Billets de blog

  • Masques jetables/lavables et temps qui passe

    Masques jetables/lavables et temps qui passe

    Aurons-nous le temps ?

    Aurons-nous le temps de démonter le réveil,

    D’en découvrir le mécanisme,

    De ralentir l’infernal tictac qui nous dicte son timing ?

    Aurons-nous le temps de secouer les puces de nos smartphones ?

    Aurons-nous le temps de rajouter quelques grains au sablier

    Et du liquide dans la clepsydre ?

    Pas le temps.

     

    Nous n’avons pas le temps.

    Haletants, nous courons d’un rendez-vous à l’autre

    Honteux d’un confinement heureux.

    Victimes du temps suspendu qui s’est imposé à nous

    Et de la dette qui s’égrène que l’on voudrait bien nous voir payer.

    Pauvre directeur du Rouvray qui persécute les soignants militants

    Qui ont alerté la population sur l’absurdité de ses méthodes,

    Sur la mise en danger des soignants et des patients

    Bricolée dans son établissement.

    Aurons-nous le temps de le contrer 

    Les larmes à la main ?

    Petite manipulation, petites gens, petits esprits

    Dans un costume bien trop grand pour eux.

    A la préfecture de Paris, c’est la casquette qui dirige

    On a cherché le Préfet

    On le croyait aux champs

    On pensait qu’il récitait des vers.

    On a soulevé la casquette

    Il n’y avait rien d’autre sous l’uniforme qu’un mécanisme fou

    Qui répétait en boucle

    Les ordres de son Maître :

    « Papon, Papon, Papon ».

    Aurons-nous le temps de balayer ces épouvantails ?

    Qui sait qui sait qui sait qui sait

     

    Nous n’avons pas le temps.

    Le temps m’accule, le temps t’accule

    Et passent les secondes, les minutes et les heures

    Nous n’avons pas le temps

    C’est le temps qui nous a.

    Perdons-le …

    Echangeons-le contre un sourire

    Le parfum d’une rose

    Un lever de soleil par matin clair

    Un aria, une cantate ou un boogie-woogie

    La lente caresse d’une main aimante.

    Le temps nous aura.

    Quoi qu’il arrive, quoi que nous fassions.

    Ces marionnettes qui s’agitent sous les projecteurs

    Ces fantoches aux casquettes d’Allemands ou de Mario tristes,

    Ces zutistes maniaques d’une vie saine en sacs poubelle et en masques jetables lavables

    Finiront au Castelet

    Sous les huées réjouies des petits n'enfants.

    D. Friard

     

     

  • Grand Bal du Printemps de la Psychiatrie

    Le grand bal du printemps de la psychiatrie

    « Les fleurs avec nous ! Les fleurs avec nous ! Les fleurs avec nous ! »

    On avait invité les fleurs au grand bal du printemps de la psychiatrie.

    Chacune avait reçu son préavis de rêve acheminé par une abeille diligente. Elles avaient longuement choisi leur parure. Chacune s’était maquillée, avait repassé ses pétales, affuté ses épines pour éloigner les gros bourdons casqués et castanérisés. Elles s’étaient parfumées pour accompagner le blues des blouses blanches, noires et bleues.

    On avait planqué les perturbateurs endocriniens qui avaient rejoint neuroleptiques et antidépresseurs au musée des horreurs libérales.

    On les avait toutes invitées pour n’en vexer aucune. Les pensées s’étaient libérées des IRM, des professeurs Tournesol et des petites lumières qu’elles allumaient dans l’hippocampe et sur l’aqueduc de Sylvius. On croisait des pensées profondes, des pensées obscènes, des pensées positives qui méditaient en position du lotus, des pensées uniques cachectiques, des pensées du jour en uniforme, drapées dans le drapeau bleu, blanc, rouge de Blanquer, des pensées obsédantes traitées par T.C.C, des pensées de Pascal et de Pierre Dac qui serinaient le discours sur la méthode ABA, des pensées envahissantes qui se faisaient du mouron, des pensées loufoques qui parlaient de transfert et d’écoute, des pensées morbides entourées d’immortelles et de pissenlits mangés par la racine, des pensées de Marc Aurèle et d’Orelsan, des pensées vagabondes qui descendaient le boulevard de l’hôpital. Elles braquaient le projecteur sur les nouveaux évangélisateurs, catéchumènes d’une psychiatrie enfin scientifique. De la dopamine pour les toxicos du cerveau ! De la noradrénaline pour les dopés du neurone ! Et un Centre expert pour tous !

