Un peu d’intelligence émotionnelle ne peut pas nuire …

Un peu d’intelligence émotionnelle ne peut pas nuire …

L’isolement et la contention sont moins liées à la supposée violence des patients qu’aux dysfonctionnements institutionnels. Il suffit souvent de soigner l’institution pour que ces comportements se régulent d’eux-mêmes. Une vieille leçon donnée par Philippe Paumelle …

Invité à évoquer les dysfonctionnements attachés à la réclusion des patients dans leur chambre et à leur sanglage à leur lit, hélas de plus en plus fréquent, je ne sais pas par où commencer. Ils sont légion. Dès qu’un patient est isolé et sanglé, nous sommes face à un dysfonctionnement institutionnel qu’il faut traiter. Mon affirmation repose sur la thèse de Philippe Paumelle qui s’intitulait : « Essai de traitement collectif des quartiers d’agités »[1]. Elle n’apparaît plus dans les bibliographies qui se limitent aux publications des dix dernières années. Philippe Paumelle, avant de contribuer à la création de l’ASM XIII, avait écrit un article retentissant dans lequel il évoquait le mythe de l’agitation[2] qui mériterait d’être relu et discuté, collectivement. Mon affirmation repose également sur les formations que j’effectue depuis vingt-cinq ans un peu partout en France. Chaque fois que j’ai dû intervenir sur des problématiques dite de violence dont un patient ciblé était l’origine, il y avait derrière une problématique de violence institutionnelle que l’isolement et la contention institués permettait de masquer. Il suffisait de faire apparaître et de traiter les enjeux collectifs pour que le comportement insupportable du patient cesse. Comme par miracle.

Le  symptôme de dysfonctionnements institutionnels

Quand le lien institutionnel est fragilisé, piétiné, brisé, les patients sont isolés et contenus. Quand le collectif soignant est malade, les patients en paient les pots cassés. Quand les psychiatres se prennent pour des psychiatres qui savent tout, qui n’ont rien à apprendre des équipes et des patients, les infirmiers se prennent pour des grosses nullités, des gardes-chiourme justes bons à cadrer tant et plus, confondant la lettre et l’esprit du cadre de soins. Les aides-soignants hommes, souvent, prennent le relais des équipes infirmières de plus en plus féminines, et gèrent les problèmes de violence sans en référer à quiconque. Ils trouvent dans la pacification du lieu de soin un pouvoir qui va bien au-delà de leur statut et contribuent ainsi à entretenir à bas bruit une certaine insécurité dans le quotidien. Il n’est même plus possible de penser cliniquement l’agressivité, de la rattacher à un fonctionnement psychique. La violence est décrite comme une conséquence directe d’une folie qu’il s’agit de contenir.

Les patients n’étant plus contenus psychiquement par une pensée collective, sans cesse interrogée, ne s’expriment plus que par des troubles du comportement que nul ne décrit plus cliniquement. On fonctionne en action/réactions et les chambres d’isolement ne désemplissent plus.

Différents types de réunion permettent, en théorie, de réguler les dysfonctionnements institutionnels : réunion institutionnelle, réunion communautaire, réunion soignants-soignés, supervision d’équipe (ou analyse de la pratique professionnelle), réunion de synthèse consacrée à un patient unique (dite aussi réunion clinique), réunion catalogue, réunion de fonctionnement, etc. Ces réunions se font de plus en plus rares. Il est même des unités dépourvues de salles de réunion, tout l’espace disponible étant mobilisé par le côté nuit et les chambres d’isolement.  Faute d’outils pour les traiter ces dysfonctionnements s’agissent et s’expriment dans le quotidien. L’impossibilité d’occuper une position « méta » interdit toute prise de distance.

