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  • Sous l'Adamant coule la Seine

    Sous l'Adamant coule la Seine

    Faut-il qu'il nous en souvienne ?

    Ce mercredi 19 avril, pour la sortie nationale du très beau film de Nicolas Philibert "Sur l'Adamant", l'Utopia d'Avignon a organisé une soirée débat en partenariat avec les associations Serpsy (Soin Etudes et Recherche en psychiatrie), Le Point de Capiton et Isatis. Deux heures d'échanges et de débats ont accompagné le film. Quelque chose d'une phrase de Roger Gentis flottait dans l'atmosphère : "La psychiatrie doit  être faite (et défaite) par tous (et par chacun)". 

    La longueur de la file d'attente était de bon augure. Il allait y avoir du monde à la séance. Ce 19 avril, à 20 heures, l'Utopia d'Avignon avait organisé une soirée débat autour du film "Sur l'Adamant" de Nicolas Philibert, Ours d'Or au dernier festival de Berlin. Qu'un documentaire traitant de la psychiatrie puisse être primé à un festival est en soi un évènement. Que la nouvelle soit reprise par ces médias qui depuis des années sont fermées à la psychiatrie de secteur, ne relayant que le pire de la discipline, contribuant ainsi à la pérénnisation des mesures coercitives et à la suppression de lieux tels que l'Adamant, nous était une douce ironie. 

    La salle était comble. Lorsque Boris, notre hôte nous a présentés, j'ai reconnu quelques visages : Angélo, Joëlle et Serge, Pascale. Les associations Serpsy et le Point de Capiton, partenaires de l'Utopia animaient le débat mais d'autres associations qui n'apparaissaient pas sur l'affiche s'étaient jointes à nous : Isatis, l'Unafam, des représentants du Conseil Local de Santé Mentale. Ces soirées débats accueillent souvent beaucoup de personnes intéressées sinon concernées par la psychiatrie, les débats y sont souvent riches. Certains viennent de loin. Je me souviens ainsi d'une femme qui arrivait d'Uzès à plus d'une heure et demie de route pour participer à une rencontre sur la maladie d'Alzheimer.   

    Nous avons donc vu le très beau film de Nicolas Philibert. S'y superposait parfois les images d'autres films récents que nous avions vu, également à l'Utopia : "Habiter", "Funambules", "Les mots des autres". Comment ne pas penser à la nef des fous (Das Narrenschiff) de Jérôme Bosch ou au poème de Sébastien Brandt même si Philibert convoque un tout autre univers beaucoup moins fantastique. Michel Foucault en retire trois enseignements : 

    - La folie est intolérable pour la société,

    - Le fou n'est pas plaint mais craint, il faut éviter toute contagion en l'envoyant au loin ou en le réléguant dans l'espace laissé libre par les lépreux,

    - Le concept de folie est  diffus et imprécis. 

    Nef des fousii

    La ségrégation, le secret et la dissimulation continuent de prévaloir aujourd'hui comme hier, comme si la folie pouvait se planquer sous le tapis. Qui nous fera croire que des médias puissent découvrir brusquement un lieu de soin amarré depuis plus de dix ans sur les berges de la Seine, en plein Paris. Il y faut une certaine cécité. C'est le premier mérite du film : nous faire découvrir un lieu d'accueil et de soin qui fonctionne quasiment sous nos fenêtres (quand on est parisien). Quand on y pense ce n'est pas rien. Il est assez facile de situer les grands hôpitaux parisiens (qu'ils soient de pointe ou non) mais cette péniche qui fait honneur à la psychiatrie parisienne, qui la connaît en dehors de ceux qui la fréquentent et qui y travaillent ? Segrégation, secret, dissimulation. Il est certain qu'elle tranche avec la vision sarkozyenne, hollandoise et macronienne de la psychiatrie. Rien n'y évoque la violence, les méthodes coercitives qui font trembler les lotissements lors du J.T. La nef parisienne est immobile à la différence de celle de Bosch. Les voyages qui s'y accomplissent sont intérieurs. Il faudrait parler d'abord de l'accueil, l'accueil encore et toujours. La bienvenue à celui qui embarque pour un café, une heure ou une journée dans ce centre de jour. Accueil, bienvenue. C'est le moindre du soin. Recevoir dans un lieu accueillant, que l'on a pensé comme tel. Du bois pour la couleur, l'ambiance, la chaleur, la vie. De la lumière pour chasser les miasmes, les idées noires, les hallucinations. Etre attentif. Et le fil de l'eau qui invite à la méditation.

    On pourrait raconter ce que les images de Philibert montrent. Peut-être qu'on verrait mieux. Voir le film, déplier et après raconter. Le sautillement d'un oiseau, qui un dossier sous son bras, pénètre dans la péniche. Chut ! Allez y voir ! Pour nous c'est le banal du soin et des rencontres que nous avons connus ... hier. En arrière-plan, un corps qui s'étire fait quelques mouvements d'étirements. Hôpitaux de jour, CATTP (Centre d'Accueil Thérapeutique à Temps Partiel), CMP c'est de cette façon que nous accueillions, recevions ceux qui cherchaient auprès de nous un havre de paix où poser un peu leur fardeau. Tous ces espaces aujourd'hui fermés, désertés par des soignants requis par d'autres tâches plus sécuritaires. Il y aurait tant à dire. Sur la trouille créée, entretenue. Sur la trouille qui justifie isolement et contention. Et ce lieu miraculeusement découvert grâce au talent et à la curiosité d'un cinéaste.  

    Le film a été applaudi. L'hommage des spectateurs au cinéaste mais aussi à une psychiatrie qui privilégie la rencontre, la mise en commun, le comptage collectif de la recette du jour en guise de remédiation cognitive. Mince, les comptes ne tombent pas juste. Il y a une erreur de caisse. On cherche ensemble. Je ne vais pas vous raconter le film. Non. Passe un col vert au fil de l'eau et ailleurs, un autre jour, une vedette de la police.  

    Le débat. C'est toujours bon signe quand les spectateurs restent après le générique de fin, quand chacun reste dans son fauteuil et attend. Le débat. Il a duré deux heures. Il y avait tant à dire. Tant à essayer de comprendre. Il y avait des soignants (infirmiers, psychiatres, psychologues,  travailleurs sociaux), membres ou non d'associations locales, des enseignants confrontés aux mêmes attaques contre le secteur public, des artistes (metteur en scène, comédien(ne), peintre), des personnes en soins dans les structures que le néolibéralisme n'a pas encore fermé, des membres de familles dont le proche a été impacté, touché par la maladie mentale. Des familiers des débats de l'Utopia que l'on croise presque à chaque fois. Des inconnus. Tout un peuple de concernés par la psychiatrie et la santé mentale.  

    Nous étions trois co-animateurs : Simone Molina, psychanalyste, présidente du Point de Capiton, Marie Morhange, psychologue à Isatis et moi-même D. Friard de l'association Serpsy. Trois regards différents et complémentaires. Trois versions du dépérissement programmé de la psychiatrie, trois professionnels engagés. Et la question, la fameuse question à plusieurs millions d'euros. Que faire, que changer, qu'imaginer, que rêver pour que des lieux comme l'Adamant redeviennent la norme ?  

    Il fut finalement peu question du film lui-même comme si les images se suffisaient à elles-mêmes. Comment en sommes-nous arrivés là ? Comment cette psychiatrie française qui faisait notre fierté a-t-elle pu tomber si bas ? Quels choix politiques ? Quels renoncements ont favorisé cette désagrégation ? Les échanges furent combattifs comme l'écrit Simone Molina. Pour un accueil et un "tressage" des expériences et des lieux. Ensemble nous sommes plus forts. On ne défend bien une pratique qu'en nouant des liens, ce dont témoigne le film, le Conseil Local de Santé Mentale et le débat lui-même.

     

    D. Friard  

     

     

     

  • Variations picturales (et poétiques) autour de la fonction phorique

    Variations picturales (et poétiques) autour de la fonction phorique

    Stimulés par une exposition de Catherine Tartanac à l'ancienne église médiévale de Puyloubier, des membres des associations Lapsus Numérique, Le Point de Capiton et Serpsy ont décliné quelques variations poético-théoriques autour de la fonction phorique, chère à Pierre Delion. 

    Toute proche de la Montagne Saint-Victoire, jadis magnifiée par Paul Cézanne, l'ancienne église médiévale de Puyloubier (13), rebaptisée espace Sainte-Marie, accueille, du 8 avril au 6 mai,  une exposition de tableaux de Catherine Tartanac dédiée au mythe de Saint-Christophe, le géant qui fit traverser une rivière tumultueuse au Christ enfant. Au milieu de la rivière, le géant qui porte le Christ sur ses épaules, sent le poids du monde l'écraser et craint de perdre la maîtrise de sa traversée et de s'y noyer. Arrivé sur la berge l'enfant lui dit qui il est et le remercie de l'avoir, un moment soulagé de ce poids si lourd à porter. Catherine Tartanac, peintre inspirée également par la psychanalyse, se saisit de cette anecdote, hagiographique au fond, pour interroger picturalement la fonction phorique. Du St Christophe en bois polychrome de l'église de son enfance à ces grands panneaux qui évoquent des icônes qui feraient part à l'invisible, c'est un chemin de vie, de création qui se devine ... 

    Puyloubier

    Ce 15 avril à 15 heures, une conférence sur le thème de la fonction phorique rassemblait Sébastien Firpy, Christophe Baïdi, Paul Henry de Villeneuve de l'association Lapsus Numérique, Simone Molina du Point de Capiton, Pascal Levy et Dominique Friard de l'association Serpsy (Soins, Etudes et Recherche en Psychiatrie). Prenant appui sur les oeuvres de Catherine Tartanac, sur ses représentations du saint et sur le concept de fonction phorique, les conférenciers ont fait dialoguer art et psychanalyse, poésie et peinture, psychiatrie et politique. Dans l'ancienne église rénovée, fière d'accueillir une cinquantaine de spectateurs, avertis ou non, Michel Tournier et son Roi des Aulnes, Salvador Dali, Christophe l'ancien Réprouvé, Marc Gérard Rap et ses poèmes, Winnicott, Pierre Delion, deux Toyotas et une mercédès, un criminel de guerre ont été convoqués pour broder un fil de réflexion autour des différents formes sociales, politiques, artistiques et culturelles que peut revêtir, aujourd'hui, la fonction phorique (sémaphorique et métaphorique) que l'on peut définir comme "une sorte de philosophie du soin  qui consiste à accueillir l'autre et à le porter tout le temps nécessaire, jusqu'à ce qu'il puisse se porter lui-même, physiquement et psychiquement." (P. Delion). Chacun conviendra qu'aujourd'hui cette philosophie de vie (tout autant que de soin) est soumise à rude épreuve et qu'il convient de multiplier les manifestations telles que celle-ci pour faire en sorte que non seulement elle reste vivante mais se propage dans le plus d'espaces possibles. 

    La conférence ayant été enregistrée, il sera possible de l'écouter (si la qualité de l'enregistrement le permet) sur le site de Catherine Tartanac. 

    Tartanac

    L'exposition dure jusqu'au 7 mai. A noter : le 6 mai Clara Pertuy, Mezzo-Soprano, animera un atelier vocal à 15 heures avant de donner un concert méditatif et poétique à 19 heures. 

     

    Dominique Friard 

     

     

  • "Occupe-toi de ce qui te regarde !

    " Occupe-toi de ce qui te regarde"

    Entre présence et distance, que devient notre regard ?

    Le 31 mars 2023, l'Association Serpsy (Soins, Etudes et Recherche en Psychiatrie) organise sa journée annuelle, gratuite dédiée à la question du regard dans les soins. Celle-ci se déroulera comme chaque année au Centre Hospitalier Montperrin, à Aix-en-Provence. Elle est gratuite sur inscription : serpsypaca@gmail.com. Attention, le nombre de places est limité. N'attendez pas ! 

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  • Paroles vives à l'AMPI

    PAROLES VIVES A L’AMPI

    2022 « La psychiatrie qui vient… »

    Les 20 et 21 octobre derniers, Jacqueline Fontaine, présidente de Serpsy, et moi-même, secrétaire de la même association, étions invitées aux 35ème journées annuelles de l’AMPI, à Marseille. La journée est coorganisée par les Ceméa, dite des « Centres d’Entraînement Aux Méthodes d’Education Actives » (CEMÉA) qui ont pour but depuis leur création en 1937, la diffusion des idées d’Education Nouvelle dans une dimension nationale et internationale. Reconnue d’utilité publique en 1966, elle se base sur l’expérience des personnes en formation. Le lien entre les Ceméa et la formation des infirmiers en psychiatrie date de 1947. Toute une histoire qu’il serait intéressant de revisiter un jour.  

    Thème de ces deux journées, de formation donc, « La psychiatrie qui vient » ! Vu l’état de la psychiatrie aujourd’hui, ce qui se prépare ressemble plus à un champ brûlé, déserté de ce qui fait le sens de nos actes comme après le passage d’un feu de forêt, pourtant annoncé depuis près de 30 ans. Champ où les sciences neuronales n’auront plus qu’à semer leurs petites graines comportementalistes pour patients programmables et objetisés. Ce qu’elles ont, bien entendu, déjà commencé à faire.

    L’ouverture des possibles

    Allant vent contraire à ce pessimisme lucide, l’argumentaire des journées se veut résolument ouvert vers l’inconnu. Calée dans mon siège auto que j’ai enfin fini par garer dans un coin de trottoir, je relis le programme plié dans mon sac. L’argumentaire de la journée cite le dernier livre de Didier Fassin, (anthropologue, professeur au Collège de France et membre de Médecin Sans Frontière - lu sur internet :  ouvrage collectif qu’il a dirigé « La société qui vient ») : « Si le moment critique que traverse notre société suscite l’inquiétude, il appelle aussi une ouverture des possibles ». Le texte de présentation finit sur une autre citation : De tout temps la folie a interrogé le thérapeute et le philosophe, alors, citons le philosophe Henri Bergson : « L’avenir n’est pas ce qui va arriver, mais ce que nous allons faire ».

    Nous voilà remis à l’endroit de notre pouvoir d’agir. Ce qui est autrement plus dynamique que le catastrophisme et la tentation de la plainte perpétuelle auxquels nous sommes enclins de bon droit, quand tout s’écroule autour de soi.

    Oui, nous pouvons résister. Mais comment ?

    Mais au fait, L’AMPI, ça veut dire quoi exactement ? Puisque je suis en formation, et que je suis mandatée par Serpsy pour écrire une sorte de compte-rendu de ces journées, j’en profite pour rafraîchir mes connaissances. Le logos sur le programme dit : Association Méditerranéenne de Psychothérapie Institutionnelle. L’association existe depuis 1988, (vu sur internet). 34 ans. (Tiens l’âge de ma fille). Un bel âge. Je vais m’apercevoir en effet que la psychothérapie institutionnelle, malgré ses premiers cheveux blancs, reste bien dynamique et alerte.