    On avait invité les fleurs au grand bal du printemps de la  psychiatrie.

    Un parfum de printemps flottait sur la ville lumière qui sortait doucement des ténèbres. Prévert faisait le Jacques, Béranger arrosait la fleur qui lui pousse à l’intérieur, Brel apportait des bonbons. Et le chœur répondait : « Les fleurs sont périssables. Surtout lorsqu’elles sont en bouton mais l’idée de fleur, elle, est immortelle, comme le printemps, comme la révolte, comme le soin. ». Une sève nouvelle irriguait nos veines. On osait des métaphores inouïes. La partie se prenait pour le tout, et le tout défilait le poing levé.

    On avait invité les fleurs, toutes les fleurs. Les rimes masculines et les rimes féminines. Et même celles qui ne riment à rien. Les belles échappées qui sentent le retour à la maison après l’isolement, les modestes qui se planquent sous la mousse comme tant d’infirmières en réunion. Les belles de jour toujours et de nuit qu’on ne passera pas, les dames-d’onze-heures qui cherchent midi à quatorze heures et arpentent les trottoirs parsemés de fleurs qui poussent sur le fumier de la misère psychique. Fleurs de riches et fleurs de pauvres. Fleurs de béton, de canicule, de caillasse et de montagne que des jardiniers aux mains habiles protègent des désherbants. Orchidées aux friselis envoûtants. Fleurs de banquet vendues en tapis, en bouquet, en cascades qui célèbrent des unions où l’on se déchirera à belles dents avant d’aller consulter au CMP. Prévoir quelques mois d’attente, les psys se font rares.

    On avait invité les fleurs au grand bal du printemps de la  psychiatrie.

    Les fleurs en serre avaient décliné l’invitation. Mesurées, jaugées, évaluées, calibrées, certifiées, elles séchaient sur place exsangues comme une quelconque psychiatrie publique.

    La rose du petit prince n’en finissait plus de se préparer, lissant chacune de ses pétales tout en prenant garde au fondamental mouton de Panurge que ses épines n’effrayaient guère. Un peu.

    Un tapis de marguerites dessinait un anneau de Moebius en effeuillant l’Aimée de Lacan. Beaucoup.

    Un œillet flétri, rescapé de la révolution portugaise, décorait la boutonnière de l’illustre psychiatre inconnu qui avait vendu son âme à Lily, Sanofi et autre Otsuka. Passionnément. 

    Un parterre d’oseille attendait la raiponce des actionnaires et perdait patience. A la folibérale !

    Un peu, beaucoup, passionnément, à la folie ! A la folie ! 

    A la folie ! Toast jamais porté.  

    Ni Dieu, ni maître et la folie pour compagne !

    On avait invité les fleurs au grand bal du printemps de la psychiatrie

    Les grévistes de la faim de Rouen, les blouses noires, les perchés du Havre, les secoués de serpsy, les zunifiés, les zupéhesses de partout, les 39 et les 40-12, l’appel des appels et les moins-un, ceux de Sud et ceux du Nord qui ne devaient rien à Céline, ceux de la CGT qui en avaient marre de végéter, les non-dupes et les autres, les fils conducteurs et les points de capiton, les psy causes et la criée, humapsy et la Fedex tout ceux-là et beaucoup d’autres manifestaient pour le printemps de la psychiatrie, pour un renouveau du soin psychique.

    Ils étaient tous là. Ceux qui dessinent un arc-en-ciel chaque fois que la pluie tombe sur la psychiatrie, ceux des boules de neige lancées sur les CRS, ceux qui entonnent des canons (à eau) chaque fois qu’un technocrate leur explique le soin, ceux qui persistent à se servir du nom-du-père quand l’époque se voue aux images, ceux qui gardent les portes ouvertes et se passent de windows, ceux qui vomissant Cortexte, Cariatide et Cimaise préférent raconter les soins sur une feuille d’assertion. Ils étaient tous là, les scribes et les interprètes, ceux qui musent et ceux qui habitent l’espace tonal. Et ça défilait, ça défilait.