La réunion du lundi

C’est lors de la réunion du lundi que ces dysfonctionnements apparaissent avec le plus d’acuité. Ces flashs, ces réunions parfois nommées réunions catalogues rassemblent tous les infirmiers présent dans l’unité le lundi matin, les aides-soignants, le ou les psychiatres, le cadre de l’unité et parfois un psychologue. Ces réunions pluridisciplinaires sont axées sur l’actualité du service. On y évoque essentiellement les patients qui posent problème. Il s’agit d’évaluer l’état de santé des patients, de résoudre les difficultés rencontrées par la ou les équipes. On peut aborder le cas d’une dizaine de patients en une heure. L’actualité est telle qu’il y est quasiment impossible de faire un travail de fond. Lorsque les soignants décrivent leur insatisfaction, leur sensation de de ne pas être entendu, c’est à ces réunions qu’ils font la plupart du temps référence.

La réunion du lundi qui succède au week-end est assez emblématique d’un certain dialogue de sourds entre équipe soignante, cadres et psychiatres. Elle oppose/rassemble ceux qui ont en charge le quotidien (à Auxerre en 1974, les infirmiers disaient « la merde »), qui travaillent le week-end et ceux qui interviennent plus à distance, absents en fin de semaine et qui occupent une position de tiers (dans le meilleur des cas).

Le lundi matin, les soignants évoquent les difficultés du week-end : les patients rentrés ivres de permission, les entrées agitées qu’il a fallu isoler, ceux, qui isolés ou sanglés, leur ont posé des problèmes, etc. Ils sont en attente de solutions, de réponses souvent médicamenteuses ou dans le registre du cadre de soin, dans sa version rigide. Les psychiatres, absents le week-end, se sentent sommés de réagir à froid à des situations dont ils maîtrisent mal le contexte dans un climat souvent très tendu. Ils se sentent souvent attendus au tournant. Les infirmiers peuvent avoir été présents le week-end et leurs comptes rendus mélangent souvent aspects cliniques, comportementaux et affects. L’actualité interdit souvent de démêler ce qui est de l’un et ce qui est de l’autre, surtout lorsque les infirmiers qui évoquent les problèmes posés par un patient, absents le week-end ne le font qu’au vu de ce qui est inscrit dans le dossier de soin, qui peut être plus ou moins détaillé, plus ou moins allusif.

C’est le week-end que le cadre institutionnel est le plus fragile. Il faut faire avec un psychiatre de garde plus ou moins compétent, plus ou moins bousculé par d’autres urgences qui attendent. Les soignants se sentent souvent livrés à eux-mêmes, à leurs émotions. D’autant plus qu’ils sont eux-mêmes moins nombreux. Ils peuvent avoir reçus des coups, en avoir donné pour se défendre ou parce qu’ils se sont sentis débordés et avoir mauvaise conscience. Les familles peuvent avoir aggravé, encore, ces situations. Dans ce contexte chargé peuvent naître des frustrations réciproques, et un fort sentiment d’incompréhension. Plus un week-end a été difficile, plus l’incompréhension et les frustrations sont importantes.

Il faut préciser que les positions des uns et des autres sont tout autant à entendre dans un registre institutionnel que personnel. D’une certaine manière, nous sommes au théâtre, les rôles ont été écrits il y a bien longtemps et chacun se tient à son rôle. Tel psychiatre obtus est très ouvert avec les soignants quand il travaille au CMP ou à l’hôpital de jour. Tel infirmier, incapable de prendre une initiative, et qui applique à la lettre le règlement sera en ville un soignant incroyablement souple qui sait se mettre à la disposition des patients.

C’est au cours de ces réunions que se fabriquent la contenance des prochaines agitations. Il apparaît donc essentiel de pouvoir être vigilants quant à ce qui se passe, de faire preuve d’intelligence émotionnelle. J’aurais pu penser cette séquence à partir des réflexions psychodynamiques, très riches, de Paul Fustier[3] et [4]. J’aurais pu évoquer aussi les alliances inconscientes chères à René Kaës.[5] J’ai choisi de me référer à l’analyse transactionnelle[6] et à la PNL[7], plus conformes à l’esprit de l’époque.