    Ils étaient près de 300 ans à La Blancarde

    Les journées ont lieu à l’Institut de Formation des Soins Infirmiers, La Blancarde. Le grand amphi au rez-de-chaussée en entrant à droite. 300 places. Plein. 270 personnes exactement, me dit-on.  Je remarque tout de suite la mixité des gens présents. Pas uniquement d’âge, avec des anciens et des jeunes, mais aussi de profession, infirmiers psychiatres psychologues aides-soignants, art-thérapeutes, musicothérapeutes… des causants, des écoutants, des collègues qui se retrouvent en groupe, d’autres seuls, venus là pour réfléchir, prendre des notes, du recul, des références d’ouvrages à lire, se nourrir. Une belle ambiance. Nous voilà résolument tournés vers l’avenir.

    Quand j’arrive à 9 h le premier matin, j’ai la bonne surprise de constater que je ne suis pas la seule en retard. Ce n’est pas facile de bouger dans Marseille, alors venir de l’extérieur, s’orienter, se garer, sans connaître la ville, ce n’est pas que c’est difficile, c’est une épreuve. Le retard est une institution. Alors, chacun laisse le temps s’étirer. On papote en sirotant un café, un jus d’orange, en savourant un croissant, avec les collègues, dans les couloirs, la cour intérieure, devant la porte. La parole circule. Elle circulera tout au long de ces deux jours. Pas forcément en public, pas forcément dans une prise de parole au micro, ou lors des ateliers. Elle se pose sur les bords, sur d’autres chemins de circulation, dans les à-côtés du voisinage, les échanges au hasard des rencontres. Le temps se dilate, les horloges se calment. Il se passe autre chose. Je suis là pour ça aussi, me décaler de ce que je crois connaître. Découvrir. Risquer l’événement.

    Dans l’amphithéâtre, Marie-Claude Taliana, toute nouvellement élue présidente de l’AMPI est à la tribune. Elle ouvre les journées par un discours engagé. En voilà un bel extrait, qu’elle nous a communiqué :

    La psychiatrie qui vient …

    Dans un contexte sociétal néo-libéral, le système de soins est envisagé essentiellement sur un rapport économique, avec la gestion comptable des soins dans une perspective du moindre coût.
    Les secteurs de la psychiatrie, de la pédopsychiatrie et du médico-social sont confrontés à une désertification médicale sans précédent, une désaffection des personnels de santé épuisés, le personnel soignant en souffrance, en perte de sens, des dispositifs d’accueils saturés, des fermetures de lits …

    Dans ce contexte social pathogène, aggravé par la pandémie de Covid, la croissance des troubles psychiques est exponentielle et inquiétante. Le mot d’ordre est la réification des pratiques dans une perspective de standardisation des soins, avec des directives imposées par les instances gouvernementales et relayé par l’agence régionale de santé qui prône les neurosciences et les T.C.C au détriment de la psychiatrie transférentielle, de l’expérience de la rencontre.

    Alors, soyons « Balayeurs et pontonniers » comme le disait Jean Oury.
    Soyons « le moins dangereux possible » dans nos pratiques, faisons acte de résistance en créant des passerelles, en corrélant les différentes approches afin d’offrir une offre de soins favorable à la singularité, pour « qu’apparaisse quelque chose de l’ordre de l’avec, des greffes d’ouvert ».

    Nous vous proposons des espaces du dire – des espaces de rencontres et de débats – des temps de partages de nos pratiques.

    Comme le disait François Tosquelles : « … Les paroles qui s’envolent comme des feuilles mortes, se déposent cependant sur le sol et constituent la terre et l’humus sur lesquels on peut marcher et d’où pourront naître de nouvelles questions ».

    Alors, soyez cet humus, créons du possible, soyons les ouvriers, les architectes, les bâtisseurs de la psychiatrie qui vient ! »

    Le ton est donné. Oury et Tosquelles, les figures de proue de la psychothérapie institutionnelles, sont convoqués. Nous sommes en bonne compagnie. L’espace est pensé où nous allons pouvoir, dire, rencontrer et débattre. Nos paroles seront entendues et feront l’humus des questions à venir. Je suis tout ouïe. Alors, allons-y.

    Jeudi matin : de la garde des enfants aux choux-fleurs de Saint-Alban


    Les journées sont rythmées entre interventions en plénière et ateliers de discussions dans des salles plus restreintes. Trois ateliers au choix sont proposés l’après-midi : Langage et communication, L’hypothèse de l’inconscient et Le collectif.

    Le jeudi matin, dans le grand amphithéâtre, Loriane Bellahsen, pédopsychiatre et psychanalyste, a évoqué l’ambigüité et les travers qui s’y associent, quand l’équipe se prend à s’illusionner fonctionner comme une Famille. Elle a rappelé la notion d’amitié professionnelle dans ce qu’elle peut de dynamisme et d’écoute de la différence. Il a été question aussi des ouvertures engendrées par la porosité des espaces entre le privé et le professionnel quand cette fluidité se fait dans le respect de la parole et des fonctions de chacun. Elle évoque sa propre histoire personnelle, et les liens particuliers qui se sont tissés avec des patients après qu’elle en eut parlé lors d’un échange. La qualité de cette intervention était remarquable par la douceur du ton. La fluidité de la pensée allant d’un bord à l’autre de la discussion relatée au sein des équipes, exposant les arguments des uns et des autres, et le sien en propre, ainsi que la fermeté des positions qui en découlent, n’a pas laissé de place à l’ambiguïté de ce qui se joue au fond de cette « métaphore ».

    Le final de l’intervention de Lorianne Bellahsen touche un point particulièrement sensible, d’autant plus qu’il est très rarement abordé en public. Comment les soignants, tout statut confondu, peuvent-ils travailler sereinement si on ne prend pas en compte l’organisation de leur vie familiale, et précisément la garde des enfants, les laissant inquiets de ne pas être assez présents auprès d’eux et de les accompagner convenablement dans leur vie. La psychiatrie demande un investissement réel, autant en termes de quantité de travail sur le terrain, en réunions de toutes sortes, bien souvent en dehors des heures dans les unités de soin, mais également en termes de mobilisation psychique de chacun, et de formation continue. L’auditoire, à grande majorité féminine, a applaudi vivement.

    L’intervention qui suit est savoureuse. Pour qui aime l’humour des choux fleurs ! Une équipe de l’hôpital de St Alban nous retrace « l’itinéraire institutionnel d’un chou-fleur » à partir d’une séquence d’un repas thérapeutique au sein de l’hôpital de jour nommé Yves Racine, nom du psychiatre qui a instauré ce temps thérapeutique particulier, le repas partagé entre soignants et soignés. Justement il a été question des mouvements complexes que ces repas autorisent parmi les convives réunis face aux menus un brin répétitif, particulièrement le chou-fleur, mis à toutes les sauces. Malgré la richesse relationnelle évidente entre patients et soignants, analysée et mise en évidence, ce temps collectif est remis en question par la hiérarchie. L’exposé, choral, est tonique, insolent, inventif dans le langage. Par exemple quelques phrase prises à la volée : « La violence institutionnelle nous glace…On doit travailler à remettre du lien… S’attacher au langage para verbal, écouter le bruissement des choses, plutôt que le son… Il n’y a pas d’espaces pauvres, seulement des espaces pauvrement regardés… Michel Lecarpentier vole le chou-fleur et l’emporte à La Borde, il nous débarrasse du poids institutionnel en le transvasant ailleurs !... Transformer les éléments alpha en éléments béta, selon Bion. Associer les sens, les saveurs et la pulsion orale, manger, boire, parler… ». Voilà un petit aperçu de l’énergie combattive et joyeuse de cette équipe qui ne lâche rien face à l’arbitraire institutionnel.

    L’échange avec la salle est riche. Alors en vrac non exhaustif, il est question des équipes qui s’entendent bien et deviennent copains/copines/ collés/ oubliant la clinique et les patients. Il est question de la clinique du quotidien. De la différence entre l’amitié entre collègue et le copinage.  La crèche à Laborde, qui garde les enfants ? Les patients. L’on parle de Landernau, la capitale du chou-fleur, et de Yves Racine qui a quitté St Alban en 72, pour Maison Blanche à Paris ; de l’institution qui ne peut être travaillée qu’en lien avec les racines qui inscrivent dans l’histoire. Et que pour être dans le soin, il faut d’abord/en même temps/ l’être dans sa vie privée. Un psychiatre se confie « Quand je viens ici, je ne me sens pas complètement à côté de la plaque. » Et puis, la question du territoire, comme espace de rencontre. Aménager quelque chose qui facilite la circulation. C’est ça qui maintient la continuité existentielle qui permet d’inventer. Ces espaces complexes dans lesquels on circule soi-même/circulation complexe. La psychanalyse amène une parole publique, même si c’est dans le face à face du cabinet de la cure….

    Tolten, poète psychologue, jongleur de mots et rimailleur de sens, « chasseur de sens, cueilleur de mots », nous régale d’une synthèse humoristique des deux tables rondes.

    « Un havre de paix »

    Puis, a suivi un film. « Un havre de paix » réalisé par une artiste cinéaste en résidence dans un hôpital de jour de Bagnolet. L’équipe soignante est au complet sur le plateau de l’amphithéâtre, accompagnée par trois patients et l’artiste elle-même. Il a été question de leur détermination pour infléchir les résistances institutionnelles afin de mener à terme ce projet. La création d’une association extérieure à l’établissement a permis de créer une nouvelle articulation avec les tutelles financeuses, pour « que la vie rentre à l’intérieur du lieu de soins », dira avec pertinence, un jeune en soins dans l’unité. Comment cette action, et ce lieu où « on peut venir comme on est » dira le même jeune, a permis à chacun de cheminer à son rythme et de se découvrir autrement. Parfois, de se révéler à lui-même tout simplement, par la confiance et le temps pris dans l’accueil de la différence de chacun. Une jeune fille a pu témoigner comment ce film et ce lieu avec l’ambiance créée par les soignants, lui ont permis doucement de « sortir de sa chrysalide ». Là, elle se sentait utile. Une jeune psychomotricienne, dont c’est le premier poste, est émue aux larmes d’être là sur le plateau de l’amphithéâtre, à nous parler : « ça donne de l’espoir ce qui se passe là, aujourd’hui, alors qu’on nous dit que peut-être on va mourir dans 10 ans, avec ce qui se passe sur la planète. Là, c’est la vie. » Un psychiatre intervient de la salle, qui va donner du sens à l’émotion de la jeune fille : « Participer à une œuvre collective permet de dire quelque chose de soi. La création de cette association a permis de créer ce film au-delà du hiérarchique, un mouvement est né qui permet la prise de parole, l’objet du désir de chacun peut trouver une place dans ce travail collectif. C’est ça l’idée d’un faire collectif qui ouvre vers l’extérieur. »

    « En même temps que le collectif se crée, le mouvement se crée », dira le lendemain, en écho, Patrick Chemla dans son intervention « Reconstruire un horizon d’attente ».

    Les pauses café, repas, occasionnent de multiples rencontres, et échanges sur ce qui s’est passé, et permet de se donner des nouvelles. Je retrouve quelques copains. Raimond Negrel me raconte les déboires de leur action de maraude auprès des sans domicile fixe, au sein de Médecins du monde, et les solutions qu’ils ont trouvées pour continuer cette action nécessaire et tellement utile à Marseille. Le livre co-écrit avec Marie-France Negrel relatant les rencontres et la pensée qui sous-tient solidement leur démarche n’a pas suffi. (On peut en lire la présentation en cliquant sur ce lien Négrel Marie-France et Raymond, Résistance et travail de rue (serpsy1.com) Ils n’ont pas renoncé et ont trouvé un autre groupe pour les accueillir. Un clin d’œil de connivence et un salut chaleureux à Anne-Séverine en pleine discussion. C’est une collègue de Serpsy.

    Aneïla Lefort, psychiatre de Gap vient d’arriver. Elle tient à être là. Elle est très émue. Cet après-midi il y aura un hommage par Guy Baillon à Dimitri Karavokyros, mort cet été, un psychiatre qui a fortement compté pour elle, et dont la disparition lui est encore douloureuse. (On peut lire l’hommage de Serpsy à Dimitri en cliquant sur ce lien Salut Dimitri et fraternité (serpsy1.com) ).  

    Un groupe discute avec Chemla, Le Carpentier, et quelques autres. Nous nous saluons. Le journal de Lapsus Numérique est en vente dans l’espace librairie. Je me promets d’en acheter un numéro. Mais je vois qu’ils vendent la thèse de Tosquelles sur La fin du monde dans la psychose. Un petit coup de fil à mon mari, pour vérifier que nous ne l’avons pas déjà dans notre bibliothèque, et l’ouvrage convoité est dans mon sac. Promesse d’un tête à tête avec François Tosquelles, premier psychiatre, après Nasio, sur l’hystérie livre conseillé par la mère, psychiatre psychanalyse, d’une amie, livres que j’ai lus quand je suis entrée en psychiatrie alors que j’étais encore dans l’entre-deux du pallier où je me posais, entre art et soin. C’est lui qui m’a initiée à ces approches subtiles de circulation et de territoire, de social-thérapie disait-il, qui m’ont mise en alerte face à une psychiatrie qui oubliait son nom de soignant, quand j’ai choisi de quitter l’ASM 13 à Paris, mon premier lieu de découverte du soin psychique, pour d’autres lieux de soins.  Je n’ai pas trouvé d’autres lieux d’accueil en province. Je n’ai trouvé qu’une psychiatrie, qui rend fou et malheureux, surtout les soignants et que j’ai pris grand soin de fuir.

    L’hypothèse de l’inconscient

    Les ateliers thématiques en petits groupes, ont lieu l’après-midi. J’ai choisi « L’hypothèse de l’inconscient », sans réfléchir, parce que ça m’intéresse. Jacqueline, « Le Collectif ». Ça l’intéresse.

    Une trentaine de personnes sont assemblés dans une salle de réunion plutôt petite. Il manque des chaises, certains vont rester debout. Les animateurs de l’atelier sur « L’hypothèse de l’inconscient » sont Michèle Benahim, Patrick Chemla et Michel Le Carpentier. Michèle Benahim nous invite à réfléchir à partir de la phrase de Lacan « L’inconscient c’est le politique ». Elle amorce la discussion par quelques notes personnelles jetés sur un carnet qu’elle nous lit.

    Tant de choses ont été dites pendant ces trois heures d’atelier qu’il serait illusoire d’en faire un résumé. Je vais juste tenter de vous exposer ce qui m’en reste et ce que j’en ai retenu. La question, amenée par plusieurs prises de paroles, est celle de comment faire avec cette violence institutionnelle imposée d’en haut, sur les équipes soignantes, les mettant en difficulté quant à leur manière de faire avec la folie. Ruser ? Ou Affronter ? En réponse, sans répondre car chaque situation évoquée est à considérer dans sa spécificité d’histoire et de contexte, donc en réponse, il apparaît que la solitude des soignants est particulièrement mortifère. Aller en quête d’autres, avec lesquels il y aurait une convergence de point de vue. Echanger, dire, rencontrer. Surtout ne pas rester isolé-e dans son unité, en proie aux tenailles de la culpabilité, de la dépression ou de la paranoïa que l’institution, par son poids hiérarchique et sa masse inerte, sait si bien instiller au sein des équipes de soins. Je pense à nous, Serpsy, et son collectif de soignants. Nous nous réunissons une fois par mois, c’est un lieu possible où l’on peut échanger entre collègues ce qui se vit sur le terrain.