    On avait invité les fleurs au grand bal du printemps de la psychiatrie.

    Un peu, beaucoup, passionnément, à la folie ! A la folie ! 

    A la folie ! Toast jamais porté.  

    Ni Dieu, ni maître et la folie pour compagne !

    Le lierre, les ronces et la vigne vierge rêvaient d’envahir les chambres d’isolement qui ne serviraient plus à rien. Les chardons se bardagaient pour en interdire l’entrée.

    Le muguet agitait ses clochettes qui tintinnabulaient pour un premier mai festif.

    Les digitales avaient à cœur de montrer du doigt les économies de bouts de chandelle, les CDD courts qui rendent les équipes exsangues, les recommandations idéologiques de la haute autorité de santé.

    Sur ce fumier poussait le soleil, espoir de renouveau pour un soin psychique en attente de jardinier.

    Un peu, beaucoup, passionnément, à la folie ! A la folie ! 

    A la folie ! Toast jamais porté.  

    Ni Dieu, ni maître et la folie pour compagne !

    Les roses blanches pour ma jolie maman désertaient les services de pédopsychiatrie envahis par des spectres. Ritaline et neuroleptiques, les sales  plantes chimiques, avaient remplacé les entretiens et les packs, les activités en tous genres qui fleurissaient au temps joyeux d’une clinique créative.

    En psychiatrie d’adulte, les gentils coquelicots mon âme devenaient deux trous rouges au côté droit malgré tous les  plans suicide édictés par le gouvernement. Des couronnes mortuaires saluaient les avancées de la psychiatrie scientifique.

    On avait invité les fleurs au grand bal  du printemps de la psychiatrie.

    Les azalées trop zélées pour zézayer un oui, les pivoines trop rouges, trop confuses, des bégonias oubliées sur les balcons de tristes HLM de banlieue, elles étaient toute venues. Jusqu’à l’oiseau de paradis qui se prenant pour un colibri tentait d’attiser l’incendie qui venait. 

    Un peu, beaucoup, passionnément, à la folie ! A la folie ! 

    A la folie ! Toast jamais porté.  

    Ni Dieu, ni maître et la folie pour compagne !

    « Dans un état de droit,  les fleurs c’est à la boutonnière, avait ricané le président. Des fleurs dans les rues ce n’est pas dans le protocole.

    -C’est égal, qu’on a répondu, la prochaine fois on invitera des fauves ! »

     

    Hirondelle

    Dominique du Printemps de la psychiatrie et de serpsy

     

  • Manifeste pour un Printemps de la Psychiatrie

    PRINTEMPS DE LA PSYCHIATRIE

    POUR UN RENOUVEAU DES SOINS PSYCHIQUES

    L'association Serpsy fait partie des organisations fondatrices du Printemps de la psychiatrie. Elle a contribué à organiser des rencontres débats, en PACA,au C.H. Montperrin, Montfavet et Valvert. Le confinement a mis fin à ces  échanges. Dès que le printemps reverdira nos coeurs, elles reprendront. 

    Manifeste

    La psychiatrie et la pédopsychiatrie n’en peuvent plus. Depuis déjà plusieurs décennies, ceux qui les font vivre ne cessent de dénoncer leur désagrégation et de lutter contre le déclin dramatique des façons d’accueillir et de soigner les personnes qui vivent au cours de leur existence une précarité psychique douloureuse. En vain le plus souvent. Ce qui est en crise, c’est notre hospitalité, l’attention primordiale accordée à chacun et à un soin psychique cousu-main, à rebours du traitement prêt-à-porter standardisé qui se veut toujours plus actuel. Les mouvements des hôpitaux du Rouvray, Le Havre, Amiens, Niort, Moisselles, Paris… ont su bousculer l’indifférence médiatique et rendre visible au plus grand nombre le chaos qui guette la psychiatrie. Pour percer le mur du silence, il n’aura fallu rien de moins qu’une grève de la faim …

    Devant cette régression organisée, nous nous engageons tous ensemble à soigner les institutions psychiatriques et à lutter contre ce qui perturbe leur fonctionnement. Patients, soignants, parents, personnes concernées de près ou de loin par la psychiatrie et la pédopsychiatrie, tous citoyens, nous sommes révoltés par cette régression de la psychiatrie qui doit cesser. Il s’agit pour nous de refonder et construire une discipline qui associe soin et respect des libertés individuelles et collectives.