La violence, un terme impropre

A mon sens, on ne gagne rien à regrouper sous le substantif de violence toutes les manifestations d’agressivité. On crée ainsi artificiellement une notion que la clinique ne valide pas. On s’interdit de lire finement les comportements déployés et on s’interdit d’en comprendre les motivations. Le mot violence, dans son acception quotidienne, ne décrit pas des faits qui peuvent se ranger sous l’étiquette d’agressivité, d’agressivité verbale, d’agitation, de raptus, de passage à l’acte ou de passage par l’acte. La psychiatrie s’est d’ailleurs passée du terme de violence jusque dans les années 70. On nomme, aujourd’hui, violence des incivilités qui ne peuvent être qualifiés par le droit. On voit ainsi des infirmiers porter plainte contre des patients psychotiques qui les ont, disent-ils, menacé de mort. Il faut stopper cette inflation et qualifier correctement les comportements. On se rend compte que la violence peut renvoyer à des faits mais qu’elle dit surtout que telle attitude fait violence au soignant, à l’équipe, c’est-à-dire qu’elle suscite des affects, des émotions qui fragilisent le soignant et l’équipe.

La violence des émotions

Lors de cette réunion du lundi, les soignants expriment ce qui leur a fait violence au cours du week-end. Les affects, les émotions sont à peine cachés derrière les faits rapportés. Tout est mélangé.

Recevoir ces éléments bruts, Bion dirait des éléments bêta, revient à les réceptionner, à s’en laisser imprégner, à les garder suffisamment en soi pour pouvoir les retraiter et les resituer d’une façon acceptable par celui qui les profère ou les émet afin que les émotions soient rangées d’un côté et la description clinique d’un autre. [8] 

Quand j’évoque les émotions, je ne parle pas que de la peur. Colère, honte, culpabilité colorent nos ressentis face aux manifestations agressives des patients. Nous refoulons parfois l’émotion qui nous vient naturellement et la remplaçons par une émotion mieux tolérée socialement. La peur est remplacée par la colère, la colère par la tristesse, etc. L’analyse transactionnelle nomme ce processus le parasitisme émotionnel, une émotion mieux tolérée parasitant l’expression de l’émotion adéquate. Un soignant homme ne peut montrer sa peur devant ses collègues féminines, il perdrait la face, sa virilité serait questionnée et il contribuerait à les inquiéter, il surjoue donc la colère et provoque, par là-même, une séquence qui se termine par une injection intramusculaire de sédatif et un séjour du patient en chambre d’isolement. S’il avait mieux accepté sa peur, il aurait pu favoriser une désescalade.

Le modelage émotionnel

Il existe, ainsi, dans chaque équipe des techniques de modelage émotionnel. La réunion est un des moments où le modelage émotionnel est à l’œuvre. Ainsi quand un psychiatre réagit aux plaintes d’un jeune infirmier : « Il n’y avait pas de vrai infirmier psychiatrique ce week-end ? » ou quand il répond : « C’est votre boulot de prendre des coups. Vous êtes payés pour ça ! » Il est difficile de dire qu’il fait preuve d’intelligence émotionnelle.

Parmi les techniques de modelage, on peut repérer la honte, la culpabilisation, la peur, le pansement, l’interprétation sauvage (« Vous êtes trop maternante avec ce patient, on croirait que c’est votre fils »), le déni (« Il était parfaitement calme quand je l’ai vu en entretien. Il n’agresserait sûrement pas quelqu’un qui ne le chercherait pas … un petit peu. »). Ce modelage n’est pas l’œuvre du seul psychiatre, l’équipe y contribue également puissamment. On évitera de travailler avec un collègue trop  souple, trop laxiste ou simplement jugé pas assez fiable. On fera appel au médecin de garde si le psychiatre de l’unité se laisse trop « manipuler » par un patient, etc.

Ce modelage fait plus ou moins de dégâts dans l’équipe. Interprétation sauvage (parfois nommée recadrage) et déni sont particulièrement pernicieux.

Honte et culpabilisation qualifient l’émotion ressentie mais ne la dénient pas. La personne qui est confrontée à ce modelage ressentira de la honte ou de la culpabilité face à certaines émotions, mais ne s’interdira pas de les ressentir.

Peur et pansement traitent des conséquences de l’émotion pour la personne. La personne pourra éviter de se confronter aux émotions dangereuses ou au contraire valorisées, mais sa perception et son vécu sont validés. 