    Un étrange phénomène, une surprenante surdité

    C’est pourtant dans cet atelier qu’un dérapage a eu lieu. Qui m’a vivement intéressé par ce qu’il signifiait au sein de cette assemblée réunie pour questionner « Cette hypothèse de l’inconscient », et m’a fait réagir avec force car quelque chose se disait, justement, de cet inconscient, mais le nôtre, pas celui d’un ailleurs dont on aurait quelque chose à en dire. Le nôtre, celui qui nous prend par surprise, à notre insu, dit-on.

    J’avais déjà remarqué dans la journée un étrange phénomène. Une sorte de refoulé de l’histoire de la psychiatrie récente. Un non-dit, un oubli, une sorte de point aveugle et qui nous revient en boomerang. Les éminentes personnalités présentes dans l’assemblée, qui prenaient si facilement la parole, soit pour donner du sens à ce qui se passait « en live », soit qu’elles précisaient de ci de là des points d’histoire, glissaient, comme sur une savonnette, sur l’année 1992, date de l’abolition du diplôme d’infirmier du secteur psychiatrique. Ce n’était pas la première attaque contre la psychiatrie ré inventée de l’après-guerre. Le combat fut rude sur tous les fronts. Mais celui-là, brutal, il y a trente ans, a porté un coup fatal à ce champ tout neuf, tout débutant, du soin infirmier dédié au psychisme et à ses maladies. Attaque contre les infirmières du Secteur Psychiatrique, les ISP, donc, bien formées, précieuses collaboratrices travaillant en équipe avec les médecins et qui savaient de quoi elles parlaient. Déjà à l’époque, on note une absence de positionnement des collègues médecins face à cette attaque. Alors que la profession réagissait énergiquement contre cette annulation pure et simple de son diplôme. Silence radio des médecins. Pourtant, je me souviens de Jean Oury, lors d’un de ses séminaires mensuels à St Anne, où je me rendais avec une amie collègue de l’ASM 13 où je travaillais à l’époque, quand il avait dit : « Cette disparition du diplôme d’infirmier du secteur psychiatrique est une véritable catastrophe pour la psychiatrie. » De l’importance du dire sans faux semblant.

    Et là, à cette 35ème édition de l’AMPI, il ne s’en dit rien. 30 ans après. Je regarde ma camarade de Serpsy, Jacqueline. Que les médecins n’en parlent pas, soit. Mais nous, infirmières, rien ne nous interdit d’en dire un mot. Je suis Diplômée d’Etat, je ne me sens pas totalement légitime. Jacqueline, ISP, syndicaliste, prend la parole et malgré son rhume ce jour-là, parle fort et clair.  Elle remet la date fatale de l’année 1993 dans la chronologie comme un des points de départ flagrant du marasme annoncé d’une psychiatrie sommée de faire des économies ouvrant la voie royale aux neuro sciences. Lors d’une de nos recherches au sein de Serpsy, nous avions découvert un article écrit par un médecin mandaté par le ministère de la santé, pour analyser les dépenses de la psychiatrie, et trouver des solutions pour réduire le coût de la maladie chronique qu’est, de fait, la psychose, puisque c’est, nous le savons, une atteinte de structure dans la personnalité. Coûts, trop lourds, et forcément portés par la société via la Sécurité Sociale. Jusqu’alors, personne ne se posait la question de comment faire des économies dans un domaine aussi public que celui de la santé. Sans aucune inhibition, ce texte exposait une vision capitaliste du soin faisant irruption dans la notion de mission de service public, c’est-à-dire la détournant et l’inscrivant dans la loi d’une économie de marché. C’est suite à cette analyse économique que l’expression « prise en charge du patient » est entrée dans le vocabulaire usuel. Combien coûte le soin psychique à la société ?

    Après l’intervention de Jacqueline dans l’amphithéâtre de plus de 200 personnes, rien. Pas de commentaires. Mais à la tribune, une jolie digression sur …sur quoi déjà ? Je ne m’en souviens plus…. Mais cela n’avait rien à voir… Une pirouette, habile, élégante. L’épisode du diplôme d’ISP est passé sous silence. Comme s’il ne s’était rien passé. D’ailleurs, à quoi bon en parler, c’est de l’histoire ancienne. Y aurait-il deux vitesses dans l’histoire ? La « grande » et la « petite » histoire ? Celle patrons et celle des gens de peu ? Je ronge mon frein.

    Les obéissants soldats de la psychiatrie

    Alors, quand le lendemain matin, lors de la deuxième session de l’atelier « L’hypothèse de l’inconscient, ou L’inconscient c’est le politique », quand une collègue psychologue évoque les infirmiers comme des soldats obéissants sous les ordres d’une hiérarchie à laquelle ils sont soumis, alors que nous évoquons les contentions et les mises en isolement de patients, je réagis fortement. Non, je ne suis pas d’accord qu’on dise ça ! Je n’ai pu reprendre ce qui venait de se dire que plus tard, lors des restitutions des ateliers dans le grand amphithéâtre. Entre temps, j’avais échangé avec une collègue psychiatre qui, elle aussi, avait trouvé cette sortie significative. Il n’était pas question de mettre en accusation qui que ce soit, bien entendu. Mais de repérer dans cet épisode ce qu’il y a en nous de contradictoire, voire de paradoxal dans ce qui s’exprime quand nous parlons. Surtout si on s’en défend mettant en avant la dimension métaphorique de l’image utilisée. Je m’étonnais que dans des journées comme celles de l’AMPI, on put entendre ce genre de jugement de valeur sans que ce soit discuté. Et je m’interrogeais à haute voix : « Y aurait-il une lutte de classe entre infirmiers et psychiatres, qui ne dit pas son nom ? Si ça, ce n’est pas de l’inconscient politique, et si nous n’en faisons ou n’en disons rien, alors de quoi parle-t-on ? Que faisons-nous là ? » J’ai évoqué les discussions qui naissent hors assemblée, quand on marche dans les couloirs, quand on croise un regard, entre deux ou trois personnes, parce que prendre la parole au micro, et structurer sa pensée pour l’exposer au public, ce n’est pas facile. Deux ou trois personnes ont répondu à mon intervention, abordant plus la forme que le fond et la discussion en est restée là. Je me dis qu’il faudra encore, et encore y revenir.

    L’après-midi, l’intervention de Guy Baillon en hommage à Dimitri Karavokyros, fut très touchante. Il a évoqué le lien ancien qu’ils avaient maintenus d’une amitié fraternelle et professionnelle, rempli d’admiration de la part de Guy Baillon envers « ce grand frère », même s’il était en réalité un peu plus jeune de quelques années. Il regrettait que, même à cette occasion de sa mort, il avait encore une fois, été le premier, avant lui. Mais qu’il n’était pas très loin derrière.  Effectivement, une génération de psychiatres, engagés dans l’idée du secteur, nourris de psychanalyse et de clinique au plus près des patients et des soignants avec lesquels ils font équipes, est en train de passer le relai à une autre génération de médecins. C’est sans doute ce que j’ai trouvé de plus précieux dans ces journées, ce temps partagé collectivement, entre nos deux générations. La nôtre, et celle « qui vient… »

    Tenir parole, limiter les abus

    Mathieu Bellahsen et Patrick Chemla, deux générations justement, ouvrent la dernière table ronde. Le premier, dans son intervention « Tenir parole, limiter les abus » nous fait le récit de ses déboires au sein d’une institution prise par des angoisses mortifères en temps de covid, et prenant des mesures abusives vis-à-vis des patients hospitalisés. Il est discret quant à l’attitude d’une partie de son équipe ayant été très offensive, dans cet épisode. Sa conclusion ouvre sur un ensemble d’informations car, dit-il, il y a des ilots de résistances, dans des lieux improbables, hors des sentiers usés, hors des hôpitaux publics. Il se passe des choses là-bas aujourd’hui qui interrogent la pratique du soin psychique, et la notion de collectif. Autrement. Ailleurs.

    Pour Patrick Chemla, reconstruire un horizon d’attente, c’est d’abord faire l’analyse de l’institutionnel, aujourd’hui. Il y a une primauté du contre-transfert institutionnel, il faut faire avec. Même si le constat est triste. Dans son déroulé, à un moment, il cite Durruti, anarchiste espagnol mort au front, en 1939, pendant la guerre d’Espagne. J’ai noté quelques bribes de la citation, que je n’ai pas retrouvée entièrement : « …le collectif …. où est bannit le « moi », l’effacement du « moi », mais développement de l’individualité au sein du collectif, et déchéance du chef… »  La psychothérapie institutionnelle n’est qu’un nom, un mot qui désigne un processus, et non un objet observable. D’ailleurs, pendant 10 ans, Tosquelles parlait de social thérapie.  Tiens, une autre phrase saisie au vol et notée sur mon carnet : « Oury disait « l’hétérogène, c’est de l’hétéroclite travaillé. »

    Toutes sortes d’informations sur ce qui se passe à Valvert, hôpital marseillais, sur le front des psychologues, sur l’exposition Tosquelles organisée entre l’Espagne et la France, organisée par une universitaire franco-espagnole, Maso et qu’on peut voir à Madrid en ce moment, des références d’ouvrages à consulter, comme l’histoire populaire de la psychanalyse, et mille autres perles savoureuses se sont égrainées le long de ces deux jours. Impossible de rendre compte dans cet écrit forcément sélectif, subjectif car personnel.

    Que la réalité soit fragmentée à l’infini, et nous échappe, c’est tant mieux. C’est ce qui donne valeur à la présence, au collectif, et à la parole vive.

    Après ces deux jours à ces journées de l’AMPI, je repars le cœur léger quoiqu’un peu agité d’avoir pris la parole en public. Et je sens par cet acte comment le désir est amplifié de maintenir vivante la parole, la nôtre, celle des soignants pour rendre compte de notre réalité. Nous ne sommes pas, contrairement au fantasme qui a émergé dans la journée, je n’ai jamais senti faire partie d’une armée dont nous serions des soldats envoyés en premières lignes au massacre sous les ordres de généraux lointains et supérieurs. Et de quelle bataille s’agit-il ?  

    La psychiatrie que j’ai connue était communautaire, attentive, circulaire, ouverte, urbaine, intelligente, déductive. Elle cultivait l’écoute, le doute et la question. Evidemment, cela n’empêche pas la lutte des classes de se manifester.

    Novembre 2022.

    Madeleine ESTHER, art-thérapeute RNCP, secrétaire chez Serpsy

     

  • Colloque Serpsy 31 mars : "Occupe-toi de ce qui te regarde

    « Occupe-toi de ce qui te regarde ! »

    Entre présence et distance, que devient notre regard ?

     

    « En février 2020, nous proposions d’organiser notre journée de février 2021 sur le regard : le regard dans la rencontre, le regard comme miroir de l’âme, le regard contenant, le regard persécutif… Penser une clinique du regard qui éclaire le lien qui se crée avec le patient et la construction psychique… Nous étions loin de penser à quel point cette thématique serait pertinente.

    En mars 2020, la France et le monde se confinaient, les masques apparaissaient et confinaient nos visages et les émotions que le moindre de nos muscles exprimait. Nos façons d’être ensemble en ont été modifiées. Au gré d’un va-et-vient entre le « distanciel » et le « présentiel », nous sommes de plus en plus captés par des écrans qui s’interposent entre l’autre et nous.

    Les vagues successives nous ont contraints à repousser la journée en 2023.

    La pandémie a aggravé les conditions d’accueil et de suivi des patients dans une psychiatrie en cours de désagrégation. En 2021, le nombre de lits a diminué à un rythme plus soutenu encore qu’au cours des années d’avant-crise. Les effets psychiques de la pandémie et du confinement ont fragilisé des populations déjà insuffisamment prises en charge.

    Les établissements ont privilégié le clairement visible et prévisible, la protocolisation et la technicisation des pratiques. Ces « dispositifs scopiques » ont pour effet d’évacuer toute l’opacité nécessaire à la temporalité psychique et à la subjectivité. Du trop « voir », aliénant et mortifère, ou un moindre regard, contenant et subjectivant ? Le temps de voir est-il toujours le temps pour comprendre ?

    Pascale Molinier écrit dans une Tribune Libre du Monde « les personnels soignants quittent l’hôpital parce qu’ils ne veulent pas devenir des monstres ». Faut-il être nécessairement monstrueux pour travailler en psychiatrie aujourd’hui ? Quel regard portons-nous sur les patients que nous soignons ? S’agit-il de les surveiller derrière la vitre d’un aquarium, en regardant l’écran de l’ordinateur, tout en répondant au téléphone ? Qu’est-ce que le patient nous donne à voir ? Comment le regard est-il impliqué dans l’écoute ? Quelle place donnons-nous au symptôme et comment l’identifions-nous ? Que nous apprennent ces mutations institutionnelles sur la fonction contenante du regard ou sa dimension aliénante ? 

    Le 31 mars 2023, à Aix-en-Provence, au CH Montperrin, à l’Amphi Vallade, nous vous invitons à « une présence », pour se voir, pour penser ensemble, pour retrouver comme le dirait Anzieu « un regard qui fasse une peau pour la pensée ». »

    Le colloque est gratuit mais le  nombre de place étant limité, il faut s'inscrire à cette adresse : serpsypaca@gmail.com

     

  • L’éducation thérapeutique du patient avec l’appli Semio8G du Grieps

    L’éducation thérapeutique du patient avec l’appli Semio8G du Grieps

    Un nouvel outil pour le soignant

    Lors d’un post-groupe d’une séance d’ETP consacrée aux voix, Germaine et Luc, deux infirmiers explorent les potentialités de l’appli semio8G élaborée par des chercheurs du Grieps.

    Luc et Germaine, tous deux infirmiers dans une unité de réhabilitation, viennent d’achever une séance d’éducation thérapeutique dédiée aux voix. Cette 4ème séance d’un programme axé sur la connaissance de la schizophrénie a été riche. Les sept patients ont évoqué leurs hallucinations auditives et les moyens qu’ils utilisaient pour les réguler. Les deux soignants se retrouvent, après la séance, pour un débriefing autour d’un thé.

    Luc qui est un tout jeune infirmier est émerveillé. Bien sûr, il a étudié l’éducation thérapeutique lors de sa formation initiale. Il a travaillé sur différents programmes : diabète, hypertension artérielle, anticoagulants. Il perçoit bien l’intérêt de la démarche qu’il a pu expérimenter lors d’un de ses stages en cardiologie.

    En psychiatrie, il ne croyait pas ça possible. On lui avait dit que les patients schizophrènes n’avaient pas conscience de leurs troubles. Il ne voyait donc pas comment évoquer les hallucinations, le délire avec des patients qui, pensait-il, enverraient paître le soignant qui leur parlerait d’une maladie qu’ils étaient convaincus de ne pas avoir. Lorsque Germaine[1], une infirmière de secteur psychiatrique chevronnée, lui a proposé de coanimer le groupe avec elle, bien qu’un peu sceptique, il a sauté sur l’occasion. La séance a bousculé tout ce qu’il pensait savoir sur le sujet.