    Contrairement à la tendance actuelle qui voudrait que la maladie mentale soit une maladie comme les autres, nous affirmons que la psychiatrie est une discipline qui n’est médicale qu’en partie. Elle peut et doit utiliser les ressources non seulement des sciences cognitives, mais également des sciences humaines, de la philosophie et de la psychanalyse, pour contribuer à un renouveau des soins axés sur la reconnaissance de la primauté du soin relationnel. Notre critique de ce qu’est devenue la psychiatrie ne peut faire l’impasse sur la responsabilité de ses gestionnaires.

    Les avancées de la recherche scientifique ne peuvent durablement être confisquées par des experts auto-proclamés dont les liens avec l’industrie pharmaceutique sont parfois suspects. Les savoirs scientifiques ne doivent pas servir d’alibi à des choix politiques qui réduisent les sujets à un flux à réguler pour une meilleure rentabilité économique. Nous sommes face à une véritable négation du sujet et de sa singularité, au profit de méthodes éducatives, sécuritaires ou exclusivement symptomatiques. Les interdits de pensée sont devenus la règle d’une discipline où l’on débat de moins en moins. La psyché humaine est tellement complexe qu’elle n’obéit à aucune causalité, simple et univoque, et se moque des réductions idéologiques. Toute approche privilégiant une réponse unidimensionnelle est nécessairement à côté. Nous récusons, dès lors, toute politique d’homogénéisation des pratiques. Une politique qui détruit la cohérence des équipes et instrumentalise la parole des patients fige la capacité d’inventer à force d’injonctions paradoxales, dans la nasse de discours sans épaisseur et mortifères.

    Aussi, si les budgets de la psychiatrie et de la pédopsychiatrie, sans cesse rognés depuis des années, doivent  être largement revalorisés, comme l’exigent toutes les mobilisations actuelles, c’est l’appauvrissement des relations au sein des lieux de soins qui est notre souci premier. La standardisation des pratiques protocolisées déshumanise les sujets, patients et soignants. Le recours massif aux CDD courts, le tarissement organisé de la formation continue, l’inadéquation des formations initiales qui privilégient cours magistraux et visionnages de DVD sans interactions entre les étudiants et leur formateur, contribuent à la désagrégation des équipes au sein desquelles le turn-over est de plus en plus important. La continuité des soins et la cohésion des équipes en sont durablement compromises. Nous devons opposer à cet état de fait la spécificité de la maladie psychique, qui sous-tend la nécessité d’une approche singulière et d’un travail spécifique d’équipes pluridisciplinaires en institution psychiatrique ainsi que dans le médico-social, et la co-construction d’alliances thérapeutiques fécondes avec les personnes accueillies. C’est tout le monde de la psy et des psys, en institution ou pas, qui est concerné.

    Nous voulons en finir avec l’augmentation continuelle du recours à l’isolement et à la contention, la contrainte doit cesser d’être la norme. Le droit des patients, hospitalisés ou non, est régulièrement ignoré, parfois volontairement bafoué. Cette violence institutionnelle, régulièrement dénoncée par la Commission Européenne des Droits de l’Homme,  touche en premier lieu les soignés, mais affecte aussi les soignants. La psychiatrie et le secteur médico-social doivent pouvoir s’appuyer sur des équipes stables avec des personnels non interchangeables quel que soit leur statut. Ils doivent pouvoir bénéficier d’un assise solide qui autorise la parole et propose de véritables évolutions de carrière.

    Au-delà du soin, nous voulons travailler à des accompagnements alternatifs, nouer des liens équilibrés avec les différentes associations qui œuvrent dans la cité. Nous voulons multiplier les lieux qui cultivent le sens de l’hospitalité avec un accueil digne et attentif aux singularités de chacun.

    Nous nous engageons à participer, organiser, soutenir tout débat, toute action ou mouvement cohérent avec ce manifeste, avec tous les professionnels, leurs syndicats, les collectifs, les associations de familles et d’usagers, et l’ensemble des citoyens qui souhaiteraient soutenir et développer une psychiatrie émancipatrice du sujet.

    Nous appelons à participer à la manifestation nationale du 22 janvier 2019 à Paris.

     

    Debout pour le Printemps de la psychiatrie !

     

    Fete