Interprétation et déni, nient la perception et le vécu de la personne et donc du groupe. Face à ce qu’ils nomment violence, les soignants ont tendance à faire corps, ce que ne font pas les membres de l’équipe plus à distance du quotidien. Face à l’interprétation et au déni, d’une certaine façon, c’est comme si la personne ou l’équipe n’existaient pas, comme si elle ne pouvait pas ressentir ce qu’elles ressentent. Leur perception est fausse, nulle et non avenue. De toutes les techniques de modelage, ce sont celles qui occasionnent le plus de dégâts affectifs et émotionnels et favorisent le recours aux isolements et contention.

Le psychiatre, le cadre ou le psychologue qui réagissent de cette façon ne sont pas forcément pervers. Ils se sentent aspirés par des émotions brutes, par un quotidien auquel ils n’ont pas accès et devant lequel ils se sentent impuissants. Ils sauvent leurs meubles psychiques. Ils ne mesurent pas forcément les conséquences de leurs réactions de défense d’autant plus qu’ils sont de moins en moins formés à la dynamique de groupe et d’une façon générale à la prise en compte de l’espace psychique groupal.

Peuvent-ils faire autrement sachant qu’ils n’iront pas s’allonger sur un divan ? Et puis il faut un peu de temps avant que ce soit un petit peu efficace.

Les questions de l’elfe

David Servan-Schreiber [9] propose une technique d’entretien, les « questions de l’elfe » qui pourraient rendre quelque service dans ces situations. L’approche n’a rien de psychodynamique. Il s’agit d’une simple technique (voire d’une technique simpliste) qu’il utilisait quand il était confronté à un patient qui avait subi un  traumatisme psychique. Les lettres E.L.F.E. constituent un moyen mnémotechnique : « E » vaut pour émotion, « L » pour le plus difficile, « F » pour faire face et le dernier « E » pour empathie. Avant de décrire plus précisément la technique, convenons qu’à aucun moment le ou les soignants ne doivent être considérés comme des patients, des demeurés, des sous-doués émotionnels, la technique en deviendrait inacceptable pour eux et l’effet produit serait dévastateur.

Prenons comme exemple, le retour de permission d’un patient borderline. Il est en état d’ébriété. Il est convenu que dans ce cas de figure il doit subir un alcootest. Ce n’est pas la première fois qu’il s’alcoolise ainsi lors d’une permission. Les soignants estiment qu’il n’a pas sa place dans l’unité, qu’il n’aurait pas dû bénéficier de cette permission, que le psychiatre se fait toujours avoir, etc. On reconnait là des effets de clivage. Il a refusé l’alcootest. Les soignants ont insisté, la situation s’est envenimée. Il s’est agité. Les soignants ont appelé des renforts. Le médecin de garde appelé a prescrit un sédatif injectable. Le patient a été piqué, isolé, puis, contenu, c’est-à-dire sanglé à son lit. Une infirmière s’est pris un coup de pied dans le ventre, un autre un coup de poing au visage. Quand ils font le récit du week-end, les soignants sont à fond. Leurs propos accusent le psychiatre trop laxiste sans le dire. Ils sont débordés émotionnellement et attendent du psychiatre et du cadre qu’ils soient fermes. Le patient est toujours isolé et contenu. Convenons que pour le psychiatre, responsable de l’unité, la situation n’est pas simple. Il a raison de se sentir attendu au tournant.

Face au récit de ce week-end mouvementé qui se présente comme un magma d’émotions et de notations cliniques plus ou moins élaborées, la première question à poser à celui qui fait office de narrateur est « Que s’est-il passé ? » ou « Que vous est-il arrivé ? ». C’est le temps pour se connecter avec le soignant et ses émotions, le temps du récit et de l’écoute. Il est essentiel de ne pas interrompre le soignant lors de cette étape. Il faut savoir, précise-Servan-Schreiber, qu’en moyenne, un médecin interrompt son patient toutes les 17 secondes, alors s’il s’agit d’un infirmier ou d’un aide-soignant ! Il est important de laisser le soignant aller au bout de son récit sans l’interrompre. L’écouter tout simplement et faire en sorte qu’il soit écouté.