    « Je n’en reviens pas qu’ils parlent, comme ça, aussi facilement de leurs hallucinations. Je croyais qu’ils étaient dans le déni des troubles.

    - C’est plus complexe que ça Luc, répond Germaine.

    - Ah bon ?

    - Oui, la conscience des troubles n’est pas binaire. Ça ne fonctionne pas en tout ou rien. Tu connais l’appli Semio8G du Grieps ?

    - Euh non, qu’est-ce que c’est ?

    - C’est une application de sémiologie psychiatrique élaborée par des formateurs du Grieps (B. Villeneuve, J-M Bourelle, G. Saucourt, R. Klein), un organisme de formation qui existe depuis 45 ans. Je te laisse le lien de connexion : Semio8G, votre appli de sémiologie psychiatrique - Grieps  Le 6 octobre 2022, après deux ans et demi de travail, le Grieps a offert gratuitement le lien aux professionnels engagé dans le soin en psychiatrie.

    - Gratuitement, c’est cool.

    - Oui, ça fait partie de leurs valeurs. Le savoir psychiatrique et sémiologique en ce qui concerne l’appli appartient à chaque professionnel. En tant que formateurs, ils se considèrent d’abord comme des passeurs, des éveilleurs. Il te suffit, du coup, d’une application internet pour afficher le contenu sur ton PC, ton téléphone mobile ou encore ta tablette.

    - Euh, quel intérêt ?

    - C’est un outil numérique de sémiologie psychiatrique, susceptible d’améliorer notre praxis clinique. Regarde ! Le statut mental ou arbre sémiologique comprend 8 domaines, 55 sous-domaines et 268 mots avec leurs définitions. Deux cents exemples vidéo, écrits, liens internet pertinents permettent à l’utilisateur d’aller plus loin pour affiner sa compréhension de la terminologie. L’insight est un de ces domaines, allons voir ce qu’il nous propose. Il suffit de cliquer.

     Semiopsy8

    - Insight clinique et insight cognitif, hum. Quelle est la différence entre les deux ? Je clique.

    - C’est facile d’accès, non ?

    - Oui, tu peux l’avoir toujours avec toi, où que tu sois. Comme n’importe quelle appli.

    - Alors voyons l’insight peut être traduit en français par « conscience du trouble », « déni » ou « anosognosie ». Je n’avais pas tort en parlant de déni.

    - Non, non je t’ai juste dit que c’était un tout petit peu plus complexe. Continuons …

    - Je clique sur insight clinique puis sur insight cognitif. Il est relatif à la conscience de la maladie et à son implication en termes de prise en charge thérapeutique. L’insight cognitif, lui, est défini comme la capacité du patient à reconnaître ses déficits cognitifs et à leur attribuer une cause. Ça signifie qu’on peut reconnaître des déficits cognitifs sans les relier à une maladie ?

    - Oui c’est ça.

    - Tout à l’heure, au début du groupe quand Aïcha a dit qu’elle n’avait pas lu le fascicule sur les voix parce qu’elle n’arrivait pas à se concentrer, ni à retenir ce qu’elle lisait, on pourrait dire que c’était de l’insight cognitif ?

    - Oui tout à fait mais l’attribuait-elle à une maladie ?

    - Pas du tout. Elle a dit que c’est l’œuvre des djinns. Aïcha a donc de l’insight cognitif mais pas d’insight clinique. Je reviens à l’insight. « Le patient a-t-il conscience de la maladie ? Quel est son degré de conscience ? » Le patient pense clairement avoir un trouble mental : « J’ai une maladie, je souffre de schizophrénie ». » C’est ce que nous a dit Hervé. Il a commencé par ça.

    - Hervé a fait un sacré parcours avant d’en arriver là. Cela fait une vingtaine d’années qu’il est malade. Il a fait beaucoup d’activités de psychoéducation.

    - On retrouve ce qu’a dit Claire : « Le médecin m’a dit que je souffrais de schizophrénie. Je ne suis pas certaine d’être d’accord avec lui. Mais bon, j’ai quand même quelque chose qui ne tourne pas rond. »

    - Jean-Paul et Christine ont tenu à peu près le même discours.

    - Dans les inconscients, on retrouve aussi les propos de Jordan et de Luc qui n’adhèrent pas du tout aux propos de leur psychiatre. Donc, dans le groupe, on a un patient conscient, trois ou quatre quelque peu conscients et deux inconscients.

    - C’est cela. C’est la proportion que nous essayons d’avoir dans ces groupes d’ETP. Il s’agit à chaque fois de créer une dynamique entre ceux qui savent, ceux qui savent un peu et ceux qui ne savent rien du tout ou ne veulent pas savoir. Les uns entraînent les autres. Les échanges entre pairs sont beaucoup plus riches. L’expérience vécue a un poids que le discours des soignants n’a pas.

    - Tu as raison, d’ailleurs qu’ils soient conscients ou non, tous ont évoqué leurs voix et expliqué comment ils les régulaient, qu’ils les pensent comme un phénomène normal, morbide ou non.

    - Tiens, si on revenait au groupe.

    - D’accord, mais après si tu veux bien on regardera du côté de la perception pour catégoriser les hallucinations exposées par les patients.

    - Bonne idée.

    - Je sens que je n’ai pas fini d’explorer cette appli. »

     

     

     

    Dominique Friard

     

     


    [1] Clin d’œil à Christophe Malinovski qui a créé le personnage de Germaine, une Infirmière de Secteur Psychiatrique (ISP) chevronnée, qui guide parfois ses jeunes collègues dans les méandres de la clinique. On peut la retrouver sur Il était une fois en psychiatrie (iletaitunefoisenpsychiatrie.blogspot.com)

  • Débat Funambules à l'Utopia le 11 octobre

    Funambules

    Le 11 octobre à 20 heures, en Avignon, dans le cadre de la Semaine d'Information en Santé Mentale (SISM), la MDPH 84 et un collectif d'association (Isatis, Preuve, l'Unafam, Le Point de Capiton et Serpsy) présentent le film d'Ilan Klipper : Funambules. La projection sera suivie d'un débat destiné d'abord à déstigmatiser la maladie mentale et ensuite à réfléchir collectivement sur cette réalité dont on ne veut rien savoir et/ou qui défraye la chronique quand les médias montent en épingle telle ou telle affaire. 

    FUNAMBULES - Cinéma Utopia Avignon (cinemas-utopia.org)

     

     

  • Salut Dimitri et fraternité

    Salut Dimitri et fraternité

    « Laragne a perdu son âme »

    Mon smartphone est devenu fou. « Kling ! » Les alertes se succèdent. « Kling ! » Textos et messages se multiplient. « Kling ! » Je pense que je suis loin d’être le seul à être ainsi envahi. « Dimitri est mort ». Je reçois et j’envoie à mon tour. « Kling ! » Le son des tamtams serpente le long du Buëch, franchit les vallées et les monts. Du Pic du Morgon, à l’Aubiou jusqu’au Vieux Chaillol, des doigts agiles colportent la triste nouvelle : le vieux lion est mort. « Les Africains ont un dicton, m’écrit Cathy. Quand une personne âgée meurt, c’est une bibliothèque qui brûle. C’est beau et ce fut ma pensée pour Dimitri. » « Kling ! » Dans les Hautes-Alpes et dans les Alpes de Haute Provence, pour tous ceux qui gravitent autour de la psychiatrie, pour notre communauté, c’est un tremblement de terre : « Dimitri est mort ».

    Cette simple mention de son prénom dit tout. C’est Dimitri qui est mort. Pas le Docteur Karavokyros, pas l’ancien médecin-chef, pas le Kara des copains médecins, ni même Karavo. Dimitri. Tout simplement, tout familièrement. « Kling ! »

    Il s’est éteint dans la nuit du 21 au 22 mai. Dans son sommeil, semble-t-il. 

    On le croyait immortel. A le voir se rendre encore aux grandes relèves dans les unités, pour écouter, papoter, s’imprégner, faire du « Karavo » avec la dose nécessaire de mauvaise foi, avec ce goût de la dispute qui le caractérisait, cette façon de ne pas lâcher, de ne pas renoncer. La disputatio, écrit Frédéric, le cadre d’une des unités. Jean-Paul Lanquetin l’avait rencontré, il y a quelques dix jours, dans le cadre d’une recherche sur l’isolement et la contention. Dimitri, très en verve, lui avait raconté l’histoire du CHBD et une partie de celle de la psychiatrie. Daumézon son maître. Le syndicat des psychiatres. Guy Baillon, l’ami de presque toujours. Et d’autres, tant d’autres qui ont écrit les plus belles pages de l’histoire de la psychiatrie. Une belle histoire dans laquelle il tenait une place importante. « Kling ! »

    « Laragne a perdu son âme » m’a écrit Mireille.

    Laragne, une épopée sans isolement, ni contention. Rien que ça, ça dit l’homme. Combien d’établissements psychiatriques peuvent soutenir qu’ils n’utilisent pas de contention ? Combien ont refusé collectivement et à l’unanimité d’ouvrir des chambres d’isolement en 2009 ? Et pourtant Dimitri n’y était plus chef de service. Transmettre. Il a su nous transmettre un dur désir de liberté qui s’incarnait dans notre refus collectif des mesures coercitives. Encore et encore. Attiser la révolte, la soutenir. Quel âge avait-il, Dimitri ? Plus de 80 ans c’est sûr. Il me semblait parfois qu’il était le plus jeune d’entre nous. « Kling ! »

    Dimitri était psychiatre. Il avait fait les beaux jours du Syndicat des médecins des hôpitaux psychiatriques de 1972 à 1981. Il y fut, entre autres, chargé des relations avec les syndicats d’infirmiers et les organisations de paramédicaux. Il s’était joint à ses confrères M. Monroy et J. Gérardin pour rédiger le rapport « Formation et rôle de l’infirmier en psychiatrie » en ouverture du congrès de psychiatrie et de neurologie d’Auxerre, en septembre 1974. Renonçant à rédiger eux-mêmes le rapport, Dimitri et ses confrères, créèrent avec quelques infirmiers, un collectif qui s’organisa sous la forme d’une association à laquelle adhérèrent un très grand nombre de comités locaux. L’association pour l’étude du rôle et de la formation de l’infirmier psychiatrique (AERFIP puis AERLIP) élabora un document de 310 pages. Ne pouvant être accueillis par les congressistes qui se levèrent et quittèrent la salle au moment où M. Lababsa, infirmier à Clermont-de-L’Oise, prononça un discours élaboré collectivement, les quelques 400 infirmiers présents invitèrent les psychiatres à les retrouver pour continuer la discussion à Saint-Bris-Le Vineux, où ils étaient rassemblés. Quatre firent le déplacement, dont Dimitri. Nicole et Michel Horassius concluaient cette séquence dans le numéro de novembre de l’Information psychiatrique : « Ce n’était pas le moindre intérêt de ce congrès inhabituel que de révéler l’étonnement, sinon le malaise, des médecins devant ce qu’il faut bien considérer comme une manifestation de maturité, même si elle emprunte les formes contestataires de l’adolescence. Il nous sera peut-être difficile d’adopter une attitude de médecins adultes, sans honte ni condescendance, face à des infirmiers adultes et responsables à qui nous unissent les mille liens affectifs et identificatoires du tissu institutionnel. » Dimitri était sans honte et sans condescendance. Il respectait chacun et les liens affectifs et identificatoires entre nous étaient nombreux comme le montre notre tristesse commune à l’annonce de son décès. « Kling ! »

    Dimitri était psychiatre. De secteur. Au sens le plus exigeant du terme. Comme les infirmiers. Nous avions ça en commun. Le secteur. La population haut-alpine. Le soin. Il avait une connaissance presque physique des mouvements de population qui menait une famille du Nord de la France à venir habiter dans les Hautes-Alpes, à Embrun, pour qu’un enfant asthmatique respire enfin. Il connaissait le malaise des campagnes qui conduisait un agriculteur à accrocher une corde à une poutre. Nous en avions parlé ensemble pour un article, pour moi mémorable, sur le secteur dans Santé Mentale. C’était la seule fois où j’étais allé chez lui. J’avais été son secrétaire. La nuit nous avait interrompus. Il soutenait tout projet qui visait à rapprocher la population des soins. La proximité toujours, Friard. Farouchement opposé à l’asile, Dimitri était un militant du secteur. Et plus d’un d’entre nous s’était fait moucher d’être trop « asilaire ». Je me souviens de ces réunions au Club, quand Dimitri, trouvant que les propos étaient trop descriptifs, trop rejetant à propos d’un patient, trop convenus se tournait vers la droite, sortait son journal de son sac et l’ouvrait pour le lire. Il ne reculait devant aucune action parlante.     

    Chacun a ses souvenirs de Dimitri : ASH ou assistante sociale, infirmier ou psychiatre, éducateur spécialisé, patients, familles, cadre ou conseillère en économie sociale et familiale. Joël, l’infirmier dessinateur qui fit les illustrations de la revue Soins Psychiatrie pendant plus de dix ans se plaisait à le caricaturer dans la revue, dans les vestiaires. Dimitri souriait et parfois en riait. « C’était ma coccinelle », écrit Joël, faisant ainsi allusion au petit animal dont Gottlieb parsemait la moindre case de ses B.D. « Kling ! »

    Dimitri était un psychiatre attentif à ses patients. Il les suivait au long cours. Il ne les lâchait pas. Il était là quoi qu’il arrive, comme il était présent dans l’institution, aux réunions diverses et variées qui fabriquent la psychiatrie de secteur. En tant qu’infirmier, c’était un vrai bonheur que de suivre ces patients, ces familles parfois.

    J’ai tant de souvenirs de Dimitri qu’il faudrait un livre pour tous les déplier : les réunions le soir à l’AFREPSHA (Association de Formation et de Recherche des Personnels de Santé des Hautes-Alpes) pour préparer les journées qui accueilleraient la fine fleur de la psychiatrie, les effets de tribune destinés à relancer un débat qui roupillait, les soirées festives quand Dimitri refaisait le monde avec Guy Baillon, Pierre Delion, Jean Oury ou un intervenant plus ou moins prestigieux.

    Il nous est arrivé d’intervenir pour un même organisme de formation (l’Infipp) à Montpellier et à Montfavet. Dimitri avait en charge la psychopathologie et moi le soin quotidien. Je lui succédais. Dimitri, ça lui cassait les pieds d’enseigner la psychopathologie, ce qui l’intéressait c’étaient les soins, à hauteur d’infirmier, ce qui se fabriquait avec les patients.  Les stagiaires s’attendant à un cours magistral de sémiologie renâclaient parfois. Il leur répondait : « La psychopatho, vous verrez ça avec Friard. Il fera ça très bien. » Quand j’arrivais le jeudi et que je présentais le contenu des deux jours de formation, ils m’interrompaient : « Euh, et la psychopathologie ? Le Dr Karavokyros nous a dit que c’était vous qui l’abordiez. » Merci Dimitri. C’est ainsi que je me retrouvais régulièrement à improviser autour de la psychopathologie. Ce fut très formateur.

