez de créer des structures mobiles de déclonage … !

En 2010, tout devait être beaucoup plus facile. Manettes et « souris » au poing, les THèMèS devaient  manipuler quelques boutons et codifier ; diagnostics et indications socio-psychiatriques devaient tomber : Stage Obligatoire en Centre de Réhabilitation (SOCRha), Stage Obligatoire en Centre d’Harmonisation Mental-sociale (SOCHMS), Pointage Obligatoire au Centre de Dépistage des Handicaps (CDH anciens CMP), avec ou sans soins ambulatoires obligatoires (SAO) … Tout devait être codifié, informatisé, réglementé. Il aurait suffi d’agir sur les micropuces, vous aviez même envisagé des greffes.

Hélas, rien de tout cela n’a marché. Des franges de plus en  plus importantes de population désertent vos communautés urbaines.

A Florac-en-Lozère, nous  résistons et inventons une nouvelle technique d’écoute. Il  existerait même une équipe pluridisciplinaire sur le Limagnol. »

Marie Ultime ne put finir son intervention : deux harmonistes l’ont saisie et traînée vers la sortie de la salle pendant que les congressistes hurlaient : « Déclonage ! Déclonage ! » C’est volontairement que nous avons réservé l’essentiel de ce compte-rendu aux socio-délires de Marie Ultime.

Le weblecteur pourra se rendre compte des ravages induits par la psychoaptie procédurière qui touche maintenant même les soignants.

D. Friard, M. Rajablat, Les 15èmes Rencontres de la socio-psychiatrie, in Soins Psychiatrie, n° 200, Janvier-Février 1999, pp. 21-22.  


[1] EMMANUELLI (H), Néo-Samu Social et Très-Très Grande Précarité, in L’information psychiatrico-sociale, tome 2, janvier 2006, 973-1001.

[2] Infirmiers de Secteur Psychiatrique, voir JAEGER (M), Infirmier de Secteur Psychiatrique, archéologie d’une imposture, in Bulletin de Sociologie archéologique, décembre 2003, 87-92.

[3] KOVESS (V), Psy-santoyenneté : des droits à conquérir ? in Evaluation de la qualité de la démocratie, Ed des laboratoires Lundbeck, Communauté urbaine de Paris-Lille, 2008, 25-32.

[4] THOMSON (D.C), MOOREHOUSE (V.K), Guide du diagnostic Infirmier, InterEditions, Ottawa, 16ème Edition, 2028.

[5] GERCE (J.M), FRIARD (D), Direction de service de soins infirmiers et recherche en soins, une synergie ectoplasmique, in Les Cahiers du Management, Septembre 1999, 57-76.

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