Dès que possible, c’est-à-dire dès que le narrateur est allé au bout de son récit, il faut enchaîner avec « Quelle émotion avez-vous ressentie ? » L’émotion ressentie pouvant être en décalage avec les événements, cette question est indispensable. Elle n’appelle pas de commentaire. Le soignant détache de lui-même ce qu’il a ressenti de ce qui s’est passé. Les auditeurs accomplissent la même opération mentale. Le soignant évoque la colère, l’impuissance, la sensation que rien de ce qu’ils font pour ce patient ne sert à rien, et puis à bas bruit, la peur de ce qui aurait pu arriver si c’était leur collègue enceinte qui avait pris le coup de  pied dans le ventre.

« L » pour Le plus difficile. Le meilleur moyen de se dégager de l’émotion c’est de plonger au plus profond, au cœur de la douleur. « Qu’est-ce qui a été le plus difficile pour vous ? ». La focalisation permet de classer les émotions, les événements, On passe d’une émotion diffuse, globale qui envahit tout, à l’identification d’un point douloureux. On est moins débordé. On peut faire le pari que ce qui a été le plus difficile pour l’infirmier et pour l’équipe est au cœur de la problématique clinique du patient. Les soignants éprouvent ce que ressent le patient au moment où il s’emporte. L’infirmier met en avant le moment où ils négocient l’alcootest, la sensation d’être dans un dialogue de sourds, que plus ils expliquent moins le patient les entend et plus il monte. Il ne les reconnait pas. Aucune relation ne semble pouvoir l’apaiser, comme s’ils n’existaient pas pour lui, comme s’il  n’y avait pas de lien. Bien sûr, ils n’ont pas cédé. Ils ne pouvaient pas céder. Les injures, les menaces, il passe dessus même si tout de même ce n’est pas agréable de se faire insulter. Les coups, il a bien conscience que c’était dans le feu de l’action mais quand même. Non le plus difficile c’est ce constat qu’aucune relation ne peut apaiser le patient malgré tous leurs travaux d’approche, tous les petits moments où ils avaient l’impression de l’avoir apprivoisé.

Après avoir permis à l’émotion de s’exprimer, il faut profiter du fait que l’énergie est concentrée sur la source principale du problème pour aller vers l’amorce d’une réponse. « Qu’est-ce qui vous aide [ou vous a aidé] le plus à faire face ? ». L’infirmier répond que c’est l’équipe, leur solidarité, l’idée de faire front ensemble, d’être sur la même longueur d’onde. Le psychiatre de garde et les renforts ont été aussi bien utiles mais le fait de se sentir un groupe solidaire a été le plus important.

Le psychiatre offre son écoute, son intérêt, il ne donne pas de solution. Au contraire, il valorise ce que les soignants ont trouvé pour faire face. Il évite ainsi de les victimiser.  Il les considère comme des professionnels aguerris (ce qu’ils sont). Quelle que soit la difficulté des épreuves rencontrées, le soignant et l’équipe sont capables de se mobiliser pour faire face aux événements, ils possèdent pour rebondir des « mécanismes de défense », Boris Cyrulnik[10], parle de « résilience ». Il ne faut jamais sous-estimer ces ressources et permettre au soignant de les mobiliser et valoriser cette adaptation qui pourra servir dès le week-end suivant.

« E » pour Empathie. Il est indispensable pour conclure la séquence d’exprimer avec des mots sincères ce que l’on a éprouvé en écoutant l’autre, de telle sorte que la personne sente que l’on a porté avec lui un peu de son fardeau. Le psychiatre reprend tous les éléments apportés par le soignant. Il a, alors, de quoi proposer des liens susceptibles d’être acceptés et reconnus par le collectif.

Ensuite, mais ensuite seulement, on pourra commencer à évoquer la clinique du patient et chercher ensemble des réponses possibles.