    Il ne s’en vantait pas tant ça allait de soi pour lui mais Dimitri avait une qualité énorme, hélas de plus en plus rare : il savait faire confiance. Aux patients comme à ses collègues soignants. « Kling ! »

    Merci Dimitri !

    Dominique Friard

     

  • Les infirmiers psychiatriques au cœur du soin

    Les infirmiers psychiatriques au cœur du soin

    M. Combret, D. Friard, J-P. Lanquetin, B. Villeneuve

    Editions Seli Arslan

    Véronique avait fait partie d’un spectacle de rue et était allée à l’Hôpital L’eau vive, à Soisy Sur Seine, elle avait brièvement fréquenté l’Ecole des Beaux-Arts, avant de tailler la route jusqu’en Turquie. Marie était animatrice de colonie de vacances et de centre de loisirs. Serge se destinait à devenir professeur de musique. Il avait fait le conservatoire et était allé en faculté de musicologie. Il avait été saxophoniste dans la musique militaire. Maryline avait fait une première année d’histoire. Elle voulait devenir archiviste, documentaliste mais a développé une allergie à la poussière. Marc-Henri était entré aux PTT, au tri postal. Il jouait aussi aux fléchettes et est devenu champion de France de la discipline. On lui a proposé d’être démonstrateur professionnel de fléchettes électroniques. Ahmed a tâté du droit, été pompier volontaire, infirmier militaire. Éric a débuté dans un IUT en gestion et organisation de la production. Il a multiplié les petits boulots comme couper des fromages, sortir des sacs de courges d’un container, les éventrer avec un couteau et les verser dans une grille. Leurs parcours sont divers, parfois cocasses, mais tous deviendront infirmier(e)s en psychiatrie, de secteur ou non. Qu’est-ce qui les a amené(e)s au soin et plus particulièrement à la psychiatrie ? Qu’y ont-ils trouvé qui les a conduit(e)s à y rester et à y faire carrière ? C’est ce qu’ils racontent à Seli Arslan qui les interviewe dans un nouvel ouvrage : Les infirmiers psychiatriques au cœur du soin.

    Celles et ceux qui étaient infirmièr(e)s de secteur psychiatrique ont vu leur diplôme supprimé, pour certain(e)s alors qu’ils venaient juste d’être diplômé(e)s, comment ont-iels réagi ? Ont-iels baissé les bras ? Ils racontent des parcours très riches qui ont amené l’une à un doctorat en soins, une autre à la formation, un autre à la psychoéducation, un autre encore à la création d’une radio, etc. Ils ne sont pas restés les deux pieds dans le même sabot. Ils racontent le soin, les rencontres avec les patients, l’évolution de la psychiatrie, sa mise en déshérence.

    Certain(e)s travaillent toujours comme infirmier(e)s. Certain(e)s sont retraité(e)s, mais demeurent toujours actifs dans le champ. Ils sont devenus formateurs dans des organismes de formation, spécialisés ou non : Infipp, Grieps, ISIS, etc. Ils ont à cœur de transmettre leur savoir.

    Ces huit rencontres avec des femmes et des hommes remarquables en disent probablement plus sur la psychiatrie que bien des traités théoriques ou sociologiques. Seli Arslan sait, par ses questions, leur permettre de rebondir, d’aller plus loin, de préciser leurs propos.

    Quatre « théoriciens » commentent, mettent en musique, contextualisent ces parcours : Michel Combret décrit la sociologie de la profession, Benjamin Villeneuve retrace son histoire, Dominique Friard évoque un des savoirs perdus et Jean-Paul Lanquetin rassemble tous les fils et en resitue l’épistémologie.

    Un livre à lire pour mieux comprendre ce qui se passe aujourd’hui en psychiatrie.

     

    D. Friard

       

  • L'an 01 de la psychiatrie. Manifeste

    L’an 01 de la psychiatrie

    Manifeste à faire circuler

    L’an 01 de la psychiatrie : on arrête tout, on réfléchit et c’est pas triste. Et d’abord rencontrons-nous pour parler, échanger autour de nos pratiques, de ce que l’on peut faire, de ce que l’on aimerait faire, des moyens de pouvoir y parvenir, de le penser, de l’organiser.

    Lorsque le 23 mars 1992, le législateur supprime le diplôme d’Infirmier de Secteur Psychiatrique (ISP), il ne fait pas que créer le diplôme d’Etat d’infirmier polyvalent (IDE) en adaptant la formation aux recommandations européennes. En expurgeant progressivement la formation de ces IDE des contenus psychiatriques et de sciences humaines qui structuraient la formation d’ISP, il affirme qu’il n’y a pas besoin de posséder des connaissances spécifiques pour soigner une personne souffrant de troubles psychiatriques.

    Les personnes en état maniaque ou mélancoliques, celles qui délirent bruyamment, qui sont envahies par des hallucinations acoustico-verbales, celles dont l’organisation limite les pousse à attaquer tout lien à l’autre, celles qui vérifient plus de 200 fois que leurs robinets et portes sont bien fermées, doivent bénéficier des mêmes types de soins, réalisés avec le même type de raisonnement clinique que les personnes souffrant d’un infarctus, d’une sclérose en plaque ou d’un diabète. Le savoir être du soignant, son investissement dans la relation, les mécanismes de défense qu’il déploie et ceux auxquels il est confronté seraient donc de même nature. Il ne serait ainsi pas nécessaire que le soignant apprenne à travailler sur lui-même, développe ses qualités d’insight ou s’initie à la dynamique des groupes.

    Trente ans après ce décret, au moment où les derniers ISP partent en retraite, il est souhaitable d’en tirer un bilan et quelques leçons. L’Etat aurait pu se borner à entériner les recommandations européennes en termes de contenu, d’heures de formation, d’ouverture aux sciences humaines. Il aurait pu, surtout, constatant un manque, créer une véritable formation complémentaire, un diplôme universitaire (D.U. de soins psychiatriques) comme l’ont fait quelques établissements privés (ASM XIII, La Verrière) et même la Suisse (avec le CAS et le DAS), voire créer une nouvelle spécialité infirmière. Il n’en a rien fait et n’a même jamais envisagé de le faire.

    Trente plus tard, les contentions qui étaient devenus rares voire exceptionnelles se sont banalisées. Les différents textes de lois qui visent à en restreindre l’utilisation se heurtent à un mur de méconnaissance : « On ne sait pas comment faire autrement » gémissent les infirmiers polyvalents qui imposent physiquement ces mesures et les psychiatres qui en prennent la décision. Et, de fait, comment pourraient-ils faire différemment si au cours de leurs formations initiales, cette question n’a été à aucun moment abordée ou travaillée ? Il s’agit d’une véritable perte de chance pour les patients hospitalisés. Comment concilier l’empowerment (pouvoir d’agir des usagers, autonomie) tant proclamé par les différentes strates de l’Etat et le fait, pour une personne hospitalisée d’être enfermée, attachée à son lit pendant un temps plus ou moins long ? Toute contention suffisamment prolongée a un coût cognitif, psychique (traumatisme) qui entraîne une perte d’espoir et de confiance en ses compétences. Une personne qui a été attachée ou isolée, demandera moins souvent des soins quand elle se sentira moins bien. C’est alors la confiance en l’institution psychiatrique, elle-même, qui est compromise avec les risques d’aggravation symptomatique et leurs conséquences sur la vie sociale de la personne voire pour l’ensemble de la société elle-même. Une véritable perte de chance qui devrait conduire ceux qui en sont responsables devant les tribunaux. 

    Cette suppression du diplôme d’Infirmier de Secteur Psychiatrique, et surtout des contenus de formation qui y étaient attachés, apparaît rétrospectivement, avec la suppression du CES de psychiatrie pour les médecins, comme la première attaque contre la psychiatrie en tant que discipline. Depuis 1992, on ne compte plus les textes et règlements qui réduisent, éparpillent, amputent, dénaturent le soin en psychiatrie et le secteur qui visait à soigner chacun au plus près de chez lui. Faut-il les lister au moment où leur accumulation paupérise la psychiatrie et transforme les personnes hospitalisées en citoyens de seconde zone ?

    La sociologue D. Linhart, auteure de nombreuses enquêtes et ouvrages dont le dernier « La comédie humaine du travail. De la déshumanisation taylorienne à la sur-humanisation managériale » est sorti en 2015 aux Editions érès, analyse bien ce passage. Elle note que Taylor (le père du taylorisme) avait très tôt identifié qu’au sein des entreprises, le savoir c’est le pouvoir. Il faut donc éviter quand on est manager « d’avoir des gens capables d’opposer un autre point de vue en s’appuyant sur les connaissances issues d’un métier ou de leur expérience. Si un salarié revendique des connaissances et exige qu’on le laisse faire, c’est un cauchemar pour une direction. » C’est dans cette logique que fut supprimée la formation d’ISP. Devenus aujourd’hui des seniors, ils sont « les gardiens de l’expérience, ils sont la mémoire du passé. Ça ne colle pas avec l’obligation d’oublier et de changer sans cesse. Il y a donc une véritable disqualification des anciens. On véhicule l’idée qu’ils sont dépassés, et qu’il faut les remplacer. » Il s’agit, par-là, de « déposséder les salariés de leur légitimité à contester et à vouloir peser sur leur travail, sa définition et son organisation. L’attaque contre les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) se situe dans cette même idéologie de dépossession. Ils constituaient en effet des lieux de constitution de savoirs experts opposables au savoir des directions. Les seuls savoirs experts qui doivent désormais « légitimement » exister sont ceux portés par les équipes dirigeantes où se trouvent des gens issus des grandes écoles, secondés par des cabinets de consulting internationaux. » Ce qui vaut pour l’entreprise vaut pour l’hôpital désormais géré de la même façon.

    Le rapprochement avec l’hôpital général, permis par la mise au pas des « ornithorynques » psychiatriques a transformé la psychiatrie et les soignants qui y travaillaient en variable d’ajustement. Nos unités ressemblent d’ailleurs de plus en plus à des services de soins somatiques. Ils sont traversés par des blouses blanches qui n’ont plus le temps de s’arrêter auprès d’un patient qui va mal, de lui proposer un entretien, au débotté. Ils doivent nourrir l’ordinateur, cet ogre qui nous dévore chaque jour un petit peu plus. En temps réel évidemment. Et nous notons, cotons, gavons la machine sans prendre le temps de nous arrêter pour penser.

    La clinique, attaquée par les laboratoires pharmaceutique et les experts qu’elle finance, a mis en avant la notion de trouble qui ne décrit plus d’entité clinique clairement repérée.  Le trouble bipolaire a remplacé la vieille PMD et permis de multiplier la vente d’antidépresseurs. Les troubles du spectre autistique, diagnostiqués par les Centres expert pullulent. Bientôt, comme au Japon, la schizophrénie sera remplacée par le trouble de l’intégration, qui sera, certes, un temps moins stigmatisant mais sera vite repris par les discours médiatiques dès qu’un quelconque « cannibale des Pyrénées » sortira sans autorisation. Il est à craindre que les multiples plateformes et autres numéros verts soient de peu d’utilité dès lors qu’il s’agit non plus de repérer ou de diagnostiquer mais de soigner. Le soin en psychiatrie repose sur des personnes, des soignants, des travailleurs sociaux, des médecins et des usagers qui réfléchissent ensemble, bref sur des collectifs. Nul ne soigne seul. Cette leçon, bien oubliée, de la psychothérapie institutionnelle évite nombre de mesures coercitives.

    Un comportement n’est jamais simplement ce qu’il parait être. Il existe toujours un sous-texte, un discours latent caché par le discours manifeste, discours auquel nous sommes hélas de plus en plus sourds dans des unités désertées par la réflexion psychodynamique. Empowerment, humanitude, rétablissement, virage ambulatoire, plate-forme numérique, distanciel … on ne soigne pas avec des slogans qu’on ânonne bêtement. Il faut de la présence, de la clinique et de l’écoute.   

    Stop !

    Arrêtons-nous là, on va finir par pleurer alors qu’il nous faudrait plutôt lever le poing. Nous sommes dos au mur. Nous ne pouvons plus reculer. Les jeunes infirmiers désertent de plus en plus des établissements que nos plaintes décrivent comme un long purgatoire. Savons-nous bien susciter leur désir ? Était-ce mieux avant ? Pas partout, pas toujours, pas tout le temps. C’était mieux là où nous nous battions. Et si, par dérision, nous nous sommes nommés nous-mêmes les dinosaures de la psychiatrie, nous sommes plutôt des ornithorynques, une espèce étiquetée mammifère mais qui pond des œufs, notre mâchoire cornée ressemble à un bec, nous avons la queue d’un castor et sommes à l’occasion venimeux. Nous sommes des inclassables et nous le revendiquons.

    « Ça suffit ! »

    Arrêtons de nous plaindre. Nous ne pouvons que rebondir, qu’aller de l’avant. Battons-nous !

    Ce lundi 21 mars, nous avons lu quelques textes issus d’une abondante littérature infirmière dédiée au soin en psychiatrie. Je regrette que faute de temps nous n’ayons pu découvrir ou redécouvrir ensemble les ouvrages de Blandine Ponet, Patrick Touzet, Yves Gigou, Hubert Bieser, ni les articles de Jean-Paul Lanquetin, de Serge Rouvière et de bien d’autres. Si en 1992, nous avions collectivement laissé peu de traces écrites, il n’en va plus de même aujourd’hui. Commençons par nous lire nous-mêmes, par nous critiquer pour avancer, pour explorer d’autres horizons. Sans ces lectures critiques, nous ne ferons pas reculer les isolements et contentions.

    Les Assises Citoyennes de la Santé Mentale ont rassemblé à Paris, à la Bourse du Travail, ces 11 et 12 mars plus de 500 personnes. Des motions ont été rédigées par des participants issus de toutes les couches de la société. C’est un début.

    Créons dès aujourd’hui une nouvelle psychiatrie. Proclamons l’an 01 de la psychiatrie, dès aujourd’hui, dès ce 21 mars 2022, de sinistre mémoire. On arrête tout, on réfléchit et c’est pas triste !

    Nous avons été des bricoleurs, nous avons utilisé des moyens détournés pour provoquer des mouvements incidents, des sauts de côté où le soin pouvait advenir et les relations se développer. Nous avons su faire avec les moyens du bord, nous avons agrégés le peu qu’on nous laissait : objets, instruments, médiations, activités de bric et de broc, nous avons accumulé des connaissances et des bouts de ficelle qui pourraient toujours servir et qui finalement servaient. Nous avons fait preuve d’inventivité, de créativité, de ruse souvent, développé une véritable poétique du soin/bricolage. Nous avons su parler avec les choses, mais aussi au moyen des choses, nous avons su faire parler les matériaux, les choses et les instruments à des fins que nous avions conçu avec les patients. Il n’était pas d’objets que nous ne pouvions détourner et investir. C’était carnaval. Pas tous les jours mais chaque fois qu’il y avait une opportunité. Nous savions saisir le Kayros par les cheveux chaque fois qu’il se pointait dans nos services, dans les rues de la ville ou lors des séjours thérapeutiques que nous organisions. Mais l’ingénieur et le comptable ont fini par nous supplanter. D. Linhart décrit bien cette appropriation de l’ensemble des connaissances détenues par les professionnels de terrain au profit des managers. Ils en ont tiré des règles, des process, des prescriptions, des feuilles de route et s’autorisent de cela pour nous dire en quoi consiste notre travail. « Il s’agit d’un transfert des savoirs et du pouvoir, des ateliers vers l’employeur, et d’une attaque en règle visant la professionnalisation des métiers. » Cette réorganisation fait émerger de nouveaux professionnels, des ingénieurs et des techniciens. Ceux-ci ont une masse de connaissances et d’informations à gérer et à organiser, afin de mettre en place des prescriptions de travail, à partir des connaissances scientifiques de l’époque.

    Ils ont asséché notre créativité à notre corps pas toujours défendant.

    Nous étions des bricoleurs, il nous faut maintenant devenir braconniers sur les terres des seigneurs de la Finance et des petits marquis du management néolibéral. Posons nos collets en douce, pour rester soignants. Faisons mentir les ordinateurs. Serpentons à travers les mailles des réseaux qu’on nous impose, collectons ce qui nous paraît utile, et composons par notre marche même, par ces rencontres singulières, rares peut-être mais riches, composons pas à pas, notre quotidien. Résistons. Chaque entretien, chaque activité que nous proposons, chaque soin même peut et doit devenir un acte de résistance. Rusons.

    L’an 01 de la psychiatrie c’est cela, du bricolage, du braconnage, du petit à petit, du pas à pas, du petit ruisseau qui fera peut-être un jour une grande rivière. Des pratiques altératives dirait Mathieu Bellahsen à l’unisson ou presque de Lévi-Strauss et de Michel de Certeau. C’est la psychiatrie qu’il nous appartient d’inventer aujourd’hui au cœur de nos unités, de nos CMP et de nos hôpitaux de jour. Avec les usagers. Leurs familles quand c’est possible. Faisons feu de tout bois. Tout ce qui n’est pas explicitement interdit est autorisé. Tout ce qui est interdit peut être détourné. 

    L’an 01 de la psychiatrie : on arrête tout, on réfléchit et c’est pas triste. Et d’abord rencontrons-nous pour parler, échanger autour de nos pratiques, de ce que l’on peut faire, de ce que l’on aimerait faire, des moyens de pouvoir y parvenir, de le penser, de l’organiser. Après tout, nous ne sommes pas sous des bombes russes. Nous n’affrontons jamais que des tigres de protocoles. Rassemblons-nous chaque fois que c’est possible pour échanger … à cinq, à dix, à plus. Partager nos aventures de soins, nos réflexions, nos rêves. S’entraider. Mettre nos ressources en commun. Tout seul dans ton unité tu crèves. A plusieurs on résiste, on s’épaule, on pèse. Un peu plus. Serpsy prendra sa part. Sur le site serpsy1.com, dans les unités chaque fois que vous nous inviterez.

    L’an 01 de la psychiatrie, nous y sommes. A nous de jouer !

    Faites circuler !

    Dominique Friard pour l’association Serpsy

  • La magie lente des rencontres

    La magie lente des rencontres

    Ce vendredi 1er avril 2022, le Théâtre du Chêne Noir et l’association Le Point de Capiton nous invitait à une rencontre débat autour de la pièce La Magie Lente de Denis Lachaud, avec Benoit Giros.

    Le théâtre du Chêne Noir est un des théâtres permanents qui compte en Avignon. Il est situé dans l’ancienne chapelle de l’Abbaye Sainte Catherine d’Avignon (inscrit aux Monuments historiques depuis 1974) qui a appartenu aux cisterciennes de Montdevergues (Colline et lieu-dit situé à Montfavet qui héberge le Centre Hospitalier de Montfavet). La compagnie de Gérard Gelas s’y installa en 1971. Avec André Benedetto, le dramaturge et metteur en scène G. Gelas a été un des pionniers du festival off d’Avignon. Son fils Julien, lui-même dramaturge et metteur en scène, lui a succédé.

    La couleur noire du Chêne fait référence à l’anarchie.

    Le Point de Capiton qui vient de fêter ses 30 ans, est une des associations partenaires de Serpsy en PACA. « Le Point de Capiton a pour vocation de permettre la rencontre des personnes psychanalystes ou non, qui interpellées par cette expérience de l’inconscient en quoi consiste une psychanalyse, creusent leur sillon dans des domaines où il est nécessaire d’être réveillé, dérangé, stimulé, pour que le désir de savoir ne s’efface pas devant les savoirs dogmatiques ; Champ psychanalytique bien sûr, domaine de l’art, mais aussi de la philosophie, ou de l’éducation, de la clinique médicale, comme des sciences dont on sait l’apport déterminant pour certaines, dans les avancées de la recherche en psychanalyse. Le Point de Capiton se veut espace de recherches : lieu pour travailler avec d’autres, afin que se dégagent pour chacun, à travers le trajet qui lui est personnel, ses propres interrogations, et pour que celles-ci soient une relance possible de la réflexion pour d’autres. »

    Ce 1er avril, le théâtre était donc quasiment plein pour voir la pièce La Magie Lente de Denis Lachaud. Cette magie lente, c’est celle de la cure qui voit M. Louvier retisser pas à pas les fils de sa vie. Il s’agit, pour Benoit Giros, le comédien qui l’incarne, de « révéler la lutte pour parler, la vérité qui, cachée, nous tuait à petit feu. Nous voulons faire découvrir ce chemin douloureux afin que d’autres puissent l’emprunter. […] Le texte de Denis Lachaud retranscrit implacablement les différents stades de découverte, de surprise d’une cura psychanalytique. Ce sont ces révélations qui sont le cœur du projet. Nous voulons raconter comment la vérité arrive à la surface et découvrir alors que cette histoire atroce est aussi un parcours universel qui s’adresse à tout un chacun. » Les intentions sont respectées. Benoit Giros qui interprète à la fois le narrateur, le psychiatre et le patient est remarquable. Très expressif mais toujours sobre dans ses attitudes, il fait entendre ce qui remue de l’intérieur. Ici pas d’effets, tout est en retenue. Pas de grand fou, pas d’hystérie mais un chemin qui se creuse pas à pas, au fil des séances.

    Le débat, animé par Hervé Bokobza, psychiatre et psychanalyste, ancien directeur de la clinique Saint-Martin de Vignogoul, maître d’œuvre en 2003 (avec Serpsy entre autres) des Etats Généraux de la psychiatrie, membre fondateur du Collectif des 39, Sébastien Firpy, psychologue, psychanalyste, membre de l’Appel des Appels, et Eliane Flament et Annie Haon, toutes deux membres du C.A du Point de Capiton, fut riche. Ces rencontres/débats sont toujours passionnantes. Professionnels, usagers et profanes s’y rencontrent et dialoguent. Ce fut l’occasion d’évoquer la misère actuelle de la psychiatrie et la lente élaboration permise par la psychanalyse et la psychothérapie. Aux soignants comme à ceux qui fréquentent les divans, les CMP, les hôpitaux de jour et les lieux d’hospitalisation, il faut du temps, du temps pour voir, comprendre et agir. Il faut une formation suffisamment élaborée pour entendre ce qui ne se dit qu’à peine. Il faut des structures qui permettent d’accueillir, des professionnels suffisamment nombreux. Des temps de supervision pour accepter, intégrer et digérer ce qui vient se fracasser en eux. Toutes choses que la technostructure entrepreneuriale et managériale qui sévit aujourd’hui ne permet plus.  

    Un petit buffet dinatoire fut l’occasion d’échanger mezzo voce avec les intervenants et le comédien.

    Rien de révolutionnaire mais une démarche de proximité qui privilégie les rencontres entre personnes.

    Dominique Friard

    P.S. Dans une première version de ce billet de blog, j'avais omis de présenter Annie Haon et Eliane Flament, toutes deux anciennes infirmières, devenues psychologues, de grande qualité dans leurs pratiques et dans leur éthique, et qui sont des membres actives du CA du Point de Capiton depuis des années. J'ai corrigé. Je leur présente mes excuses pour les avoir ainsi invisibilisées. 

     

  • Introduction à la Journée sur les 30 ans après la suppression du diplôme d'ISP

    Un mot de la présidente de S.E.R.PSY

    Bonjour à tous,

    Étant dans l’impossibilité de me joindre à vous pour cette journée du 21 Mars 2022, organisée par Serpsy et le théâtre de l’astronef autour de la

    « SUPPRESSION DU DIPLÔME D’isp, TRENTE ANS APRÈS QUELLE TRANSMISSION ? »

    dont le programme alléchant me fait d’autant plus regretter de ne pouvoir être présente j’avais envie de vous souhaiter une merveilleuse journée d’histoire, de récits, de rencontres, d’expérience et de partage. Puisqu’il est question de transmission, transmettons quelque chose, qui questionne, qui interpelle, qui dérange, mettons du désordre pour retrouver une curiosité, une motivation, un désir d’apprendre 

    Il ne s’agit pas de transmettre des connaissances, des techniques, mais plutôt des expériences de « petits riens ».  Notre collègue Chantal Bernard dans son article : « Qui donc coupe les têtes ? » dit à propos des infirmières « On leur a bien accordé " un rôle propre " mais on ne leur a pas pour autant reconnu la faculté de penser. L'essentiel de leur travail, ce qu'elles font hors évaluation - le relationnel, les petits riens du quotidien - n'a pas d'existence ». Pourtant, chacun de ces petits riens indicibles est une pierre à la fondation du soin. Sans eux pas d'humanité, pas de soin. La spécificité relationnelle, l’écoute, l’importance du vécu de chacun, la nécessaire prise en compte de la dimension subjective dans la rencontre sont autant de « petits riens » mobilisés dans la relation soignant/soigné.

     Je ne doute pas que vous aborderez l’importance de liens qui se tissent, d’engagements pris dans une culture du groupe avec des valeurs partagées où chacun se reconnaît comme faisant partie d’une maison commune.

    C’est aussi à rendre visibles ces petits riens que la recherche de Jean-Paul Lanquetin : « L’impact de l’informel dans le travail infirmier en psychiatrie » s’est attachée. Il souligne d’ailleurs dans son article « Le tutorat d’intégration en psychiatrie » « Dans notre métier, la production de lien, social et thérapeutique, nécessite du temps passé avec le patient à expérimenter des modalités relationnelles, puisque cette construction porte en elle des possibilités même de compréhensions, de solutions ou d’accompagnements ».

    Chaque table ronde « Avant-hier et Hier » qui vous fera sûrement voyager dans l’histoire de la psychiatrie et de ses fondateurs et précurseurs de Roumieux à Robert Clémente, la remémoration est un temps important dans le parcours de la transmission.

    « Pour savoir où l’on va, il faut savoir d’où on vient » écrivait Anne-Marie Leyreloup (ancienne présidente et co-fondatrice de Serpsy) dans son article « Entre hier et aujourd’hui, le métier d’infirmier en psychiatrie » L’ISP a donc un devoir de mémoire car l’histoire de la psychiatrie, c’est aussi l’histoire du sujet. L’histoire nous fait « parcourir à rebours des chemins dont nous ne percevions pas la connaissance ; elle crée des potentiels inattendus ; elle dispose en découverte ce qui est notre héritage. » Hervé Bokobza (psychiatre et psychanalyste dans son article les enjeux de la transmission en psychiatrie) Pourtant il regrette qu’on  tende « à transformer une discipline d’excellence, à savoir « extraordinaire », avec sa transmission nécessairement diversifiée et complexifiée, en une discipline ordinaire, comme les autres disciplines médicales, avec son redoutable corollaire, la transmission de savoirs jetables, c’est-à-dire la fabrication de soignants techniciens au service de l’idéologie ambiante »

    Le psychiatre Georges Daumézon qui fit sa thèse en 1936 sur les infirmiers psychiatriques, écrit que « La genèse des pratiques de soins en santé mentale repose sur une antériorité des savoirs issus de l’activité de l’infirmier sur le savoir savant des aliénistes ».

    Les tables rondes « Aujourd’hui et demain » en donnant la parole à des auteurs d’aujourd’hui (Dominique Friard, Madeleine Esther, Marie-France et Raymond Négrel en passant par Ahmed Benaïche, Virginie de Meulder et Christophe Malinowski vont donner la possibilité à ceux qui après avoir revisité le désaliénisme, la psychothérapie institutionnelle, la sectorisation auront à cœur de décoder ce qui se passe dans leur présent et d’ imaginer  un nouveau demain de la psychiatrie, voire à construire les prémisses de l’an I de la psychiatrie comme l’a nommé Dominique FRIARD (un des autres co-fondateur et vice-président  de Serpsy) dans la conclusion de cette journée

    Si, « toutes les folies ne sont que des messages », (J.M.Jadin Psychiatre, Psychanalyste) , merci à tous les comédiens présents à cette journée d’être les porteurs de ces messages, les interprètes  mais aussi les provocateurs, les empêcheurs de penser en rond , les fossoyeurs de la protocolisation abusive et de la réduction du soin psychique au symptôme et à la molécule. Merci d’être les conteurs des expériences collectives et des parcours singuliers

    Merci d’avance à Frank qui nous permettra par ses images de témoigner et de nous souvenir...

    Je conclurai par une autre citation de Bokozba : « La technique peut produire une culture de gratification immédiate, vecteur essentiel de l’apparition du DSM, voire du culte de la DMS (durée moyenne de séjour) où, hélas, bon nombre de psychiatres se sont engouffrés, aveuglés par l’idéologie ambiante : vite fait bien fait, plus c’est court mieux c’est, le temps est compté, nous sommes efficaces, performants, pragmatiques, transparents. Preuve que la folie continue à faire peur aux psychiatres… Renoncer à interroger la complexité du fonctionnement psychique et les limites mêmes de cette interrogation nous renvoie à devenir, à notre insu voire de notre plein gré, des courroies de transmission d’un système qui, par tous les moyens, concourt à promouvoir le système binaire comme référent unique du fonctionnement humain ; le slogan martelé du bon usage des soins a un unique soubassement : la maîtrise, qu’elle soit comptable, ou psychique. »

    Jacqueline Fontaine, Mars 2022.

  • Lecture publique, 16 juillet à 16 heures

    Sans cont@ct (extrait)

    D. Friard

     

    On n’invitait plus les morts à table.

    En ce temps déraisonnable

    Chacun était l’ennemi de chacune.

    Une main tendue, ouverte

    N’était la garantie de rien.

    Jusqu’au salut entre nous, tombé sans bruit

    Au milieu des hourrah vespéraux.

    Des baisers prohibés jusqu’au shake-hand redouté,

    Le danger était partout.