On oubliera bien vite l’intitulé exact des questions qui apparaitraient vite comme un procédé mécanique si on ne se l’appropriait pas. Les soignants intègreront eux-mêmes la méthode qui modifiera, à terme, leur façon de conduire le récit des événements du week-end.

Un zest d’intelligence émotionnelle

Un minimum d’intelligence émotionnelle permettrait aux uns et aux autres de retraiter leurs émotions de s’en servir non pas comme quelque chose de négatif qui les encombre au point qu’il faille les gérer pour ne pas qu’elles les débordent.

Le terme « intelligence émotionnelle » a été introduit par les psychologues Peter Salovey et John Mayer. Il décrit la compréhension que nous avons de nos émotions et de celles des autres ainsi que la capacité à les exprimer de la façon la plus satisfaisante pour nous et pour les autres. Chacun de nous a des capacités émotionnelles, a une intelligence des émotions. Certains sont doués, d’autres le sont moins, mais dans tous les cas il est possible d’augmenter son potentiel d’intelligence émotionnelle.[11]

C’est en traitant nous-mêmes nos émotions, en étant synchrones avec elles que nous pourrons contenir celles qui débordent le patient. On ne contient qu’en se contenant collectivement.

Dominique Friard

Notes :

BERNE (E), Des jeux et des hommes, Stock, Paris, 1967.

BION (W. R.), Aux sources de l’expérience, trad. de l’anglais, PUF, 1979.

CYRULNIK (B), Un merveilleux malheur, Odile Jacob, Paris, Paris, 2002.

FUSTIER (P), Les corridors du quotidien, Dunod, Paris, 2008.

FUSTIER (P), Le travail d’équipe en institution. Clinique de l’institution médico-sociale et psychiatrique. Dunod, Paris, 1999.

GOLEMAN (D)., L'Intelligence émotionnelle, J’ai lu, coll. “ Bien-être ”, Laffont, 1997.

KAES (R), Les alliances inconscientes, Dunod, Paris, 2009.

PAUMELLE (P), Le mythe de l’agitation des malades mentaux. In Entretiens Psychiatriques, 1953, p. 181-93 l’Arche éditeur, et L’information Psychiatrique, vol. 52, no 6, juin 1976, p. 715-20, présentés par Paul Béquart, ibid p. 701 et 704.

PAUMELLE (P), Essai de traitement collectif du quartier d’agités, Editions ENSP, Rennes, 1999.

PETITCOLLIN (C), Emotions, mode d’emploi, Jouvence Editions, St-Julien-en-Genevois, 2003.

SERVAN-SCHREIBER (D), Guérir, Robert Laffont, Paris, 2003.


[1] PAUMELLE (P), Essai de traitement collectif du quartier d’agités, Editions ENSP, Rennes, 1999.

[2] PAUMELLE (P), Le mythe de l’agitation des malades mentaux. In Entretiens Psychiatriques, 1953, p. 181-93 l’Arche éditeur, et L’information Psychiatrique, vol. 52, no 6, juin 1976, p. 715-20, présentés par Paul Béquart, ibid p. 701 et 704.

[3] FUSTIER (P), Les corridors du quotidien, Dunod, Paris, 2008.

[4] FUSTIER (P), Le travail d’équipe en institution. Clinique de l’institution médico-sociale et psychiatrique. Dunod, Paris, 1999.

[5] KAES (R), Les alliances inconscientes, Dunod, Paris, 2009.

[6] BERNE (E), Des jeux et des hommes, Stock, Paris, 1967.

[7] PETITCOLLIN (C), Emotions, mode d’emploi, Jouvence Editions, St-Julien-en-Genevois, 2003.

[8] BION (W. R.), Aux sources de l’expérience, trad. de l’anglais, PUF, 1979.

[9] SERVAN-SCHREIBER (D), Guérir, Robert Laffont, Paris, 2003.

[10] CYRULNIK (B), Un merveilleux malheur, Odile Jacob, Paris, Paris, 2002.

[11] GOLEMAN (D)., L'Intelligence émotionnelle, J’ai lu, coll. “ Bien-être ”, Laffont, 1997.

 

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