    Les emballages recelaient des pièges redoutables

    Les poignées de portes abritaient le Jesse James des virus

     

    Lecture publique Dominique Friard, Madeleine Jimena Friard

     

    Vendredi 16 Juillet- 16 heures

     

    Maison de la poésie

     

    6 rue Figuière - AVIGNON

    04 90 82 90 66

     

    Entrée 3 euros

     

     

  • Suppression du diplôme d'ISP, trente ans apprès quelle transmission ?

    Programme de la  journée 

    8 h 30 Accueil des participants

    Mots de bienvenue : Thierry Acquier, Directeur du Centre Hospitalier Edouard Toulouse

    9 h : Introduction : André Péri, ISP, Responsable de l’Astronef, Edouard-Toulouse

    Cette journée est basée sur le principe de la lecture de textes écrits par des infirmiers qui travaillent en psychiatrie par les comédiens associés à l’Astronef. Il s’agit tout autant de les écouter, de les entendre et de rebondir pour nourrir nos réflexions d’aujourd’hui. Choisir des textes fut difficile. Nous avons fait le choix de proposer aux comédiens des textes qu’ils auraient plaisir à lire, des textes à se mettre en bouche et à partager de vive voix, des textes à incarner. Bien d’autres textes auraient pu être choisis tant est grande la richesse de la littérature infirmière en psychiatrie.

    9 h 15 Avant-hier- Naissance d’une profession

    • Témoignage de Marius Bonnet, dans la revue Esprit (1953). Infirmier à Saint-Alban, il fut avec son compère Louis Gauzy, le premier infirmier à intervenir à un congrès de psychothérapie. C’était à Barcelone en 1958. Leur intervention portait sur le Rorschach. A lire : La fête votive de 1957 à l’hôpital psychiatrique de Saint-Alban [1] Marius Bonnet, Louis Gauzy, Roger Gentis, Vie Sociale et Traitement, n° 142, pp. 113-117. « Ce texte décrit, du point de vue de trois professionnels, la manière dont étaient organisées les fêtes à l’hôpital de Saint-Alban dans les années 1950. À travers l’exemple de la fête votive, il expose le déroulement des différents temps et leur préparation. Il montre aussi l’objectif de ces fêtes : créer une ambiance spécifique et engager les malades dans une activité sociale extraordinaire, facteur de mouvement. »

    • Déclaration des infirmiers de l’Aerlip au congrès d’Auxerre (1974). Pendant deux ans, les infirmiers psychiatriques de toute la France travaillent en liaison avec les psychiatres responsables du 72ème Congrès de Psychiatrie et Neurologie de langue française qui doit se dérouler à Auxerre en septembre 1974. Ils rédigent un rapport sur le rôle et la formation du personnel (sic) psychiatrique mais ne sont pas autorisés à participer à la discussion qui doit se dérouler entre psychiatres. Près de 400 d’entre eux font irruption au Congrès. La profession naît véritablement ce jour-là. On retrouve les noms de Jean-Pierre Vérot, Hubert Bieser, André Roumieux et de bien d’autres, aujourd’hui oubliés. Des infirmiers psychiatriques prennent la parole (serpsy1.com)

    • Premières visites à domicile, André Roumieux, extrait de « La tisane et la camisole » (1981). André Roumieux (1932-2020) a été infirmier psychiatrique à l'Hôpital psychiatrique de Ville-Évrard pendant trente-six ans. Il était surtout connu pour avoir publié, en 1974, « Je travaille à l’asile d’aliénés »4 , une description vivante et fouillée du soin et du travail infirmier en psychiatrie à Ville-Evrard, dans les années 50-70. Le premier « best-seller » écrit par un infirmier psychiatrique. Il avait poursuivi avec « La tisane et la camisole » en 19815. Il y racontait les premières visites à domicile des années 70 et faisait retour à son village pour y montrer comme on pouvait y être accueillant avec les « fous ».  Savoir qui lui a beaucoup servi dans sa pratique d’infirmier puis de cadre.

    Discutants : Benjamin Villeneuve, IDE, Formateur, Chercheur associé au laboratoire IHM (Institut des Humanités en Médecine) actuellement en thèse de doctorat auprès de Prof. Marie-Claude Thifault de l'Université d'Ottawa et de Aude Fauvel à l'IHM, vient de recevoir le Prix Marion McGee de l'Université d'Ottawa pour "le savoir exceptionnel et l’application de concepts théoriques innovateurs dans la pratique et la recherche», Dominique Friard, ISP, Formateur, épistémologue, il vient de publier un nouvel ouvrage : « Raisonnement clinique en psychiatrie », chez Seli Arslan.

    Il ne s’agit pas ici de simplement rendre hommage à des combats, à des ancêtres mais de se demander aussi comment naît (et meurt) une profession, comment elle manifeste son utilité sociale, comment elle occupe son propre espace. Cette question vaut aussi pour nos collègues spécialistes cliniques et IPA.  

    Echanges avec la salle

    10 h 45 Pause

    11 h Hier

    • « Le tout, c’est de s’inviter ! », Robert Clémente, extrait de « Rhapsodie en psy bémol », 2016. Robert Clémente, aujourd’hui retraité mais toujours actif, raconte dans son ouvrage son temps de formation à l’APHM, ses rencontres et ses petites inventions. Les élèves infirmiers apprenaient alors leur métier en immersion, sur le tas, avant de débuter les cours. « Nous étions tous désolés : « Tu sais bien que ce sont des voix Georges, les médicaments vont les combattre ! C’est pour ton bien, tu sais bien que le traitement est important … » […] Le besoin de parler en réunion de cet incident était unanime. Nous étions bouleversés. »  

    • « Bienvenue à l’hôpital psychiatrique ! », Philippe Clément, extrait de Bienvenue à l’hôpital psychiatrique ! », 2007. Infirmier en psychiatrie, diplômé en anthropologie et ancien membre d’Advocacy-France, Philippe Clément a partagé ses expériences professionnelles entre sa pratique d’infirmier et l’enseignement en anthropologie. Ces deux approches cohabitent dans les deux ouvrages qu’il a publié : « J’ai longuement tourné et retourné dans mon esprit cette question du soin en psychiatrie ; parce que je voulais identifier l’objet, le circonscrire, afin sans doute de le traduire en un ensemble de pratiques cohérentes et rationnelles le rendant plus aisément observable. En vain. Quand tout est censé être, en soi, thérapeutique, le risque est que plus rien ne le soit vraiment. De même que la loi, dans l’institution psychiatrique, est un concept fluide, le soin est un concept aux contours incertains. »

    • « Al Wârith, la chercheuse d’âme et le bâton magique », Marie Rajablat, extrait de « Mille et un soins infirmiers en psychiatrie », 2019. Co-fondatrice de l’association Serpsy, « Marie Rajablat est écrivain et infirmière de secteur psychiatrique à Toulouse. Citoyenne du monde, curieuse des gens et de leurs us et coutumes, elle aurait pu être navigatrice, éthologue, cinéaste, historienne, couturière, conteuse... Au lieu de cela, elle a été infirmière de secteur psychiatrique, clinicienne, chercheuse et enseignante. Elle a exercé son métier dans toutes sortes de lieux, des plus classiques aux plus baroques, en France et à l'étranger, de la façon la plus fantaisiste et la plus sérieuse. Pour SOS Méditerranée, elle a écrit « Les naufragés de l’enfer », un livre de témoignages recueillis à bord de l’Aquarius. »

    Discutants : Olivier Esnault, ISP, Edouard-Toulouse, Pascal Levy, Educateur Spécialisé, Valvert, Robert Clémente.

    Les trois auteurs choisis ont en commun d’être tous infirmiers en 1992, au moment où le diplôme d’ISP est supprimé. Aucun des trois ne s’est arrêté, chacun a sa façon a combattu pour un soin de la meilleure qualité possible, avec ses ressources en créativité, son engagement, à l’hôpital psychiatrique et en dehors. L’un a milité avec Advocacy-France, un autre est proche de la Ligue des Droits de l’Homme où il a participé récemment à un débat sur le thème psychiatrie et droits de l’homme, une autre enfin milite pour l’humanitaire, en Palestine et à Toulouse. Le discutants évoqueront non seulement la lutte des ISP contre la suppression de leur diplôme mais aussi l’engagement des soignants dans la vie sociale.

    Echanges avec la salle

    12 h 30 Repas

    13 h 45 Aujourd’hui. « On n’est pas sorti de l’auberge »

    • « Besoin d’hommes », Dominique Friard, 1998. Infirmier de secteur psychiatrique, Dominique Friard, est superviseur d’équipes dans le Sud de la France, rédacteur-en-chef adjoint de la revue Santé Mentale depuis 2001. Il est, en France, le premier soignant à avoir publié sur la chambre d’isolement et ainsi contribué à briser le tabou qu’elle représentait.

    • « Hier j’ai donné ma démission ! », Madeleine Esther, extrait de « J’ai retrouvé mon grand-père à l’hôpital psychiatrique », 2016. Infirmière, comédienne et metteure en scène, Madeleine Esther a longtemps mené ses deux carrières de front, avec bonheur (lorsqu’elle travaillait à l’ASM XIII, à la policlinique). Elle a aussi exercé dans des lieux où sévissait la violence institutionnelle (dans le Loiret et dans le sud de la France). Sa pièce de théâtre évoque la dégradation des conditions de soins, la montée en puissance des pratiques de cotation des actes et sa démission retentissante d’un lieu où le soin n’était plus la priorité.

    • « Monsieur Behti », Marie-France et Raymond Negrel, extrait de « Résistance et travail de rue », 2019. Raymond et Marie-France Negrel, tous deux retraités ont exercé au CHET. Aujourd’hui, ils se sont investis avec Médecins du Monde, auprès des Sans Domicile Fixe marseillais. La rencontre avec M. Behti rassemble les deux vies de Marie-France, une belle rencontre dans la durée racontée dans le cadre d’un ouvrage collectif où les différentes voix d’un collectif s’harmonisent.

    Discutants : André Péri, ISP, Edouard-Toulouse, Hervé Karagulian, IDE, Edouard-Toulouse

    La psychiatrie, ses modes de réflexion, les soins qu’elle met en place, le lien entre les différents professionnels, les collectifs, les moyens qu’elle déploie ont bien changé. La pandémie multipliée par les suppressions de lit a aggravé encore le diagnostic posé sur l’organisation des soins. Tout est-il, pour cela, à jeter dans ces évolutions contemporaines ? Comment penser ces (in)évolutions ?

    Echanges avec la salle

    15 h 15 Pause

    15 H30 : Demain

    • « Les petits bonheurs du soin », Virginie de Meulder, 2021. IDE Virginie a fait des études de littérature avant de devenir infirmière. Ses textes sont truffés de références. Elle publie depuis plus de quinze ans ces petits bonheurs du soin, petits moments de grâce. Belles rencontres avec des enfants, des adolescents qu’elle nous invite à voir autrement.

    • « Au Cmp en temps de Covid », Ahmed Benaïche, 2020. IDE à Valencienne, Ahmed a fait la formation de spécialiste clinique proposée par ISIS puis un master clinique à l’université de St Quentin en Yveline (Ste-Anne) fondée par Philippe Svandra et Mireille Saint—Etienne. Il a publié sur le site de la Revue Santé Mentale, le pas à pas et le au jour le jour des soins pendant le confinement.

    • « Germaine », Christophe Malinowski, 2020. IDE à Toulouse, Christophe écrit des chroniques où il met en scène Germaine, une ISP, qui amène son savoir y faire aux soignants plus jeunes qui travaillent avec elle. Un bel hommage aux ISP et un regard au scalpel sur les situations de soin que l’équipe doit affronter.

    Discutants : Dominique Testard, directeur des Services Financiers CHET, Eric Ihuel, IPA, Montfavet (84), Ahmed Benaïche, Infirmier Spécialiste clinique, Valencienne (59).

    De quoi le demain de la psychiatrie sera-t-il fait ? Les ISP sont voués à disparaître, qui les remplacera ? Les spécialistes cliniques, les IPA, des IDE qui s’appuieront sur des D.U. ou un master à créer ? Personne, la psychiatrie n’étant plus qu’une branche de la neurologie ?

    Echanges avec la salle

    Conclusion : L’an 01 de la psychiatrie, Dominique Friard

    Nous sommes dos au mur, condamnés à nous plaindre perpétuellement jusqu’à devenir inaudibles. Devenons des braconniers, proclamons l’an 01 de la psychiatrie : « On arrête tout, on réfléchit et ce n’est pas triste » comme le mettait en œuvre le dessinateur Gébé dans Charlie Hebdo au cours des années 70.

    L'An 01 (bande dessinée) — Wikipédia (wikipedia.org)

    17 h : Fin de la journée

  • l'Asile est en chacun de nous

    L'Asile est en chacun de nous !

    Roger Gentis, un de ces psychiatres, qui se sont élevés contre l'enfermement asilaire et une pratique psychiatrique aussi pauvre que répressive, un de ces psychiatres qui pensait, comme Oury que les infirmiers n'étaient pas plus cons que les psychiatres ou les psychologues, Roger Gentis donc écrivait ces lignes en 1973. Au moment de célébrer les 30 ans de la suppression du diplôme d'ISP, à une époque où les contentions fleurissent (par exemple au Centre de Santé Mentale de Lens) comment ne pas y penser ? 

    " Depuis trente ans, tout changement a été conquis de haute lutte, toute évolution a été l'oeuvre d'une minorité agissante, se battant pied à pied contre la coalition de tous les gens installés, qu'il s'agisse de nantis, de fonctionnaires ou de malades chroniques, -et de tous les gens raisonnables, de tous les prudents, de tous les zombis, de tous ceux qui prennent leur trouille pour la plus haute expression de la sagesse.

    Depuis trente ans, toute conquête est restée précaire. Il suffit d'un changement de médecin, en six mois dix ans de travail sont effacés, en six mois la répression s'est abattue, les infirmiers qui s'étaient mouillés serrent les dents et font le poing dans leur poche, l'Asile renaît toujours triomphant de ses cendres. Les plus lucides (infirmiers et médecins) savent bien qu'on se remet aisément à attacher les malades, qu'il faut se surveiller sans cesse pour ne pas recréer l'Asile.

    L'Asile est en chacun de nous. Comme le racisme. Toujours en sommeil jamais mort. Toujours prêt à retrouver toute sa virulence". 

    Roger Gentis (1928-2019), " La psychiatrie doit être faite/défaite par tous"

    Editions Maspéro, Paris, 1973.

     

     

     

     

  • Comment le masque modifie-t-il la communication avec le patient ?

    Comment le masque modifie-t-il la communication avec le patient ?

     

    Laurette Mira, cadre de santé, a publié dans le numéro 98 de la revue "Soins Aide-soignante" (Janvier-Février 2020) un article intitulé : "Au-dessus du masque, des yeux qui parlent". Elle y écrit que la Covid 19, par l'obligation du port du masque et l'importance des gestes barrière, a modifié le relation soignant-soigné, surtout chez les personnes les plus sensibles aux mimiques. Les soignants ont dû alors moduler leur voix et appuyer leur regard pour faciiliter la communication. 

    Elle commence par brosser rapidement l'histoire du masque en médecine (de la peste noire aux travaux de Johann von Mikulicz-Radecki et Carl Flügge). Elle décrit ensuite les bouleversements occasionnnés par la Covid 19. "Les soignants peuvent se trouver en difficulté selon le contexte de la relation, l’organisation et les conditions de travail. Ils prennent en charge un plus grand nombre de patients, multipliant les soins, trop souvent au détriment de leur disponibilité auprès des patients. Les conditions de travail, les gestes barrière, le port du masque, la distanciation altèrent la communication verbale et non verbale entre soignant et soigné. De plus, cela génère de l’insatisfaction, de l’incohérence, et peut conduire à de l’agressivité." Nombre d'entre se retrouveront dans ces propos. 

    Quarante-trois  muscles contribuent à 10 000 expressions dont 3000 porteuses de sens. La relation soignant-soigné étant une relation à visage découvert, le port du masque modifie nécessairement l'expression, la compréhension des mimiques et du soignant et du patient. Les risques d'incompréhension sont grands. " Le masque prive les soignants du contact direct, il modifie leur façon de partager ce qu’ils ont à dire. Ils sont contraints de répéter à plusieurs reprises, de hausser la voix, d’utiliser plus de mots pour remplacer ce que le visage exprimait de lui-même." Comment s'en débrouiller ? 

    Laurette Mira ouvre quelques portes : " Les codes de communication sont à réinventer, les valeurs soignantes ont été remises en cause. Le contact par le toucher, sans être totalement absent, doit être le moins fréquent possible et intégralement tourné vers le soin. Les yeux des soignants sont plus expressifs et, surtout, mis en valeur par le port du masque. Ce regard doit accompagner la parole, car le soigné ne comprend pas toujours ce qui est dit. En effet, la voix est feutrée et, souvent, selon l’intonation et la diction, certains sons sont escamotés. La personne soignée regarde le soignant et l’expression de ses yeux, qui transmet ce qui n’est pas compréhensible."

    Et vous, comment vous en êtes-vous accomodés ? Avez-vous eu recours à quelqu'astuce ou ruse de métier ? 

    Pas de grande théorie mais juste de petites choses, du trois fois rien qui permet de s'adapter aux situations. Le soin c'est ça ... aussi. 

     

    Un grand Merci à Christine Paillard pour m'avoir signalé cet intéressant texte que je n'ai fait que synthétiser.

     

    Dominique Friard

     

     

     

  • Trente ans après la suppression du diplôme d’ISP, quel passage de témoin ?

    Trente ans après la suppression du diplôme d’ISP, quel passage de témoin ?

     

    Argumentaire

    Les uns après les autres, en PACA comme ailleurs, les infirmiers de secteur psychiatrique (ISP) partent à la retraite. Ils ont contribué au déploiement du soin vers la cité, ouvert les premières structures de soins ambulatoires (CMP, Hôpitaux de jour, CATTP, Appartements thérapeutiques, Centres d’Accueil et de Crise, Clubs Thérapeutiques, etc.), arpenté les rues de nos villes où ils accompagnaient les détresses sociales et psychologiques, ils ont animé des activités de médiation, se sont également mobilisés dans le temps plein hospitalier pour la régulation de l’agressivité et de la violence, reléguant souvent la camisole et autres contentions au musée des vieilleries psychiatriques, certains d’entre eux ont théorisé leur pratique. Trente ans après la suppression de leur diplôme et des études qui le validaient, que reste-t-il de ces avancées ? Qu’est devenue la psychiatrie ?

    Le temps du bilan est arrivé. Entre savoir-faire, savoir être et « savoir y faire (avec la folie) », de quelle nature sont les connaissances qu’ils ont apporté à la discipline psychiatrique ? Sont-elles menacées de disparition ? Comment assurer leur transmission alors que ceux qui les ont forgées quittent les soins ? Qu’en-est-il aujourd’hui de la formation au soin en psychiatrie ? Qui la porte ? Les rares formations d’infirmiers cliniciens ? Les I.P.A ?

    Nous vous proposons de brasser toutes ces questions lors de notre colloque du 21 mars 2022 qui se déroulera à l’Astronef au C.H. Edouard-Toulouse, à Marseille. Ni réunion d’anciens combattants, ni commémoration d’une mort annoncée mais passage de témoin, cette journée se veut résolument tournée vers l’avenir. Quel avenir pour le soin en psychiatrie ? Quelle formation ? Quels professionnels ?

    Divisée en quatre temps : avant-hier, hier, aujourd’hui et demain, cette journée nous donnera l’occasion de voir grandir une profession, de partager ses combats, ses échecs et ses réussites et nous permettra d’évaluer ce qu’elle laisse en héritage à ses successeurs. Des textes écrits par des infirmiers seront lus par les comédiens associés à l’Astronef. Cette littérature dédiée aux soins nourrira nos propos et nos réflexions.

    Association Serpsy et l’Astronef

     

    Programme

    8 h 30 Accueil des participants

    Mots de bienvenue :

    9 h : Introduction : André Péri, ISP, directeur de l’Astronef, Edouard-Toulouse

    9 h 15 Avant-hier

    Témoignage de Marius Bonnet, dans la revue Esprit (1953)

    Déclaration des infirmiers de l’Aerlip au congrès d’Auxerre (1974)

    Premières visites à domicile, André Roumieux, extrait de « La tisane et la camisole » (1981)

    Discutants : Benjamin Villeneuve, IDE, Formateur, Chercheur associé au laboratoire IHM (Institut des Humanités en Médecine), Dominique Friard, ISP, Formateur, épistémologue.

    Echanges avec la salle

    10 h 45 Pause

    11 h Hier

    « Le tout, c’est de s’inviter ! », Robert Clemente, extrait de « Rhapsodie en psy bémol », 2016.

    « Bienvenue à l’hôpital psychiatrique ! », Philippe Clément, extrait de Bienvenue à l’hôpital psychiatrique ! », 2007

    « Al Wârith, la chercheuse d’âme et le bâton magique », Marie Rajablat, extrait de « Mille et un soins infirmiers en psychiatrie », 2019.

    Discutants : Olivier Esnault, ISP, Edouard-Toulouse, Pascal Levy, Educateur Spécialisé, Valvert.

    Echanges avec la salle

    12 h 30 Repas

    13 h 45 Aujourd’hui

    « Besoin d’hommes », Dominique Friard, 1998

    « Hier j’ai donné ma démission ! », Madeleine Esther, extrait de « J’ai retrouvé mon grand-père à l’hôpital psychiatrique », 2016.

    « Monsieur Behti », Marie-France et Raymond Negrel, extrait de « Résistance et travail de rue », 2019

    Discutants : André Péri, ISP, Edouard-Toulouse, Hervé Karagulian, IDE, Edouard-Toulouse

    Echanges avec la salle

    15 h 15 Pause

    15 H30 : Demain

    « Les petits bonheurs du soin », Virginie de Meulder, 2021.

    « Au Cmp en temps de Covid », Ahmed Benaïche, 2020.

    « Germaine », Christophe Malinowski, 2020.

    Discutants : Dominique Testard, directeur adjoint, Edouard-Toulouse, Eric Ihuel, IPA, Montfavet (84), Ahmed Benaïche, Infirmier Spécialiste clinique, Valencienne (59).

    Echanges avec la salle

    Conclusion : L’an 01 de la psychiatrie, Dominique Friard

    17 h : Fin de la journée

    Les textes seront lus par les comédiens et conteurs attachés à l’Astronef.

     

    Le colloque, organisé par l’association Serpsy (Soins Etudes et Recherches en Psychiatrie) et l’équipe de l’Astronef, se déroulera à l’Astronef, au Centre Hospitalier Edouard-Toulouse, à Marseille (13).

    Les frais d’inscription au colloque sont les suivants :

    • Prix  : 100 euros

    Ces frais d’inscription comprennent la participation à la journée et le repas de midi.

    Inscription en ligne sur : serpsypaca@gmail.com

    Par le biais de votre service de formation continue. Vous devez suivre la procédure de votre établissement pour toute demande de colloque dans le cadre de la formation continue.

    Le référentiel national qualité Qualiopi oblige désormais chaque stagiaire inscrit à la formation à se soumettre à des procédures de positionnement et d’évaluation des acquis avant et après la formation

    Ces différents documents vous seront envoyés par messagerie avec votre convocation, lors de votre inscription. A charge pour vous, de les remplir et de nous les renvoyer. 

    Accessibilité

    Les Colloques Serpsy sont accessibles PMR et RQTH

    Contactez si besoin notre référente handicap : Madeleine Jimena Friard, 06 14 65 39 99, madeleine_esther@yahoo.fr

    Formation continue n° 76341112134 (ne vaut pas agrément de l'Etat)
    Datadock n°    43191078500010

    L’association Serpsy est certifiée Qualiopi 2101241.1

     

  • Soutien aux collègues psychologues

    Serpsy soutient la lutte de nos collègues psychologues

     

    COMMUNIQUÉ

    Convergence des Psychologues en Lutte (février 2022)

    Nous, membres des associations, collectifs, collèges, inter-collèges, syndicats signataires de ce communiqué, nous sommes réunis le samedi 29 janvier 2022 à Paris à la Mairie de Montreuil pour combattre les réformes délétères du Ministère de la Santé conduisant à une disqualification de notre profession de psychologue et à une dévalorisation sociale des praticiens qui l’exercent.

    Plus de 7000 collègues en présentiel, Zoom ou YouTube, en direct ou en replay (à l’heure de cette publication), ont participé à cette journée nourrie par une soixantaine de contributions.

    À l’unanimité les participants ont déploré les dernières mesures gouvernementales qui installent des dispositifs de contrôle des actes professionnels, lesquels témoignent de l’ignorance totale de nos métiers, en vident le sens et la substance, livrent les patients et leurs familles à une prise en charge uberisée et maltraitante. Ces coups de force successifs qui opèrent par des rapports et des recommandations diverses et variées détruisent l’éthique et la pratique de nos métiers, bafouent la dignité des praticiens qui les exercent concrètement, ne sont plus acceptables.

    Il en est ainsi du dispositif de remboursement de soins psychologiques standardisés et taylorisés, limités de manière arbitraire et absurde à huit séances payées à des tarifs inadaptés. Ce dispositif démagogique n’a été construit et imposé qu’à des fins électoralistes. Alors qu’il eut suffi d’augmenter le nombre de postes de psychologues dans le service public, comme dans le secteur privé qui participe aux missions de santé publique (et avec un salaire digne et non pas misérable !), l’État compte asphyxier les psychologues libéraux comme il a asphyxié le service public.

    Nous avons décidé de créer une Convergence des organisations de psychologues praticiens véritablement représentative de la profession, plurielle dans ses références et ses pratiques, pour permettre de fédérer notre profession, de refuser son massacre mis en œuvre actuellement par des logiques purement comptables et technocratiques, aveugles et ignorantes des soins psychiques dont la récente pandémie a révélé au grand jour l’urgence. La casse de notre profession rejoint la destruction de bien d’autres métiers, notamment dans les services publics. Et notre Convergence est solidaire de l’ensemble des mouvements, dans le champ de la psychiatrie comme de l’hôpital en général, du médico-social, de la justice, de l’éducation et autres encore, qui luttent pour sauvegarder une approche humaine et éthique des pratiques sociales.

    *** Nous demandons l’arrêt de la casse des institutions de soin, dans le secteur hospitalier comme dans le secteur médico-social, l’arrêt de la fermeture des services de psychiatrie dans la fonction publique hospitalière, l’embauche pérenne de soignants et notamment de psychologues dans ces établissements, à hauteur des besoins de la population.

    Nous demandons fermement l’arrêt immédiat de la mise en place du dispositif « Mon Psy Santé », le retrait des divers décrets et arrêtés relatifs aux plateformes qui font violence aux soignants comme aux patients.

    Nous appelons l’ensemble des psychologues à boycotter ces dispositifs inadaptés et méprisants, afin qu’ils soient retirés, et que le Gouvernement engage ensuite une réelle réflexion avec les organisations réunies dans cette Convergence pour envisager des modalités de prise en compte de la souffrance psychique qui soient respectueuses des psychologues et des patients qui les consultent.

    Nous appelons toutes les organisations de psychologues praticiens (associations, collèges, inter-collèges, collectifs, syndicats…), de toutes orientations ou spécialités, mais aussi toutes les organisations d’enseignants-chercheurs et d’étudiants en psychologie, à rejoindre cette Convergence pour défendre notre profession de psychologue.

    Appel des appels - Association Française de Thérapie Comportementale et Cognitive - Association Lire Dolto Aujourd’hui - Association des psychologues freudiens - Collectif des 39 - Collectif National Inter-Collèges des psychologues hospitaliers - Collectif des Psychologues Ariégeois - Collectif Psychologues Citoyens - Collectif des Psychologues du 49 - Collège des Psychologues de l’Arisse - CoPsy-GO ! - Espace analytique - École de la Cause freudienne (Soutien à la Convergence des psychologues) - Inter-collèges IDF - Inter-collèges Nord-Pas-DeCalais - Inter-collèges PACA - Inter-collèges des psychologues Languedoc-Roussillon - Les Signataires Collectif POP - M3P - Manifeste des Psychologues cliniciens et des Psychologues Psychothérapeutes - Syndicat National des Psychologues - Séminaire Inter-Universitaire Européen d’Enseignement et de Recherche en Psychopathologie et Psychanalyse - Unsa-Santé, Serpsy. 

    Communiqué Convergence.pdf

     

  • Trente ans après, qu'est devenu le soin en psychiatrie ?

    Trente après, qu'est devenu le soin en psychiatrie ?

    Le 23 mars 2022, les infirmiers de secteur psychiatrique (ISP) commémoreront le trentième anniversaire de la suppression de leurs études et de leur diplôme. Cette extinction d'une profession pourrait n'être qu'une péripétie historique si elle ne s'était accompagnée de l'effacement (voire de l'invisibilisation) d'un champ entier de savoir qui manque cruellement aujourd'hui. La multiplication des isolements et contention (et l'impossibilité même de penser soigner sans), la raréfaction des activités de médiation sont là pour nous le rappeler. 

    L'association Serpsy (Soins, Etudes et Recherche en Psychiatrie) invite ceux que ça intéresse à commémorer cet évènement autour de la question : "30 ans après, qu'est devenu le soin en psychiatrie ?" 

    Différents évènements seront organisés en mars, notamment à l'Astronef, à Edouard-Toulouse à Marseille (13).  

    Des conférences, oui ! Des lectures d'ouvrage écrits par des ISP , oui ! Des débats, oui ! Des pièces de théâtre, oui ! Des manifestations, oui ! Des sittings. Des meetings. Des initiatives en tous genres pour montrer que nous sommes toujours vivants !

    Saurons-nous dire non à la psychiatrie couchée, à la psychiatrie des bien assis et à leurs Assises bien proprettes, où tout est soigneusement planifié de telle sorte que rien ne déborde ?  

    Que vive la psychiatrie des poings levés, avec des soignants et des usagers debout (et non plus sanglés à leur lit) ! 

    Ecrivez-nous, racontez-vous, racontez-nous ! 

     

    D. Friard, pour l'association Serpsy !